Elle devait me prendre pour un idiot, ou bien pour un fou. Et je me sens bizarrement très con de l'attendre de si bonne heure ce matin, les fesses vissées sur le (très) confortable canapé du salon commun. C'est une envie qui m'avait prit comme ça, une envie qui s'est transformée en nécessité à force de la regarder. Esther est vraiment très jolie et elle est adorable, mais Esther devait être la plus belle aujourd'hui ; c'était un jour spécial après tout. Oh, bien sûr pas pour tout le monde et même pas pour moi qui savais d'avance que cette journée n'apporterait rien de plus que l'habituelle et entêtante routine qui nous achevait tous ici. Mais pour elle ça se devait d'être autrement, c'est comme ça. Esther ne mérite en rien cette routine et ces gens qui ne la regardent pas. Pourtant... Je ne sais pas vraiment quoi faire là, j'hésite. Devrais-je aller la chercher ? Peut-être qu'elle a oublié, ou qu'elle dort encore. Il n'est pas encore l'heure mais j'ai cette sale impression qu'elle viendra pas. Je sais d'où ça vient, bien sûr, cette peur idiote d'être encore une fois abandonné, mais c'est impossible à faire partir. À chaque fois elle revient et à chaque fois je panique, tordant mes doigts dans un peu tous les sens humainement possibles, les frottants entre eux sous ma cape, le regard baissé et le visage fermé. C'est embêtant...

Mais peut-être que si elle ne vient pas je devrais la laisser.
Pourtant Esther a toujours été là, je ne dois pas m'inquiéter.
Elle va venir. Il faut qu'elle vienne.
Esther s'il te plaît.

Le souffle un peu court je me mets à prier sans vraiment m'en rendre compte. Et c'est sa voix que j'entends soudain, un bon matin si doux qu'elle prononce avec le sourire aux lèvres je le sais sans même la regarder. « Bon matin Esther. » Et je suis incapable de cacher mon soulagement... Non, c'est quand je me détends enfin en levant les yeux sur elle que je comprends à quel point j'étais crispé, et la voix presque essoufflée d'avoir arrêté de respirer je l'ai salué le plus naturellement possible. Avec la tête que je tire actuellement, autant dire que c'est pas très réussi. Elle ne semble pas y prêter trop d'attention, tant mieux. Esther est si douce que ça m'embêterait de la voir s'inquiéter pour ça.

« Bien sûr que ça me tient à coeur, m'exclamais-je en souriant timidement, esquissant un mouvement pour récupérer son sac emplit d'ustensiles, il faut que tu sois parfaite aujourd'hui. Enfin, plus encore que tu l'es d'habitude. Tout le monde ne doit regarder que toi. »

Ça sonne un peu pervers dit aussi sérieusement, mais c'est ce que je ressens. Aujourd'hui sera un jour spécial, forcément. « C'est le White Day après tout. » Mais je suis presque certain qu'elle ne sait pas ce que c'est. Un rire léger m'échappe tandis que je tapote gentiment l'espace vide à côté de moi pour qu'elle vienne s'y asseoir et qu'on puisse commencer. Dos à elle je l'observe un instant, même sans voir son visage elle est magnifique. Une main qui glisse dans ses cheveux pendant que l'autre fouille activement le sac à la recherche d'une brosse, je ne peux m'empêcher de penser que j'adore ses cheveux. Genre vraiment. Ils sont toujours si soyeux et bien entretenus, aussi brillants qu'elle, j'adore la coiffer. C'est pas ma passion pourtant, je ne fais même ça qu'avec elle d'ailleurs. Coiffer Esther c'est comme un jeu et j'ai l'impression de retomber en enfance parfois. La quintessence même de l'innocence cette fille, c'en est presque effrayant.