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« Cette petite, c’est un soleil à elle toute seule ! J’vous jure, autant d’énergie c’n’est pas humain. Ma foi, ça fait plaisir à voir. Tous les matins, quand elle vient acheter son pain chez moi, j’ai droit à un bonjour tout chantant et à une pirouette acrobatique - c’est qu’elle s’arrêterait jamais de danser ! Ça fait sourire les clients, ils l’appellent tous Mademoiselle Toupie. »
« Je la trouve bizarre. Gentille, mais bizarre. Une fois je l’ai vu s’asseoir à côté d’un jeune touriste à l’arrêt de bus en face de ma maison, il avait ses écouteurs, posé tranquille, et c’te cinglée les lui a enlevé pour mieux lui taper causette. Je vous raconte pas le regard qu’il lui a lancé. N’empêche, il a fini par rire avec elle et je les ai vu bavarder jusqu’à l’arrivée du bus. »
« C’est courant de la voir se parler à elle-même. Quand je lui fais la réflexion, elle me dit à chaque fois que c’est pour mieux entretenir son cerveau et améliorer son sens de la conversation. Curieuse gamine, mais je l’aime bien. Elle a ce truc solaire qui fait qu’on ne peut pas s’empêcher de la regarder. »
« Depuis toute petite, elle attire les gens. Je l’ai très rarement vu seule ! Toujours, elle est entourée, suivie et écoutée - elle doit avoir une aura de gourou. Son rire, sa bonne humeur et son optimisme sans égal ont raison des peaux les plus dures. Y a pas à dire, lorsqu’elle offre son amitié, c’est coeur et âme avec. »
« Je la trouve très capricieuse et très tête de mule. Lorsqu'elle désire quelque chose, il faut qu'en un claquement de doigt ce quelque chose se retrouve sous son nez. Lorsqu'elle a une idée à l'esprit, quand bien même celle-ci est farfelue ou dangereuse, elle fera tout pour la réaliser - n'en déplaise au monde entier. »
« C'est une battante, une guerrière ! Quand on était gosse, c'était elle qui protégeait les plus petits de la bande et elle n'hésitait pas à se servir de ses poings ; elle était aussi la première à explorer les lieux qu'on découvrait, effrayants ou pas. On l'admirait tous - moi, j'étais même un peu jaloux, parce que je n'étais pas aussi courageux qu'elle. »
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// Alors j'ai voulu tester, c'est une première pour moi, de raconter l'histoire de mon personnage de manière un peu différente. Je garde la base, à savoir la forme écrite mais je me suis permise dans une folie folle follesque - iohzogihzogihzoighz -> mon état spirituel là - de narrer vocalement Cesaria. Wallah. Je sais c'est weird mais j'avais envie puis ça m'entraîne irl (puisque je fais du théâtre) puis vous êtes tous trop gentils alors j'me suis dis, pitêt ça passera. Wallah wallah. Je stop. //
« Tu es née la journée la plus chaude de l’été, c’est comme si le soleil nous prévenait que tu grandirais à son image ! » Je me souviens de l’hilarité de ma mère qui la prenait à chaque fois qu’elle me parlait du jour de ma naissance. Elle a toujours eut à coeur de mentionner cette phrase ; selon elle, elle excuse et explique tout ce qui va et ne va pas chez moi.
Apparemment, tout le quartier s’était agglutiné dans sa chambre cet après-midi là. Un vrai sauna ! Il n’y avait qu’un seul ventilateur, mais cela ne gênait personne.
« Tu comprends, ils étaient si heureux de te rencontrer après t’avoir vu pousser et pousser sous mon nombril ! » Elle ajoutait avec une grande fierté.
« Ils sont tous venus avec des fleurs, des bocaux d’olives, des bouteilles de vin et des vêtements cousus mains. »Parfois, j’aimerais être un grain de sable pour traverser le temps et m’arrêter sur cet après-midi, assister à ma naissance, ne serait-ce que pour voir toutes ces personnes ; mais surtout pour voir les visages de mon père et de ma mère.
« Mira, mira, querida, qué hermosa es nuestra chica ! » Mon père me disait qu’elle répétait cela en boucle, comme une cassette enrayée.
« Elle n’arrivait pas à te lâcher des yeux plus de deux minutes ! » J’adorais mon père. Il avait toujours un mot gentil ou juste à me dire lorsqu’il me voyait triste. Il n’était pourtant pas du genre démonstratif ou expansif - cela rendait ce mot d’autant plus précieux et réconfortant. Un jour que j’étais si sage, mon grand-père me disputa, croyant que c’était moi qui avait cassé sa statuette de la Madonna - or non, c’était mon cousin Pedro et j’avais beau me défendre, il ne me croyait pas ; mon père m’avait alors prise dans ses bras et il n’aura fallut que d’un
« Cariño, te creo y eso es suficiente. » pour que je passe des larmes au rire.
C’est lui qui m’a enseigné la danse. À côté de son travail dans les champs de tabac, il était musicien. Le meilleur guitariste de toute la Havana ! Ses amis venaient jouer tous les samedis soir à la maison et moi je dansais, je dansais et je dansais encore ! Ma mère nous servait du jus d’ananas avec un sirop de canne - et du rhum, sauf pour moi - avec des poivrons marinés et son fameux gratin de poulet au piment. C’était le dîner typique de ces samedis musicaux. Forcément les bonnes odeurs attiraient les voisins, alors on passait de cinq à dix puis finalement à vingt en fin de soirée. Que c’était bien ! De temps en temps, mon père s’arrêtait de jouer et je montais sur ses pieds - il me faisait valser et tournoyer avec bonheur dans to ute la maison. Je me sentais si légère ! Je ris quand je pense à la fois où, pour mon quinzième anniversaire, il essaya de refaire ce petit manège - ça n’a pas loupé, au bout de trois pas il m’a relâché
« Tu es bien trop lourde maintenant ! ». Ma mère nous a filmé cette fois-là, prétextant que notre grâce d’éléphant méritait d’être immortalisée pour la postérité. Mon Dieu… Nous avions l’air si ridicules tous les deux.
Ma mère, c’est l’amour de la peinture qu’elle m’a transmis. Elle avait son petit atelier à elle, dans l’arrière-cours de notre maison où elle peignait des paysages imaginaires et multicolors mais aussi et surtout des fleurs d’hibiscus. Je crois que c’est pour ça que j’aime tant les hibiscus. J’ai grandis avec leur image. Tous les murs de ma chambre en étaient recouverts - elle en avait peint sur chaque centimètre carré. Ce n’était pas facile de vendre ses toiles - elle n’avait pas de galerie car cela coûtait cher et les cubains n’ont pas de sous à dépenser pour l’art. Tout le monde est pauvre à la Havane mais tout le monde fait semblant de ne pas l’être.
Ma mère travaillait donc dans la rue. Elle posait un tapis, une table, deux chaises, son chevalet et ses pinceaux et devenait le cliché parfait de l’artiste havanaise. Les touristes aiment ça, vous savez, ce côté carte postale vivante. C’est eux qui lui achetaient ses toiles ; cependant ils préféraient lui acheter des portraits minutes, des caricatures ou des croquis de grand-mères le cigare au bec plutôt que ses originales. Ce n’était peut-être pas glorieux d’avoir à peindre ce genre de choses mais au moins, ça nous permettait de remplir le porte-monnaie !
Mon père gagnait peu avec les champs de tabac et la musique - nos revenus n’étaient jamais sûrs. Sans les touristes, la vie aurait été plus dure. Je me souviens que certaines fins de mois, on mangeait chez un voisin ou chez un oncle ou encore chez une cousine, parce que nos placards étaient vides. Quand c’est le voisin, l’oncle ou la cousine qui se retrouvait les placards vides, c’était à notre tour d’accueillir. C’est comme ça qu’ça marche dans les quartiers populaires de chez nous. Une porte n’est jamais fermée, une table non plus.
« Le bonheur, ça rentre par un sourire, ça remplit l’estomac et ça termine sous les pieds pour les faire danser ! Le reste, c’est du vent pour flatter les perroquets ! » ma mère me disait, quand je me plaignais de ne pas être comme ces américaines riches et à la mode.
Les garçons de notre quartier m’appelaient
« el mono salvaje », littéralement
« le singe sauvage » - c’est que je n’étais pas féminine pour un sou et jamais ni calme ni tranquille ! J’étais plate - messieurs les seins se sont fait désirer jusqu’à mes seize ans - j’avais le visage constamment caché sous une couche de poussière et des jambes et des bras comme des brindilles. Je courais pieds nus, je me roulais sur le sol, grimpais dans les arbres ou coursais les chiens et les chats. Mes shorts étaient sales, pleins de trous, comme mes débardeurs et tout autre vêtement que je portais. Il m’arrivait même de me battre quand d’autres gamins cherchaient des noises à ma bande. J’étais la chef et douze têtes à diriger et protéger, c’était pas rien comme responsabilité ! Cela désespérait ma mère et amusait mon père…
Ah de l’animation, j’en faisais ! Pas un jour ne se passait sans qu’on n’entende quelqu’un hurler mon nom de joie, de colère ou d’exaspération. Quoiqu’on puisse en penser, mon enfance, elle a été géniale. Pour rien au monde je souhaiterais la changer ou en vivre une autre.
J’ai tellement de souvenirs heureux ! Je ne saurais pas choisir lequel je préfère… Un de ceux qui m’a beaucoup marqué, c’est celui concernant ma lettre d’acception à Ilvermorny. Je n’avais jamais entendu parler de cette école avant, ni même de magie. Je me savais douée pour faire parler les oiseaux, changer l’eau en grenadine ou insuffler la vie aux animaux que je modelais avec le sable sur la plage mais… Être une sorcière ? J’ai cru jusqu’à réception de cette lettre, que c’était Dieu qui m’avait faite comme ça et mes parents, s’ils m’avaient fermement interdit de montrer mes « dons » aux autres, n’en avaient pour autant jamais été effrayés ou inquiets.
Cela a été un déchirement de devoir m’envoler pour les États-Unis. Vivre dans un pensionnat, apprendre l’anglais, l’histoire de la sorcellerie et toutes ces choses qui n’existaient, en principe, que dans les livres - pour une fille qui fut élue quatre années de suite « cancre » de son école primaire, c’était de l’inédit ! Il m’a fallut une dizaine de mois avant de m’adapter. Après quoi, plus question de revenir à la normalité. Je le savais, je le sentais - le monde de la magie, c’est mon monde.
Mes parents versaient des larmes de crocodile avant chacun de mes départs. Que ce soit pour me dire au revoir à la fin des vacances - évidement, dès que j’en avais, je retournais au pays - ou que ce soit pour me souhaiter courage lors de la rentrée - ils en versaient. Toujours est-il que mes années à Ilvermony ont été les plus belles et les plus riches de mon adolescence. Quand je rentrais à la maison, j’épuisais jusqu’à l’endormissement ma famille tant je parlais et parlais et parlais sans interruption et avec excitation de ce que j’avais vu, appris ou encore des personnes avec lesquelles j’étais devenue amie.
Quand ma mère est tombée malade, ça a été très difficile de garder le sourire et de parler sans interruption de mon excitation d’être une apprentie sorcière. Je n’avais jamais connu de drame, ça n’arrivait qu’aux autres. Au début, je pensais que ce serait passager parce que ce n’était pas la première fois qu’elle était mal en point. Elle a toujours eut une santé fragile. J’ai compris que c’était grave le jour où mon père a annulé le rendez-vous du samedi. Il y avait dans son regard tellement de peur et de tristesse quand il m’a dit
« Riri, j’ai vendu ma guitare. Va acheter les médicaments notés sur cette liste avec les sous. » que j’ai senti tout mon corps trembler.
Elle est morte un mardi après-midi. Il faisait beau et chaud, tout le quartier était là, comme pour le jour de ma naissance. Elle m’a dit, avant de rendre son dernier souffle
« Ne me pleure pas, je n’aime pas les pleurs. Ris plutôt, et ris fort, que je t’entende depuis là-haut. » Maman…
Ce n’est pas facile de ne pas pleurer quand je pense à elle. Elle me manque.
Mais je la vois dans les hibiscus, et lorsque je peins, je sais qu’elle m’observe alors le chagrin et le manque passent et ça va, je peux rire.
Mon père nous a quitté quelques mois plus tard. Il n’a pas réussi à supporter le manque et le chagrin, lui, alors il est parti la rejoindre. Je ne pensais pas qu’il était possible de mourir de manque et de chagrin. Je lui en ai beaucoup voulu de me laisser toute seule. Puis, j’ai finis par comprendre. Ils s’aimaient tellement ! Un peu comme les Inséparables, ces petits oiseaux qui vivent l’un pour l’autre. Un amour pareil, c’est si intense et si merveilleux qu’un seul coeur ne peut pas le supporter. C’est logique. Je lui ai donc pardonné.
Je veux aimer comme ils se sont aimés.
Papa, je le vois quand je danse et quand j’entends de la guitare. Je sais qu’il m’observe, comme elle. Il y a des fois où ça me fait drôle, où j’ai l’impression, du coup, d’être constamment épiée. C’est un peu gênant de sentir ses parents dans son ombre. Je leur murmure de me laisser tranquille quand la gêne devient trop grande - par exemple, quand j’embrasse quelqu’un - et je suppose qu’ils le font. Ma tante me dit que je suis folle, que les morts reposent en paix et n’hantent pas les vivants - mais moi, quelque part, ça m’amuse de me dire qu’ils me hantent. J’aime bien.
Ma tante, Anna, c’est la soeur aînée de ma mère. Elle habite Londres. C’est elle qui m’a accueillie, parce que mes grands-parents sont trop vieux et n’ont pas assez d’argent et parce que mes autres tantes et oncles n’en ont pas assez non plus. Je vais tout de même, dès que je peux, leur rendre visite. Si j’ai fais mes adieux à Ilvermorny, jamais je ne les ferais à Cuba.
J’ai un peu de mal avec Londres. Il n’y a pas de sable, pas de palmiers, pas d’oiseaux colorés. Il y pleut dix mois sur douze, il y fait froid et il y a en général trop de vent. Le soleil semble avoir déserté ce pays ! Le pire reste la nourriture… Plus jamais je mange un fish & chips ou leur pudding bizarre, c’est trop fade, y a pas une seule épice pour relever le tout - et cette jelly là, c’est vraiment comestible ? Heureusement que les anglais sont aussi friands de musique que les cubains ! Je suis impressionnée et enchantée par le « rock » : ils en sont incontestablement les dieux !
J’ai également eu un peu de mal avec Poudlard les premiers mois. Les élèves sont plus… Mh… Je ne sais pas. Européens ? Un peu vieux jeu ? Je ne sais pas. Difficile de m’expliquer quand je ne sais pas moi-même m’expliquer ce que je veux expliquer. Passons ! Ils ont de drôles de tenues, des méthodes légèrement vieillottes et leurs maisons sont singulières. Seulement, c’est impossible pour moi de rester dans un coin à me morfondre en mémoire d’Ilvermorny. Avec beaucoup d’entrain, j’ai finis par me faire ma place. Aujourd’hui je me sens bien. Réellement, bien. Poudlard, en fait, c’est chouette. J’ai des amis, un quotidien excitant et un avenir que j’espère au moins aussi radieux que mon passé et mon présent.