Il est des endroits ou les enfants ou ne devraient pas mettre les pieds, songeait ce matin là Kourtney Braddock alors qu'elle attaquait avec application son second verre de rosé de la journée, le premier ayant eu le bon goût de se trouver comme par hasard plus proche de sa position que la machine à café. Le poste de télévision, dans le même temps, vomissait mollement ses réclames animées par une blonde peroxydée vantant les mérites d'une concoction minceur révolutionnaire à base d'artichaut au goût d'ananas, a moins que ce ne soit l'inverse, et la jeune femme lui jeta un regard vitreux, vaguement méprisant. "Pétasse", commenta t'elle aussi sobrement que possible, avant de loucher sur la pile de courrier qui lui rappelait que non seulement, le gouvernement tentait de lui vider la tête par le biais de ses supports siliconés à la voix de crécelle, mais il osait en plus lui redemander de l'argent constamment pour financer leur surveillance constante des moyens de communication en prétextant une taxe d'habitation. Tous des salauds. Et la vendeuse du télé-achat la première. Tremblante sur ses jambes, elle se redressa et navigua entre les cartons de pizza, la vaisselle sale et ses carnets couverts de son écriture désordonnée pour enfoncer une cigarette dans son bec et regarder la rondeur de son ventre. Au loin, un vague grognement lui indiqua que son compagnon venait de se réveiller. Elle jeta un regard large au travers de la fumée à son appartement et à l'état de sa vie actuelle.
Décidément, il y avait des endroits ou les enfants ne devraient pas mettre les pieds, conclut-elle tristement en finissant son verre cul sec et en cachant la bouteille dans le placard sous l'évier.
Décidément, il y avait des endroits ou les enfants ne devraient pas mettre les pieds, conclut-elle tristement en finissant son verre cul sec et en cachant la bouteille dans le placard sous l'évier.
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Non seulement elle n'avait eu aucune espèce d'envie d'avoir un enfant si tôt, mais surtout pas avec un type pareil, grinça Kourtney quelques temps après avoir énoncé l'évidence, une petite fille emmaillotée dans les bras. Mais elle avait bien trop peur de l'homme pour trouver à y redire quoi que ce soit, maintenant que le mal était fait. Puis la petite avait eu la riche idée de comprendre rapidement qu'il ne fallait pas pleurer, pas crier, et faire oublier le plus rapidement possible son existence pour vivre heureux le plus longtemps possible. Alors, bien sur, les enfants qui se taisent ont de ça d'agaçants qu'on ne sait jamais s'ils s'ennuient, s'ils sont sales ou propres, ou même s'ils ont faim ou soif, mais il suffit de leur faire enfiler un tee-shirt d'adulte, de laisser par terre deux biberons et de changer leur couche après chaque repas. Certains diraient même que cela stimulait leur autonomie.
Elle n'avait encore aucun moyen de savoir que cinq ans plus tard, tout ceci avec tout un tas d'autre choses qu'elle avait soupçonnées, mais soigneusement tues pour ne pas créer de remous supplémentaires, ne serait absolument pas du goût de la justice anglaise qui se hâterait de retirer la petite Clay des bras de ses parents en leur retirant toute autorité parentale et en l'envoyant dans un des si jolis foyers d'accueil dont la nation pouvait être fière.
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Clay est toute petite et oublie très rapidement les traits pourtant très proches de celui qui la regarde du dessus. Elle sait juste qu'elle a mal, quand elle en rêve quelques années plus tard, et qu'elle sent l'intérieur de ses bras s'écraser contre une surface molle qui sent fort. Devant son regard, se balance au gré des mouvements un petit médaillon orné d'un bison argenté.
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Kourtney vit partir sa fille. Elle seule avait le droit de la voir, une fois par mois. Elle culpabilisait un peu, mais ce n'était pas le déchirement qu'elle s'imaginait. Au lieu de ça, elle était juste...triste. Sans plus d'explications. Est ce que c'était encore la peine de revenir la voir? Elle essaya. Une première fois. Une seconde. Il n'y aurait jamais de troisième. Juste un colis avec des livres traitant d'espace, de science-fiction, de théories incroyables. Et plus rien. Plus jamais. Clay était officiellement pupille de la nation, dans l'indifférence générale du monde qui continuait à tourner sans elle.
Plus tard, elle se rassurera en se disant que sa mère serait revenue, si elle le pouvait.Mais elle en savait trop, et avait du être gardée sous clé par le gouvernement de grande-bretagne. Ou alors, ils avaient du venir la chercher, dans le ciel infini, pour tenter de camoufler leur existence. Un peu comme elle, quelques temps auparavant. Mais ils avaient commis l'erreur de la relâcher, en gravant dans son esprit un bison argenté et une odeur forte.
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C'était compliqué, pour une toute petite fille, de tout quitter pour se retrouver avec d'autres comme elle, ceux que les adultes avaient déçus tellement tôt que plus jamais ils ne retrouveraient grâce à leurs yeux. Les éducateurs y mettaient du leur, pour la plupart. Elle, beaucoup moins. Murée dans un silence certain, la tête dans des livres dont elle comprenait à peine le titre, elle pensait. Parfois tellement fort que ses draps se levaient seuls pour aller s'écraser contre les murs de sa chambre, provoquant une vague panique chez tout le monde avant qu'un éducateur plus réactif que les autres prétexte un courant d'air particulièrement puissant.
Mais elle était différente. Comme sa maman, songeait-elle encore à ce moment là.Et une grande dame un peu inquiétante confirma ses craintes le jour de son onzième anniversaire, lorsqu'elle vint expliquer posément à l'éducateur responsable de Clay qu'elle était une sorcière, certainement née de parents moldus, et que tout un autre monde existait loin des regards pour ceux qui comme elle avaient une affinité pour la magie.
Ce fut certainement à cet instant que la crainte du complot et la recherche éternelle de la vérité prirent une place importante dans son esprit, trop importante certainement pour une enfant de onze ans désargentée qui achetait des robes de sorcier d'occasion dans cet univers dont personne ne lui avait parlé. Sa mère avait raison depuis le début. Tout le monde lui avait expliqué qu'elle était étrange, et dangereuse, mais ils se trompaient. Tous se trompaient. Elle seule avait vu au delà du voile de la magie, et certainement au delà de bien d'autres choses encore. Et peut-être même qu'elle s'y était réfugiée, finalement.
Clay allait la retrouver. Elle devait être dans ce monde nouveau. Forcément.
Sept ans plus tard, elle n'a pas plus de pistes qu'à son arrivée. Mais elle continue a lire les signes des cieux, et les motifs qui se dessinent entre chaque choses. Et elle sait qu'elle n'est pas la seules. Tout est lié, même si les béotiens de peuvent le voir.
Un jour, elle la retrouvera.