i think i love you in a way
that nobody will ever understand
M // J’ajoute quelques tranches de gingembre frais dans le papier aluminium contenant les poches de mon sang - son parfum puissant et acidulé peut masquer n’importe quelle odeur. C’est peut-être inutile, c’est peut-être exagéré - qu’importe. Je préfère en faire trop que pas assez. Sans compter le fait que j’adore le parfum de gingembre… Mes yeux se posent un bref instant sur la minuscule plaie, vestige de la seringue, saillant mon avant-bras gauche. J’avais médité, médité et médité encore cet acte, de peur d’avoir mal - oui, je suis douillet - mais, au final, rien, aucune douleur ; un moustique ne m’aurait pas fait plus d’effet. Je n’ai pas non plus défailli, ayant visé juste sur la quantité à prélever - fait qui me rend plutôt fier.
Je saisis mon sac à dos, y range ma préparation avec soin puis quitte les dortoirs à pas de loup. Une soudaine et désagréable incertitude s’insinue au noir de mon esprit tandis que je chemine en direction du Sixième Étage.
Et si mon idée ne lui plaisait pas ? Le doute me mord les tripes, me rend nauséeux.
Et si elle se sentait humiliée ? Par Merlin, Mirza, arrête de penser !
J’espère tellement que cela va lui faire plaisir, qu’elle va ainsi comprendre à quel point je tiens à elle. J’ai déjà songé à le lui dire de vive voix, à lui écrire une lettre même - impossible. À chaque fois, mon cerveau me lâche et je finis en boule sur mon lit. Ce qu’il y a de bizarre, c’est que je n’arrive pas non plus à m’expliquer clairement le genre d’amour que je lui porte - je n’en ai jamais ressenti de similaire avant.
Mirza, stop, stop, stop. Ce n’est pas le moment !
J’inspire longuement, pousse la porte de la salle de musique - il n’y a personne. Elle n’est pas encore là. Elle va venir. N’est-ce pas ? Non pas qu’une quelconque obligation nous pousse à nous retrouver tous les soirs à la même heure - nous le faisons, c’est tout.
Je pose mon sac dans un coin, m’installe sur le tabouret face au piano. Une fine pédicule de poussière y dort jusqu’à ce que mes doigts la réveille en frappant les touches. Les particules, semblables à des paillettes, dansent sous les rayons faiblissants du soleil couchant que les fenêtres laissent entrer. C'est si joli.
D’abord, c’est à Debussy que je fais mes hommages et que mon esprit se laisse lentement aller - puis, emporté par la douceur des notes, je m’en vais charmer Satie avant de finalement épouser Chopin.
Tout l’or du monde ne pourrait acheter la tendresse qui me lie à cet instrument, à ces invisibles et imaginaires mais mélodieuses formes.
Je ne remarque pas tout de suite l’ombre qui se glisse dans l’embrasure de l’entrée - pas jusqu’à ce que mon regard s’y pose avec caresse. À ce visage aux traits enchanteurs, auréolé de mèches roses et folles, j’offre le sourire le plus doux -
Lin. Enfin, tu es là.