Shouldn't be proud // Lloyd

Arya


Les jours se suivaient et se ressemblaient. Biblio, boulot, dodo pour reprendre l'expression célèbre, mise à la sauce Lloyd. Je tentais tant bien que mal de masquer les cernes sous les yeux et garder bonne contenance devant toutes les sollicitations agaçantes que je .... subissais oui chaque jour. Oui, j'étais préfet mais j'avais une tête de chaperon sérieux ? Ces mioches de première année qui n'avaient pas la pression des examens comme moi, les minauderies des filles à peine discrètes qui iraient presque renifler mon fondement si je venais à péter en s'exclamant que ça sentait la fraise, bref, tout m'énervait. Et ça m'énervait.

Il y avait déjà du monde en cette heure avancée de la matinée. Habituellement j'arrivais dès son ouverture, les courageux matinaux se faisant rare et me permettant de réviser dans le silence et la tranquillité. Poussant un soupir audible tout autour de moi, il ne restait qu'une table où à la manière du jeu Puissance 4, aucune personne ne se trouverait collé à moi. À défaut de mieux je me contenterai de ça.

Posant mon sac histoire de réserver ma place, j'allais chercher les livres m'intéressant. À la longue je commençais par connaître les rayons par cœur. Il ne me fallut que quelques minutes avant de retourner à ma place, m'étirant tout du long les bras en arrière avant de passer à l'attaque.

Potions et alchimie, le remède miracle à tout ?... fut mon premier choix. Il n'était pas très connu, ni très réputé d'ailleurs, son auteur divaguant souvent dans des élucubrations que même moi j'avais du mal à suivre. Ce qui m'intéressait surtout était son approche différente de la réalisation des potions et les points communs avec la science alchimique. Je suis sûr qu'il y avait matière à creuser.

Alors que je tournais la prochaine où je m'étais arrêté hier, j'entendis une faible voix allant dans ma direction. "Hey". Hey ? Quoi Hey, qui me Heyisait dans la bibliothèque ?
Me massant les sinus comme un remède au stress à venir, je tournais la tête vers l'élément perturbateur. Habillée aux couleurs des blaireaux, ça commençait mal. Mon regard remontait jusqu'à son visage que je me permis de détailler pendant quelques secondes, mon cerveau s'étant mis en mode "recherche intensive" pour trouver où et quand j'avais déjà pu la rencontrer.
Même si elle ne devait pas briller par ses qualités pour finir dans cette maison, elle n'était pas dégueu à regarder, soyons honnête.

- Euh, oui ? Vu qu'elle s'était assise juste à côté de moi, la suite n'allait pas tarder à venir, ce qui ne manqua pas d'arriver.

Arya, voilà c'était ça, la conquête de mon cher frère. Je n'avais pas tout suivi ce qu'il s'était passé entre eux car à dire vrai je m'en tamponnais le coquillard. J'avais juste appris qu'ils s'étaient séparés et que frérot l'avait assez en travers de la gorge, pour ne pas dire ailleurs.

- Ah .... Possible. J'haussais les épaules. Pour l'instant, mon livre était toujours plus intéressant que cette simili approche timide, mais je lui laissais une dernière chance pour attiser ma curiosité.

Nous y voilà ... Elle a besoin de moi. Intéressant, très intéressant, j'appréciais qu'on se rende redevable à mon égard, c'était toujours utile tôt ou tard. Je pivotais de moitié vers elle, témoignant mon regain d'intérêt. Il fallait en apprendre plus sur ce qu'elle voulait et pourquoi elle en était réduit à faire appel à moi, le frère de la "cible".

- Bien, si tu commençais par le commencement. Raconte moi ce qui s'est passé et pourquoi tu veux faire appel à moi pour t'aider. N'omet aucun détail, après tout il s'agit de mon frère tout de même. Selon ce que tu m'as dit, je verrai si je peux t'aider.

Je fis un mouvement de la main dans sa direction pour l'inciter à parler. De l'autre main, je fermais mon livre, finissant par entrelacer les dix doigts et fixer attentivement la demoiselle en détresse. Marché de dupes ? Qui sait ....

Arya


Maintenant qu'elle était là, la bouche en cœur, le regard hésitant et la voix à peine audible, les révisions allaient devoir attendre. Surtout qu'il était question de mon frère, me faisant créer une simili jubilation intérieure à l'idée d'en savoir plus sur lui. De l'extérieur par contre, je restais le célèbre Lloyd distant et calculateur.

Le jeu, ou l'enjeu devait en valoir la chandelle pour qu'elle vienne me voir, aussi me révéler de but en blanc qu'elle couchait avec mon frère limitait le champ des possibilités de façon drastique. En gros, deux notions opposées sortaient du lot : Vengeance, ou reconquête.

- Sacré Floyd, fis-je un léger sourire se dessinant sur mon visage. Généralement, quand un garçon dit cela, ça fait fuir les filles. Le côté "il faut des sentiments" pour une fille, ce genre de choses.

Haussement d'épaules, je ne portais pas de jugement mais neuf fois sur dix c'était ainsi. Une fois le décor planté, l'élément perturbateur. Visiblement, dans la version des faits d'Arya, mon frère était une fois encore le seul responsable. Une accusation infondée ni plus ni moins ! Les mots qu'elle employait était forts, lourds de sens. Détruite ? Elle n'aurait pas utilisé ce mot si elle ne le pensait pas vraiment. À moins que ... elle pouvait penser que le seul moyen de me convaincre était d'en rajouter des louches. Laissons la continuer.

- Je vois, enfin j'imagine. L'air qu'elle affichait était empli de sentiments contradictoires, difficiles à analyser.

Introduction.

Développement.

Restait la conclusion : Qu'attendait-elle de moi ?

Nous y voilà. Elle ne voulait pas laisser cette injustice impunie, mais quel châtiment voulait-elle seulement comme un juste retour des choses. Elle ne m'en dit pas plus.
Je pris le temps de la réflexion, bien plus qu'il ne m'en fallait à dire vrai. Le silence instaurait une tension souvent profitable quand nous nous trouvions en position dominante. Elle était dans l'attente, pas moi. Elle était dans le besoin, moi pas.

Quand je jugeais le moment opportun, je pris la parole pour démêler un minimum son problème.

- Je ne peux pas forcer mon frère à parler, encore moins à te parler. Le souci est que tu ne me dis que ce que tu veux que j'entende. As-tu eu une relation avec quelqu'un d'autre ? Même si mon frère a souvent le cerveau entre ses jambes, il ne l'a pas sucé de son pouce. Il le connaissait ?

Je m'approchais ensuite d'elle, mon visage à quelques centimètres du sien, mes lèvres proches de son oreille. D'un souffle étudié, je lui murmurais les premières conditions du pacte qu'elle s'engageait à sceller.

- Qu'attends-tu de moi au juste Arya : la rédemption de mon frère, son pardon, une vengeance ? Tout a un prix, qu'es-tu prête à me sacrifier pour parvenir à tes fins ?

Oui, moi aussi je savais utiliser des mots pesants, lourds de sens. Elle pouvait s'enfuir, renoncer et je me serai évité une perte de temps pour une petite crise de gamine. Si par contre elle avait été réellement détruite, une proie aux abois était prête à tout et c'était exactement ce que je voulais obtenir d'elle.

Arya


Je tapotais lentement chacun de mes doigts sur la table sur lequel mon coude avait élu domicile. Voilà que la chère Poufsouffle variait un peu sa version des faits.
Il y a un instant, Floyd supposait qu'elle entretenait une relation avec quelqu'un et l'aurait rejetée de façon brutale et inconsidérée.

Pourtant, au détour de quelques légitimes interrogations, l'aveu ne tarda pas à survenir. Les deux amants partageant la même demoiselle n'étaient pas aussi intimes qu'avec elle mais ils n'étaient pas non plus deux parfaits inconnus. Intéressant triangle amoureux, pour le triangle intime de la demoiselle.

Alors je mis à mon tour les pieds dans le plat, posant des mots forts, lourds de sens au creux de son oreille pour tester sa détermination mais les limites qu'elle serait prête à franchir. Je m'éloignais ensuite pour lui laisser le temps nécessaire à une réponse digne de ce nom.

Les premiers mots qui s'échappèrent de sa bouche me déçurent. La compréhension était un concept aussi vaste qu'ennuyeux. Je ne risquerai pas de perdre mon temps à faire une leçon de morale à un individu qui avait une conception toute particulière du bien et du mal.
Les prochains furent bien plus précis et délectables. La souffrance, haaaaaaa, la célèbre et inimitable souffrance. Celle de voir l'autre courber l'échine, le talon de la chaussure sur la gorge, voir dans le regard effrayé de l'autre la plus totale vulnérabilité et soumission.

- Penses-tu avoir choisi le meilleur .... partenaire pour faire souffrir ton ancien amant que le frère de celui-ci ?...

À mon tour de croiser les bras contre mon torse, m'appuyant à moitié sur le dossier de ma chaise, l'air interrogateur. La faire mariner était un bon exercice pour tirer le meilleur - ou le pire - d'une personne.
Après avoir laissé le silence s'instaurer entre nous, je lâchais enfin un : Cela peut être un choix aussi risqué que productif je l'admets. J'étais un adepte du gagnant - gagnant, même s'il fallait sur le chemin assumer quelques sacrifices humains.

- Le problème, Arya, est que je ne te connais pas suffisamment pour savoir ce que tu es susceptible, et capable, de m'offrir en contrepartie. Je suppose que cela va de pair avec la souffrance infligée hmm ?

J'attrapais distraitement un crayon à moitié sorti de ma trousse et le fis tourner autour de mes doigts dans un rythme machinalement synchrone et répétitif. Je ne quittais pas du regard celui de ma partenaire du crime, affichant un air songeur et quelque peu détaché.

- Pour avoir eu le courage de venir me voir sans filet, évidemment que mon imbécile de frère en vaut le coup. Une évidence qu'il était bon de rappeler pour qu'elle n'en vienne pas à douter de sa démarche. Ne pas laisser le poisson filer entre mes doigts. Je me mis à baisser le volume de ma voix, la bibliothèque restait un endroit suffisamment calme pour que les discussions portent. Mais oui, pour répondre à ta question, qu'est ce qu'une Poufsouffle en licence et amoureuse malgré elle de mon frère susciterait mon intérêt au point que je passe à l'acte ?... Aurais-tu des secrets à me confier par exemple ? Pas forcément des confidences sur l'oreiller, même si ce sont souvent les plus intéressantes.

Je ne voulais pas que cette discussion tourne en rond, à ce que chacun attende de l'autre la solution miracle. J'avançais mon pion sur l'échiquier. Mon frère n'aimerait assurément pas que j'obtienne ce qu'il convoite. À tout le moins qu'il croie cela vrai.

Arya


La discussion prenait un tournant intéressant, visiblement mes hypothèses avaient fait mouche. Finalement, ne pas avoir choisi mon idée première de la renvoyer paître fut la bonne solution. La charmante Arya ne savait plus trop où donner de la tête et il fallait bien l'avouer, je ne l'y aidais guère. Mon rôle n'était pas de la guider vers une solution, mais tester ses limites pour savoir jusqu'où elle était prête à aller. Quitte à ce qu'elle se perde plus encore qu'avant notre rencontre en ces lieux.

Sa raison, autant que son ton, me firent hausser un sourcil. Avait-elle conscience de ce qu'elle cherchait à obtenir ?

- Que je résume. Tu cherches à le faire souffrir, insistais-je sur le dernier mot, à lui faire comprendre ce qu'il a perdu, mais surtout pas jamais ô grand jamais, ne pas subir les conséquences de tes actes. Je secouais un peu la tête de dépit. Tu as mal choisi ton allié dans ce cas si tu n'assumes les fruits de tes actes, Arya. J'avais marqué le temps d'une demi-seconde avant de prononcer son prénom, résonnant comme un symbole fort. Je me plaçais comme un instrument, fort utile certes, mais pas comme la main qui allait frapper avec. Je risquais fort quelques étincelles à taper ce matériau de chair que je ne connaissais que trop bien, mais l'épée de Damoclès ne serait pas au dessus de ma tête c'était une certitude.

Elle finit par accepter le marché. Évidemment. Restait à fixer les modalités, à l'image d'un pacte tacite entre la demoiselle et moi. Je me permis de rire légèrement quand elle évoqua l'idée que nous coucherions ensemble.

- Oh non, si tu as pu penser que j'avais cela en tête, tu te trompes. Par confidences sur l'oreiller, je parlais de ce que Floyd aurait pu t'avouer après votre coït et qui aurait pu me servir pour le titiller. Je ne veux pas que tu détestes Floyd uniquement parce que je suis meilleur amant que lui.

Je m'amusais à dire cela, d'un ton pourtant si neutre et anodin que le doute n'était presque pas permis. Qu'elle me juge prétentieux ou pas, peu m'importait, je savais pour entendre la façon dont il traitait ses conquêtes que j'avais forcément raison.

Vint alors le secret, la confidence très intime sur un tatouage qui se dessinait sur les courbes cachées de la Poufsouffle. Elle ne manquait pas de cran pour oser inscrire cela sur sa peau, même si les tatouages magiques aujourd'hui permettaient ce genre d'extravagances. Quand même, inscrire le nom de son amant à cet endroit témoignait à quel point elle était accro à lui.

Mes méninges se mirent à tourner à plein régime. Je tâchais de ne pas rire à l'idée que mon frère sache ce qu'Arya avait inscrit sur sa cuisse mais pour en arriver là, elle devait être prête à tout. Pour choisir ce secret parmi probablement tant d'autres, elle était déterminée, aussi fallait-il utiliser ce hargne en ma faveur.

- Effectivement, ce mot correspond assez bien à mon frère, même s'il ne doit pas se faire payer, enfin je pense ... Hmm ... Réflexion de circonstance pendant quelques secondes. Je savais déjà ce que j'allais lui proposer, mais la forme avait autant d'importance que le fond. Bien, c'est entendu. Je veux voir ce tatouage. J'en ai besoin pour être crédible quand je vais en parler à mon frère. À toi de voir comment, en direct ou tu prends une photo peu m'importe. Ensuite, ce sera à moi de jouer et tu peux être assurée que le message passera. La seule condition que je pose est que je choisirai le moment opportun. Lui balancer ça au milieu de nulle part n'aura aucun impact à part lui faire faire un caca nerveux sur le moment. Or ce n'est pas ça que tu veux n'est ce pas ?

Impudeur ou photo potentiellement compromettante, le choix était toujours risqué, mais excitant sur ce qu'elle opterait au final.

Je la fixais intensément, l'empêchant d'avoir le regard fuyant. Marché conclu ?...