cassandre ☾ homo homini lupus

la radio grésille sur manu chao -- les clichés s’épanchent dans le creux de ses oreilles et la clope abandonnée sur la bord de ses lèvres purpurines semble crépiter d’ironie. cassandre complue au coeur de ses pensées disparates, à mi-chemin entre la fantaisie et le cauchemar éveillé, se tourne vers le soleil comme on toise un vieil ami.
“partamos, achille.”

elle avait toujours caressé l’idée tendre d’un road trip, de traverser l’intégralité du mexique et d’en découvrir les paysages les plus secrets ; commencer à la frontière entre chihuahua et coahuila, pour finir sur les plages les moins fréquentées de yucatan. mais cassandre ne pouvait conduire -- pas plus qu’elle ne pouvait discerner plus que des formes floues au-delà d’un ou deux mètres.

on pensait à tort que sa presque cécité ferait de cassandre une enfant triste -- et elle ne manquait jamais de mugir, la guerrière. d’hurler que ce qu’elle ne connaissait ne pouvait lui manquer, et de combler son handicap par une appréciation excessive des couleurs vives. électrique, c’est ainsi qu’elle avait décidé de vivre sa vie.

Elevée dans la chaleur de l’Amérique, les veines gorgées de sang étranger, la peau tannée par les rayons impitoyables ; Cassandre à l’apogée de sa vie s’éreintait sous un soleil de plomb, trop délectée par la sensation enivrante du work out pour laisser le lourd été la lui arracher. Elle s’en serait effondrée sans vergogne, poussant les muscles tirés de ses jambes à la rupture – l’Espagne musicale dans les oreilles et le monde à parcourir. C’est qu’elle poursuit les étoiles et l’horizon, persuadée qu’en courant assez vite elle réussirait à les effleurer du bout de l’ongle ; aujourd’hui c’est un rêve fallacieux qui gratte sous la peau jusque dans la moelle.

Aujourd’hui Cassandre ne voit qu’elle-même et sa tendre famille, amputée d’un parent – elle marche dans les pas assurés d’une mère au courage inébranlable, sèche les larmes silencieuses qu’elle lui surprend, tard le soir, contre le marbre vétusté d’une cuisine trop longtemps négligée. Aujourd’hui elle caresse la perspective d’un avenir héroïque, l’insouciance d’une justicière courant dans les détroits incertains de ses artères rougeoyantes.