Not a ghost ft. Cianan

C’était ma toute première à Poudlard. J’étais là, tout fier de mon nouvel uniforme bleu flambant neuf que je portais à la perfection : cravate bien serrée et tout, même s’il était encore un peu grand. Cela faisait peut-être un mois. Je n’avais pas beaucoup d’amis, mais j’avais une place au premier rang d’où je pouvais suivre les cours avec assiduité. Maman allait être fière de moi ! Papy et mamy aussi c’était sûr ! Tout était nouveau et lorsque j’avais le temps, j’osais parfois traîner dans les couloirs du château juste pour me repérer ou vérifier des rumeurs. Tout le monde disait que les cachots étaient dangereux, surtout pour les première année. J’avais très envie de m’y rendre mais très peur aussi donc, j’évitais. En plus les préfets et les préfètes n’étaient vraiment pas gentils et je ne souhaitais pas faire perdre des points à ma maison ! Le but c’était de ne pas se faire remarquer, d’avoir des bonnes notes et tout irait bien !

C’était un weekend. J’étais en train de remonter de la grande salle vers la bibliothèque, le sac lourds de manuels que je devais rendre. Je cherchais toujours du regard des détails, laissant mes yeux vagabonder sur les peintures des escaliers, les arches des plafonds, les armures… tout ce qu’on pouvait trouver et qui était décrit dans L’histoire de Poudlard. Je trouvais tout absolument fascinant et excitant. En plus on racontait qu’il y avait des passages secrets un peu partout. Même papy l’avait confirmé ! J’étais convaincu que je pourrais en trouver par moi-même.

Et puis au détour d’un couloir, une lueur pâle et fantomatique traverse devant moi. J’avais vu les fantômes de maison. Helena, le baron sanglant, nick quasi-sans-tête et le moine gras. A l’exception du baron, ils ne faisaient pas peur ! Ils étaient même plutôt gentils, même si il n’avait rien d’intéressant à raconter, quelle déception. Helena passait son temps à soupirer, Nick n’avait aucune information intéressante à donner sur la vie après la mort et le moine gras….il représentait bien sa maison à être sans intérêt.

Mais celui-là était différent. Il avait l’air jeune et si j’avais bien vu il portait un uniforme ! Je marche donc rapidement dans les couloirs ( interdiction de courir) afin de rattraper le spectre qui flotte. Il est beaucoup plus grand que moi.

Hey attendez ! S'il vous plaît !

Je l’appelle pour qu’il s’arrête. Personne ne m’avait parlé de ce fantôme là. Je parviens à le rattraper. Il a un sac et des tas de trucs. A bout de souffle, je dépose mon sac qui pèse une tonne au sol et j’essaie de retrouver une consistance digne, mes grands yeux marrons intéressés par ce qui se trouvait devant moi.

Aheum, pardon, excusez-moi de vous déranger mais je ne vous ai jamais vu avant. Est-ce que vous êtes un fantôme étudiant ? Vous allez en classe pour de vrai ?

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les pieds dans les glaïeuls

je n'aime pas vraiment les rentrées. je veux dire : c'est un moment extraordinaire. il y a comme de la magie dans l'air, plus que d'habitude elle envahit l'atmosphère, crée un univers tout droit sorti de deux hémisphères.
c'est l'imagination qui est à l'oeuvre. elle plante une graine, doucement, après l'avoir découverte dans une lettre.
et moi, voyez-vous, je veux leur laisser ça.
je ne les verrai que plus tard -ça me convient. j'espère pouvoir encore détecter des bouts d'ambroisie, des poussières de paradis, les restes d'un tsunami de théophanie (il ne me reste que la nostalgie). je crois parfois que c'est mon rôle. un espèce de destin que l'on choisit, ou alors qu'on est heureux d'avoir, ou alors qu'on croit pouvoir endosser, sans aucune once de vanité. j'aimerais réussir à remuer les racines, à réveillé ces élèves qui ont eu le temps d'avoir l'habitude de tout, et d'en oublier le début. le début. le commencement.
mais moi, vous savez, je ne suis qu'un professeur. je reste dans le coin, et une année ça passe si vite que je ne m'en rends pas compte -tant de choses me paraissent s'être passées hier.
oh, ça doit dire que je reste occupé. c'est une bonne chose, sûrement.
et parfois, j'ai l'impression
juste parfois
que je m'occupe de la mauvaise manière
et quand j'essaie de comprendre
je hausse les épaules et je me dis plus tard
je le sais alors je confirme j'ai tout mon temps
mais je veux dire c'est effrayant
que de continuer en sachant que quelque chose existe et
qui nous échappe
qui n'existe peut-être pas
qui n'est qu'un fantôme créé par un esprit
qui a besoin d'avoir quelque chose après quoi courir
alors j'avance
parfois dans un mur
je dois l'avouer : c'est une sensation plutôt agréable.
c'est comme se perdre dans ses pensées, mais avec ses muscles ; c'est oublier qu'on a un corps bien présent, et se projeter sur d'autres existences. je crois que ça m'aide à relativiser. à me dire que ce n'est pas grave, parce que je suis encore là : alors je peux tout découvrir.
dont les petits premiers années : on m'apostrophe avec une voix stridente qui ne peut qu'appartenir à l'un d'entre eux, et alors je me retourne et je
vois
il a encore mal fait son nœud de cravate
oh, v- valentin. victor. vasco. vincent. vasile. virgil. valerian. vito. voilà. vipère. vif. vipérines. violettes. vesces. vriesa. valérianes. aussi bleues que son uniforme. il raconte n'importe quoi, mais il a déjà trop fait de blagues sur moi. tu sais tu me désespères. tu veux me faire croire que tu as oublié qu'on a cours ensemble ? quand même, regarde, on est dans la même m- je montre mon uniforme des mains et je vois des choses qui
ne collent pas (je crois ?)
(j'ai un tissu plein de grains de sable et qui dégorge un peu trop d'eau, j'ai des découpes différentes et des couleurs moins vives, j'ai un aigle avec une autre pose et j'ai un autre haut et) enfin. je m’époussette je t'ai déjà montré plein de fois comment faire ta cravate. tu vas encore avoir une remarque de d'abberline. je roule les yeux aux ciels parce qu'il est incorrigible et qu'il continuera toujours à faire ça mal. c'est dans ses gênes, de ne jamais trop faire attention, mais suffisamment pour que personne ne le remarque trop. et puis arrête avec tes blagues, tout le monde s'y met, ce n'est plus drôle. tu sais que maintenant je suis professeur ! comment est-ce que je pourrais être un fantôme ... allez, on va être en retard. et on s'était promis de gagner la coupe des maisons et de faire exploser la salle de potions et de passer une nuit dans la forêt interdite et
mais attendez
peut-on être professeur et élève à la fois ?
je fronce les sourcils. je suis certain, pourtant.

Un jour je découvrirai tous les secrets de Poudlard. C’était ce que je m’étais promis avant de partir et c’est bien ce que j’avais l’intention de faire ! Le château me paraissait comme un labyrinthe immenses qui recelait des trésors et des secrets à chaque détour de couloirs. Et puis j’entendais beaucoup de choses dans la salle commune et dans les couloirs. Qu’il y aurait un passage secret qui menait jusqu’à pré-au-lard. Qu’il y aurait des esprits malfaisants dans les cachots. Que le diadème de Rowena Serdaigle était caché ici. Et d’autres murmures, d’autres rumeurs concernant un étrange un placard à balai mais je n’étais pas sûr d’avoir bien compris.

Qui aurait cru qu’un jour je trouverai cet endroit étroit et ces murs étouffants ?

Le spectre me fixe à son tour. Est-ce qu’il va essayer de me faire peur ? Aucune chance ! Il me parle comme s’il me connaissait. Je le fixe de mes grands yeux marrons, surpris mais avec un léger sourire ravi :

On a cours ensemble ? Cool !

Avoir cours avec un fantôme ? C’est trop cool ! Peut-être même qu’on pourrait être amis. Il avait l’air bizarre et ça m’intriguait. Je n’avais jamais eu de longues conversations avec un trépassé. Maintenant il avait l’air un peu vieux pour être un premier année. Peut-être qu’il était idiot et qu’il n’arrêtais pas de redoubler.

A sa remarque, je baisse le nez vers le nez de ma cravate, sincèrement dépité. J’avais mis tellement de temps à la nouer ce matin ! Je n’avais pas envie d’avoir l’air idiot et qu’on se moque de moi parce que je ne savais pas faire une cravate.

Elle est mal faite ?

Mes doigts s’empressent de la défaire pour essayer de la refaire correctement, l'interrompant dans cette tâche pour relever les yeux vers le spectre.

Abberline ? C’est qui ?

Je ne connaissais pas encore le nom de tous les professeurs et encore moins des élèves ? Qui était ce Abberline ?Plus il parlait et plus les questions germaient dans ma tête. Il me laissait perplexe dans son discours. Est-ce que c’était moi qui n’avait rien compris ? Je le suivais en trottinant, les doigts emmêlés avec cette fichue cravate, complètement perdu.

Mais attendez vous êtes un professeur ou un élève ? Et si vous n’êtes pas un fantôme vous êtes quoi ?

Transparent, à flotter au dessus du sol - c’était la définition selon mon manuel de fantôme ou spectre. Mais peut-être qu’il était une autre sorte de créature ? Voilà qui était vraiment excitant !

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we used to talk every night

je crois que j'aime l'esprit des enfants. il y a des limites qu'on peut encore couper, parce qu'elles ont été enfoncées de force dans une terre encore pleine d'eau (liquide amniotique) et que le soleil ne brille que depuis quelques années -la désertification, c'est un processus lent. moi, j'aimerais qu'on y plante des arbres pour empêcher toute l'eau de partir. j'aimerais qu'on construise des montagnes, et que l'eau aille jusque dans les nuages pour revenir plus tard. j'aimerais que des mangroves y poussent, pour que les oiseaux s'y installent, et que les singes chantent, et que les fleurs dansent. j'aimerais y voir des îles-tortues, et de la paix comme on en connaît que trop peu, et j'aimerais y installer un hamac pour observer et se dire tout est bien.
les esprits arides, ça fait des adultes peu intéressants.
alors tant qu'à faire, je préfère encore des mares. on peut y croiser des sirènes, et des dragons d'eau, et des choses que seul un cerveau peut contenir.
il était un peu plus expressif que d'habitude. je veux dire : son sourire était rayonnant, mais il y avait quelque chose d'un peu différent. ça me convient -je me plaignais toujours, parce qu'il avait cette sériosité qu'on ne pouvait jamais lui arracher. il disait toujours qu'il fallait bien quelqu'un de responsable, parmi nous trois.
je crois qu'il aimait bien se plaindre.
oui ! et c'est à moi de sourire à m'en arracher les joues, à faire scintiller mes yeux, à réchauffer l'atmosphère -je crois que je m'élève un peu plus vers le ciel, avant que
mh
avant de revenir au sol, les bras qui se croisent, pour réfléchir
enfin, je veux dire, ça fait un moment qu'on ne s'est pas vus. peut-être qu'on n'est plus ensemble, maintenant. t'as dû redoubler pour être encore en première année. peut-être qu'abberline n'est plus trop là non plus, parti à beauxbâtons ou je-ne-sais-où. j'hausse les épaules. j'avais plus retenu sa personnalité qui laissait ses postillons valser jusqu'à l'autre bout de la pièce, plutôt que ses aventures personnelles. c'est qu'il était grincheux, et qu'il ne parlait pas très bien, mais qu'il savait hurler pour sûr -et qu'il se demandait pourquoi tout le monde restait au fond de la salle
je crois, si je me souviens bien, qu'il n'y avait qu'abigaïl pour se mettre tout devant, avec ses couettes rousses et sa manière de toujours menacer les autres avec sa plumes ah tu te souviens hein quand on avait mis du poil à gratter sur sa réserve d'encrier -ça avait fait éternuer toute l'école et
et là je me dis
avec un peu d'hésitation
que tu es parti longtemps, mon ami
tu étais passé où ?
je crois que j'ai la voix qui casse
je ne sais pas pourquoi, je veux dire
ce n'est pas comme si je ne savais pas que tu allais revenir
ce n'est pas comme si c'était évident que ce n'était qu'une question de temps
ce n'est pas comme si tu étais si vivant que ça m'en brûlait les rétines (jusqu'à les faire pleurer, en silence)
tu n'avais pas l'habitude d'être si cruel -à me traiter de chose
plutôt que d'être humain
(qu'est-ce que je suis ?)
nous ne sommes plus amis ?
je crois que j'ai le cœur qui se brise

Un peu plus satisfait de mon noeud de cravate, je relève mes grands yeux marrons vers le fantôme élève-prof qui ne semble pas bien décidé. Il a l’air soudainement heureux. Je ne crois pas avoir déjà un fantôme content. En général, ils font la tête, ils se plaignent, au mieux il vous accorde un faible sourire. Surtout la dame grise, celle de maison. On l’entend parfois pleurer dans les tours disent les plus grands. Je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est le vent. En tout cas je n’ai pas peur d’un fantôme qui pleure !

Le fantôme flotte un peu plus haut. Je me demande ce que ça fait de pouvoir voler. Ca doit être bien d’être plus léger qu’un courant d’air et de traverser les murs.

Par contre la suite me laisse vraiment perplexe. Non seulement il ne répond pas à mes questions mais vraiment j’ai l’impression de ne rien comprendre. Est-ce que je me suis trompé quelque part ? Je n’ai pas envie d’être malpoli - surtout avec un fantôme qui pourrait être professeur - mais vraiment ce n’est pas gentil de faire semblant de ne pas m’entendre !

enfin, je veux dire, ça fait un moment qu'on ne s'est pas vus. peut-être qu'on n'est plus ensemble, maintenant. t'as dû redoubler pour être encore en première année. peut-être qu'abberline n'est plus trop là non plus, parti à beauxbâtons ou je-ne-sais-où

J’écarquille les yeux et j’inspire profondément la bouche ouverte. Choqué - non - scandalisé. Moi ? Redoubler ? PARDON ?! Alors là il est temps de mettre les points sur les i d’une voix fluette, mais bien assurée:

Excusez-moi mais je n’ai jamais redoublé ! J’ai toujours eu 85% au minimum à l’école ! Je viens d’arriver et je suis un bon élève!

Et Poudlard n’allait rien y changer. Je serai toujours au premier rang, toujours à faire mes devoirs pour que tout le monde soit fier de moi et rapporter des points à ma maison. J’étais un serdaigle après tout ! Comme maman ! Je commence à douter de ce fantôme de serdaigle, il n’avait pas l’air de savoir de quoi il parlait. Et puis, d’un seul coup, c’était comme si j’avais dit quelque chose de mal. Il y a quelque chose dans sa voix, comme s’il allait pleurer. Pourquoi est-ce que les fantômes pleurent tout le temps ? Qu’est-ce qui les rend si triste ?

Je n’ai pas bougé, je- je suis là.

Je ne comprends rien à ce qui se passe, je le fixe avec un visage comme un point d’interrogation. Il me demande si nous ne sommes plus amis et vraiment ça ne m’aide pas plus.

Mais je viens de vous rencontrer….

Je commence à comprendre. Je crois qu’il me prend pour quelqu’un d’autre. Pourtant je ne ressemble à personne ! J’ajuste mon sac qui est un peu trop lourd, j’arrange un mèche de cheveux et le menton relevé de fierté je brandis ma main en signe d’amitié.

Mais je veux bien qu’on soit ami. Mon nom c’est Bertram Godfrey ! Et toi, comment tu t’appelles ?

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let's say you never met me

j'ai des pensées comme des dauphins : plus à l'aise sous la surface, mais qui doivent remonter pour respirer et ne pas s'asphyxier
elles ont l'air belles à l'air libre, le soleil qui les sublime et leurs échos qui les rendent pleines de vie
et elles replongent (elles sont mieux là-bas, et parfois elles se demandent pourquoi elles ne se laissent pas juste sombrer jusqu'à la fin de ces abysses inexplorées)
je crois que je sais, depuis le temps, que ma mémoire est devenu un kraken : pour beaucoup, elle n'existe plus ; on l'a décimée à coup d'années et de légendes contradictoires, on l'a assassinée avec des mauvais fantômes et on l'a immortalisée à travers quelques traits mal dessinés
si mes souvenirs avaient un visage, j'aurais aimé qu'ils aient le tien
(en un tout petit peu différent : des cheveux d'une autre couleur, et des yeux plus en amandes, et ce grain de beauté sous l’œil un peu plus prononcé)
parce que je sais, moi, que tu es là depuis longtemps : dans ses couloirs, dans cette peau, dans mes propos, dans le brouillard de mes bredouillages (froussard)
et tu vois, je pleure sans trop savoir
j'entends tes mots comme des échos qui s'abîment dans mon cerveau jusqu'à retourner au zéro
ils ne se sont pas gravés dans ma tête : je le sais, mais j'oublie par envie de ne pas devenir anéanti
(par quoi ? par qui ?)
tu es là -et j'ai peur que tu t'en ailles, tu sais. je t'ai vu, à travers la fenêtre. quand j'ai rouvert les yeux, j'ai attendu.
tu n'es jamais venu.
les gouttes tombent en traversant le sol -est-ce que c'est mes larmes ? est-ce que ça coule de ce vacarme ? est-ce que j'en garderai une jolie fleur parme ? (sur le cœur : une contusion, parce que ce n'est pas un couteau que tu as utilisé (ça ne saigne pas assez))
godfrey

c'est vide oui
c'est vide ça ne me rappelle rien et j'ai bien sûr
si honte comment pourrais-je te le dire alors que toi aussi évidemment
tu as l'air de tout oublier : aurait-on tout délaissé pour une maigre éternité ? oui.
c'est une triste réponse, que de ne pouvoir rien dire de plus. c'est une triste sensation, que de savoir qu'on ne sait plus. c'est une triste expérience, que de retrouver un trésor et de se rendre compte qu'on a été volé. moi c'est cianàn j'aurais pu lui tendre la main, mais mes doigts restent accrochés à ma veste (les jointures sont blanches oh j'ai tellement de
sentiments)
(j'aimerais le serrer dans mes bras)
(je sais que je ne peux pas)
((pourquoi ?))

Spoiler:

C’est difficile de lire les expressions d’un fantôme. Pourquoi ? A cause de leur aspect éthéré et transparent, c’est comme si une partie des données allaient mourir dans les limbes. Son regard se fixe puis s’égare. C’est difficile à dire mais il me semble que sur son visage de fantôme coule des larmes. Moi ? Faire pleurer quelqu’un ? Oh non ! Il n’y a que les méchants et les harceleurs pour faire pleurer les gens. Je ne suis pas comme ça moi !

Est-ce que j’ai dit quelque chose de mal ? Je suis désolé ….

Pas facile non plus de réconforter quelqu’un qu’on ne peut pas toucher. Je pourrais lui donner un paquet de mouchoirs, mais pourrait-il essuyer ses larmes ? C’est compliqué tout ça ! Il dit mon nom. J’hoche la tête et retrousse timidement les lèvres. J’ai peur qu’il se mette à sangloter. Je me dépêche alors d’ajouter :

Oui mais si on est ami, tu peux m’appeler Bertram !

Avec un sourire, en espérant que ça suffise à le consoler un peu. Il acquiesce, comme s’il parlait tout seul. Je regarde à gauche et à droite. Est-ce qu’il parle à un autre fantôme que je ne peux pas voir ? Il a l’air tellement ailleurs, j’ai presque envie d’agiter ma main devant son visage pour vérifier qu’il est bien là. Mais c’est malpoli, alors j’évite.

Cianan ? Jamais entendu avant. C’est….un peu bizarre

Alors que je dis ça, un léger sourire fleurit sur mon visage. J’aime ce qui est bizarre. Et cet individu, fantôme ou pas, est bel et bien hors du commun. Mon regard se porte ensuite sur le couloir dans lequel nous ne trouvons avant de se reposer sur la silhouette fantômatique.

Alors….tu allais où ?

Comment occupait-il ses journées ? Qu’est-ce qu’il aimait faire ?

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ever since you left

il était désolé comme un automatisme qu'on dit quand on ne comprend pas, comme quand on a quelque chose sur le coin de la langue et qu'il faut s'en débarrasser, sauf que c'est au coin du cœur et ça descend comme un hameçon et moi je suis proie facile je m'accroche en une demie seconde je m'embarque dans ses demies excuses et je regarde sans demie mesure
de toutes manières, je crois que je ne sais pas faire les choses à moitié
et toi, par contre, tu restais toujours sur la réserve ; de quoi garder des sécurités pour les jours où tout était trop précaires, pour la confiance qu'il te manquait et que tu feintais si bien ah si fier et en même temps si humble face à la réalité des choses je crois que tu es un équilibre qui n'était pas fait pour exister pour continuer pour réussir mais pourtant
te voilà
peut-être que quelque part, tu es un petit miracle
je t'avoue, je me suis posé la question plus d'une fois
d'accord j'ai un sourire qui flotte sur le visage, entre béatitude et simplicité, souligné par le scintillement de larmes qui roulent de nulle part pour tomber dans une autre dimension ah est-ce que tu crois que ça sert à quelque chose ? de purger par l'eau
parce que l'eau -c'est tellement de choses
je peux te le dire
j'y suis resté longtemps
pourquoi est-ce que c'est bizarre ? on m'a dit, moi, que ça faisait vintage et en vérité je ne sais pas trop ce que c'est mais ça avait l'air cool alors j'ai souri sans trop réfléchir -pourquoi décortiquer un compliment jusqu'à le tuer
moi, j'allais -- tout droit, sûrement, et après j'aurais peut-être tourné si ce n'est que j'aurais continué je euuuh, j'allais ... je regarde tout autour, au cas où les murs me donneraient des idées pas si bêtes que ça ah. je soupire. j'ai les pieds au sol, j'ai perdu mon altitude. j'ai oublié j'ai un petit air peiné sur le visage, mais ce n'est pas trop grave parce que ça ne devait pas être si important que ça j'hausse des épaules et toi - j'ai une autre lettre sur le bout de la langue elle me démange mais je sais que ce n'est pas la tienne: tu viens de le dire et ça me perturbe parce que ça sonne faux
et que pourtant, c'est bien vrai, non ?
et toi, Bertram ?

Je ne sais toujours où j’ai glissé, ce que j’ai dit et qui a pu provoquer une telle réaction chez mon aîné. Ses grands yeux humides sont si délavés que je suis incapable d’en distinguer la couleur originelle. Bleu ? Marron ? Vert ? Tout me semble gris. De toute façon ça n’a pas d’importance quand quelqu’un pleure. Quand on blesse quelqu’un il faut s’excuser, même si on ne sait pas ce qu’on a fait de mal. Sur ses joues bondées et éthérées coulent des sillons qui contrastent avec le sourire rayonnant qu’il m’adresse. A mon tour je lui adresse un sourire avant de reprendre d’un ton plus sérieux :

Et c’est Bertram, hein ! Pas Bert’ ou Bertie ou peu importe. J’aime pas les surnoms !

Comme ça il était prévenu. Les surnoms c’est nul. Mon prénom n’est déjà pas très chouette et c’est encore pire si on le raccourcit ! D’ailleurs, je ne me permettrai pas de le surnommer non plus. Sauf s’il préfère. Alors ça va.

Je ne sais pas. J’ai jamais entendu un prénom comme ça avant...ça veut dire quoi vintage ?

Je le fixe avec des yeux ronds. Je n’ai jamais entendu ce mot avant. Dommage, je n’avais pas de dictionnaire dans mon sac.

On dirait bien que Cianan éprouve toujours autant de difficultés à répondre à mes questions. Il regarde autour de lui complètement perdu avant d’admettre qu’il a oublié. C’est qu’il a une mémoire de poisson rouge ! Bon, ce n’est pas très gentil de dire ça, alors je le garde pour moi. Je n’ai pas envie qu’il se mette à pleurer encore. Alors j’essaie de me montrer diplomate :

Oh. Ne t’en fais pas, ça arrive à tout le monde. Ma grand-mère ça lui arrive tout le temps.

Le nombre de fois où elle se trouvait dans la buanderie en se demandant ce qu’elle était venu chercher. Ou dans la salle de bain. Bref. Parfois ça m’arrivait aussi, quand je pensais à 100 choses en même temps. Il n’était pas serdaigle pour rien ! Mais cette fois-ci je n’avais pas oublié. Mes doigts se resserrent sur mes manuels bien concrets.

Moi ? J’allais rendre ces manuels à la bibliothèque et puis je t’ai vu alors...je t’ai couru après.

Je baisse les yeux vers mes manuels. J’ai envie de lui demander de m’accompagner mais je n’ose pas. Je relève les yeux vers lui :

C’est quoi ta matière préférée, Cianan ?

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our hometowns in the dark

d'un coup, j'ai l'impression d'avoir des millénaires devant les yeux
je sais bien que c'est faux : j'ai cinq cents ans au maximum. je ne suis pas vieux, moi, non ; rowena, elle, c'est un fossile. moi, j'ai encore plein de choses à faire et plein de choses à voir et plein de choses à me souvenir, alors voilà. je ne sais pas pourquoi je sens ça. peut-être que c'est à cause de sa candeur qui résonne tellement face à la mienne, ou alors face à son énergie un peu délavée (comme un t-shirt préféré qu'on a troué à force de trop le porter)
je comprends pour le surnom. enfin, je ne me serai pas permis de toutes manières. sinon, il y a trop de chances de se tromper, d'oublier, de mal prononcer. c'est que les prénoms, c'est important. à vrai dire, je crois que je ne me rappelle pas d'avoir jamais entendu le sien -la surprise ne me vient que maintenant, parce que j'ai pensé ça à plein d'autres moments déjà
ah. j'ai encore l'impression d'avoir raté des choses, maintenant, comme si tout l'univers avait un secret qu'il ne voulait cacher qu'à moi.
moi non plus, je n'ai jamais entendu ton prénom ! pause. comment est-ce que ça serait possible, cianàn ? enfin je veux dire, si, bien sûr que si, mais j'ai quelques problèmes de mémoire donc euh évidemment que je l'ai déjà entendu. on est amis, après tout. donc voilà. vintage je crois que c'est quand c'est vieux dans le bon sens. vieux quand ça fait jeune. un truc comme ça. tu pourra regarder sur internet. j'hausse les épaules. les mots à la mode changent bien trop vite pour que je m'en rappelle totalement. mais je suis pas vieux moi hein ! de toutes manières ça se voit que je suis pas vieux. j'ai la peau sans une seule ride, et les cheveux encore fous, et les articulations qui ne font pas mal. si ça c'est pas des preuves par excellence, alors demain c'est la fin du monde. je suis pas un pépé. meilleure phrase de 2027 enfin, je t'aurais bien aidé à porter tes livres mais tu vois je, euh je ne peux pas j'ai les os fragiles donc je ne peux rien porter de lourd. promis juré c'est la vérité. désolé. du coup je peux t'accompagner si tu veux. pour me faire à moitié pardonner. j'ai un sourire qui monte sur mes joues, taquin et heureux à la fois. sinon j'adore les langues magiques. c'est normal, c'est ce que j'enseigne. et c'est merveilleux ! non mais c'est vrai -tu imagines, tout ce que ça ouvre comme possibilités ? tous les êtres à qui on peut parler ? moi je trouve ça fou. on en parlait l'autre jour avec une sirène du lac, parce que bon lancer des sorts de traduction automatique parfois ça cause bien des problèmes alors que savoir parler ah ! ça c'est utile. mais bon. faut apprendre. c'est sûr que c'est pas facile. mais c'est ce qu'il faut. et toi ? ta préférée, hein, pas celle où tu as les meilleures notes. parce que moi, j'étais nul en cours.
sourire plein de malice (il n'a pas besoin de le savoir)

Je lui adresse un sourire chaleureux. Il n’avait jamais entendu mon prénom, vraiment ? C’est vrai qu’il n’était plus vraiment à la mode...Même mes papys ne s’appellaient pas Bertram. C’était un nom d’arrière grand-père, de nounours ou encore de personnage de dessin animé.

C’est un peu vieux comme nom Bertram aussi.

Mais Cianan, je ne sais pas, il y avait quelque chose de vraiment étrange.Est-ce que Bertram était vintage aussi comme nom ? Pourquoi est-ce qu’il utilise un mot s’il ne connaît pas bien sa signification. C’est une très mauvaise idée. La plupart des gens font ça. Ils utilisent un mot parce qu’il a l’air joli et intelligent mais ne comprennent pas de quoi ils parlent. C’est vraiment frustrant. Les adultes font beaucoup ça, mais Cianan n’a pas vraiment l’air d’être un adulte - même si son statut d’élève et/ou de professeur n’est toujours pas clair. C’est un peu inhabituel d’entendre un fantôme mentionner internet...enfin si c’est bien un fantôme. Je ne suis toujours pas sûr.

Je ne suis pas vieux non plus. J’ai tout juste 11 ans. Et toi tu as quel âge ?

Il avait l’air plus âgé que moi en tout cas ! Mon camarade transparent prétexte des os fragiles pour ne pas m’aider à porter mes livres. La moue brave, je réponds :

Ca va, je n’ai pas besoin d’aide. Mais tu peux m’accompagner.

C’est important de savoir se débrouiller seul. C’est une question de dignité. Je ne suis pas un bébé qui a besoin d’aide pour porter ses livres. Je redresse mes épaules un peu voûtée et je fais mine de bomber le torse. Je fais demi-tour, les bras chargés de livres accompagné de la présence de Cianan qui s’étale sur sa matière préférée. C’est vrai que ça avait l’air intéressant les langues magiques...mais je n’en avais pas encore dans mon cursus. Je lève les yeux vers lui. Le ton de sa voix change alors qu’il s’enthousiasme, ses yeux ne sont plus humides de larmes mais pétillent désormais d’un éclat que j’ai déjà vu plusieurs fois chez les grands serdaigles. Et quand j’entends les mots magiques je m’arrête net, manquant de faire tomber un autre manuel.

Tu parles avec les sirènes du lac ?!!! C’est trop COOL ! Elles sont comment ?! De quoi elles parlent ?!

J’avais bien lu qu’elles existaient dans l’histoire de Poudlard mais honnêtemment le lac me faisait encore un peu peur, donc je ne m’en approchais pas. Mais bon Cianan, ce n’est pas comme s’il avait peur de mourir. Il leur parlait en plus ! A quoi ressemblaient-elles, de quoi pouvaient-elles bien parler ? J’avais des dizaines de questions qui éclataient dans ma tête. C’était plus important que mes manuels ! J’en oubliais presque de répondre à sa question.

Moi je sais pas...je viens de commencer...J’aime bien le cours de potion et le cours de balai et puis les sortilèges aussi, la défense contre les forces du mal… Et puis la métamorphose aussi, même si c’est dur.

Conscient de ce que je viens de répondre, je marmonne

Je n’arrive pas à choisir.

Ce qui était un problème récurrent chez moi. J’avais déjà peur de faire le mauvais choix, de donner la mauvaise réponse. Je replace les livres correctement pour les porter et je continue d’avancer.

Est-ce que tu as beaucoup d’amis ?

DEV NERD GIRL