toujours plus haut, toujours plus loin [magnus][happy ending]

L’heure tourne doucement, il est déjà 16 heures.
Le soleil éclaire toujours les cieux.
Il fait bon, un air frais frappe tes joues.
Peut-être qu’il serait bon de…continuer à travailler ?
Elle avait passé la sainte journée à s’écorcher les genoux dans l’herbe, dans l'unique but de pouvoir sculpter son bois de poirier. Elle n'appréciait guère faire cela dans le château, se sentant un peu trop comprime entre les murs de pierre. L’atelier de son père ne possédait que 3 murs, le plafond ayant disparu lors d’un pauvre evanesco mal formule à ses 15 ans. La pièce avait gagné en luminosité et la poussière avait cessé d’attaquer leurs pauvres poumons. L’hiver, on se contentait d’un simple Protego pour éviter que la neige n’ensevelisse tout sous sa couverture blanche.
Depuis ce jour, elle s’était promise de ne travailler qu’en extérieur, sauf en cas de météo cataclysmique. Mais elle avait alors toujours travaillé seule, ne voulant guère déranger sa famille dans ses taches désorganisées. Elle avait eu toujours la force de se débrouiller comme une pauvre folle esseulée, mais l’idée d’avoir une présence a ses cotés ne lui déplaisait que très peu. Mais qui avait envie de perdre du temps avec elle ? Lukas ne s’intéressait plus aux balais et elle ne se voyait pas le trainer de force tous les jours a cote de cette cabane miteuse. Elle n’en aurait pas eu la force.
Elle refusait de demander à Heaven, elle avait certainement bien mieux à faire que de parler de sortilèges, d’objets magiques gobelins et de bois de toute origine. Non il était peut-être mieux qu’elle continue son chemin ainsi, seule.

AVIS DE RECHERCHE
Cherche un assistant qualifié ou non, dans le but de tester les transports de demain !
Disponible tous les jours à 18 heures à côté de la cabane du garde-chasse.

Elle s’était malgré tout donne la liberté de placarder une affiche criarde accompagne d’une musique de manège dans tous les couloirs de Poudlard, ainsi qu’a Pré-au-lard. Seul problème le sortilège continuait même la nuit, rendant fou tous ceux qui passait à cote. Lorsqu’elle repassait à certains endroits, elles avaient été arrache. Surement le coup d’un rival qui patientait calmement dans l’ombre.
Elle avait abandonnée l’idée depuis que quelqu’un puisse s’intéresser à son travail en live. Ils avaient bien raison après tout, dans le cas des balais, on se moquait bien du processeur de création, le plus important étant le résultat. Ça n’était pas bien grave. Ce n’est jamais grave. La vie est belle, relativisons après tout.
Elle finit de tailler son manche à balai et utilise un coup de Recurvite et le voilà parfaitement propre. Il restait encore à l’huiler, faire briller, s’occuper des embouts métalliques, ajouter les brindilles, l’ensorceler, puis le tester. Le chemin était encore long avant de le voir décoller. Mais quelle satisfaction se sera la ! Elle prend déjà de l’avance et souhaite se renseigner sur quels sortilèges utiliser, connaissant déjà les étapes précédant celle-ci. N’ayant pas l’habitude d’utiliser ce bois-là, elle se demande si les sorts habituels suffiront à le protéger des imprévus.
Elle entend des pas faire plier l’herbe d’un léger son. Le son s’arrête à côté d’elle.

Tu cherches quelque chose ? Après la cabane, c’est la forêt interdite, donc fais gaffe. Okay ?

Elle continue à feuilleter son bouquin sans tourner la tête, bien trop concentré à y trouver l’information qu’elle cherchait.

Ses iris bleus s'ouvrirent sur un monde sans couleur, et au milieu du soufflement du silence qu'incombait le vide de la pièce, son corps s'éveilla doucement. Il laissa les sensations de ses doigts lui revenir, encore engourdi, et il ressentit avec violence le vide de son cœur avant que la remontée des souvenirs récents ne le remplissent à nouveau de ces sentiments imminents.
Poudlard. Il lui fallait toujours un instant pour associer ce décor monochrome avec le monde éclatant de couleur qu'il imaginait au contact de la magie - mais ses yeux en refusaient l'interprétation, comme une punition du destin.

Au détour d'un soupir silencieux, il se redressa de ce fauteuil pour faire face au panneau d'annonces devant lequel il était surpris d'avoir pu trouver le soleil. Ouvrir les yeux avait toujours quelque chose de déprimant, comme un rappel permanent d'une attente qu'il ne pouvait effacer depuis l'enfance.
À l'époque, il ne s'était jamais vraiment posé la question.
C'était peut-être le désespoir d'un rêve ruiné, une désillusion soudaine qui avait terni un peu plus sa vision - et pourtant, qu'importe la cruauté de la vérité, il s'efforçait de ne pas y porter de jugement. Il cligna des yeux avec fatigue, et tandis que son expression se déforma sous l'impulsion d'un bâillement, son regard se posa sur l'affiche bruyante au message tant entendu qu'il n'y avait jamais prêté attention.

Une annonce pareille aurait dû rendre n'importe qui méfiant, mais ce n'était pas le cas de Magnus. C'est dans un mélange de curiosité et d'impatience qu'il abordait la journée, laissant cette innocence guider ses raisons, à la frontière d'une immaturité imprudence. La vérité lui était aussi égale que les raisons qui l'avaient poussé à accepter l'offre, et quelque part, il ne se contentait pas d'ignorer l'écho de la maturité qu'on l'espérait voir gagner, il s'en détournait totalement.

Le déni dilué dans cet enthousiaste permanent, et ce n'était pas là de l'hypocrisie mais l'expression de la force qu'il mettait à chaque instant.
Avancer, sans jamais cesser, sourire, sans jamais détester.

Parfois, les doutes le submergeaient si profondément qu'il se laissait porter par la douleur ds joues sur lesquelles il tirait tant.
Parfois, il sentait sa mâchoire lâcher, le visage détendu dans un abandon total de ses moindres aspects.
Parfois, seulement, mais il n'entrevoyait pas même l'ombre du malheur en une fin de journée si douce.

Le vent lui fouettait le visage, comme la caresse du destin - et il se laissait enfermer par ces émotions réconfortantes jusqu'à en oublier ses problèmes. Ces choses-là n'avaient pas vraiment d'importance dans l'immensité d'un univers qu'il appréciait tant.

C'était comme le fil immuable du destin, et la pression violente de cet appel semblait détourner son peu de raison. C'était l'envie de la découverte, d'un inconnu enivrant, et il se laissait porter par sa démarche si fluette qu'il lui semblait absurde que ce ne fut pas son futur débordant d'une évidence bienveillante.
Elle était là, et il reconnut ses courbes, son visage, cette voix qui en appelaient à ses plus profonds sentiments. C'était elle, et il aurait dû s'en douter, s'épargner le tiraillement de ses deux entités aux antipodes d'une morale qu'il s'efforçait de garder.

« Parker, c'est Magnus ! J'ai vu ton annonce. Tu pensais vraiment trouver mieux que moi pour tester tes inventions ? Peu importe, puisque c'est moi qui suis venu. Tu veux des gâteaux ? »

Cette voix, trop douce pour ses oreilles. Elle tourne la tête jusqu’au torticolis.

Oooooh. Si ce n'est pas l'adorable nabot Magnufique !

Elle se lève précipitamment – se tord surement la cheville – et lui presse les joues. C’était quelque chose d’instinctif avec toutes les personnes qui étaient plus petites qu’elle. Ça n’avait rien de dégradant – du moins pour elle – c’était juste…comme s’attarder sur les balles moldus anti-stress. Ces balles finissaient toujours par servir de balle de tennis pour elle ou un chien qui passait dans le coin. Elle n’avait pas pu s’empêcher de le traiter de nabot. C’est vrai quoi, il était plus petit qu’elle. C’était suffisant comme raison après tout. Elle aurait pu utiliser les mots suivants : petit, rikiki, microbe, avorton, gamin, potit, mignon ou encore bambin. De tous, c’était nabot qu’elle avait retenu. Ce n’était vraiment pas méchant. Pour se rendre compte de sa bonne foi, il suffisait de retirer tous les mots déplaisants. Tout de suite, ça devient plus agréable non ?
Elle prend en une pause terriblement dramatique : la main sur le front, la tourmente lisible, le genou fléchi comme si elle s’effondrait de malheur.

Tu sais, j'étais désespérée, je pensais que personne ne viendrait. Mais voilà que le plus beau, merveilleux adéquat candidat se présente à mes yeux.

Elle se penche sur lui, les yeux enflammés et lui murmure à l’oreille comme si elle allait lui révéler le plus grand secret de Poudlard, de toute l’histoire de la sorcellerie.

Je parle de toi bien sûr !

Elle lui lâche un petit clin d’œil complice et son fameux sourire sarcastique avant de se redresser bien droite.

Qui dirait non à des gâteaux ? DONNE-MOI CA.

Elle tend les deux mains comme une misérable mendiante et les secoue frénétiquement devant son visage tout doux. Ça lui était égal en réalité qu’il ne lui en donne aucun, mais elle ne pouvait guère s’empêcher de jouer une certaine mise en scène. Certes, stupide, mais Magnus ne lui en voulait point. Alors elle continuait dans sa bêtise, comme si elle attendait que l’autorisation tombe. Il était évident que le jour où il lui demanderait de cesser sa mascarade, elle le ferait, un peu attristé de ne pas pouvoir titiller les gens, mais il valait mieux cela que de perdre quelqu’un.
Etaient-ils amis dans le fond ou était-elle juste une sorte de divertissement pour lui ? Quelle importance après tout, ami ou ennemi, c’était presque la même chose, non ? Il y avait ce même effort d’attirer l’attention – en bien ou en mal – d’aller vers l’autre et de lui prodiguer tout l’amour qu’on portait en soi.

Je viens tout juste de finir de poncer et de nettoyer le manche, tu le trouves suffisamment léger ? La prise en main est comment ?

Elle le lui tend comme s’il s’agissait d’un simple bâton ramassé dans la forêt. Elle aurait réellement aimé le trouver dans cet état et juste à avoir à se pencher pour le cueillir. Mais si c’était le cas, tout le monde pourrait s’essayer à faire des balais. Quelle bêtise franchement ! Tout ceci était un art – pardon ? – et nécessitait des années d’études pour parvenir à s’ériger au sommet de la chaine. Mais ses mains de travailleuse avaient aussi besoin de celles moins expérimentées, celles qui au final toucheraient dans une vie ce balai plus qu’elle.

Alors, je dois reprendre ou recommencer ? J’ai pris un bois plus universel que d’habitude pour qu’il convienne à plus de monde.

Tant pis si elle devait recommencer. Et puis voilà qu’elle n’était plus seule ! Son souhait du mois c’était réalisé et elle en était profondément ravie. Et il avait bien raison, elle ne pouvait pas rêver meilleur assistant que lui. Vous imaginez, un assistant qui ramène des gâteaux !

Chaque geste théâtral se dessine dans le silence d'un jardin bien trop grand pour deux, chaque parcelle de décision s'imbrique dans le jeu de ses humeurs quotidiens. L'extravagance en tête de gondole, comme une ouverture sur une personnalité dont il ne parvient pas à desceller les détails. Le contact lui déplait autant qu'il l'amuse, les torsions de son visage lui évoquant une multitude de sentiments si fort que la douleur semble transparente.
Son propre corps se tiraille devant un agacement que la joie de la voir atténue, et il lui laisse quelques instants de libres avant d'écarter doucement ses mains d'un revers de bras.
Les joues chaudes de ce contact forcé, quelques mouvements de mâchoire viennent ponctuer les mots de Parker le temps qu'il retrouve les sensations de son corps.

Elle avait toujours été bizarre, selon lui.
Bizarre, mais c'est ainsi que sont les génies - et cette sombre admiration résonne comme un sifflement dans des oreilles qu'il aimerait sentir sourdes. Ne pas sentir du tout, en définitif.
Souvent, il se faisait la réflexion que l'ignorance était autrement plus facile que ces tourments permanents dans lesquels sa maturité le coinçait. S'il pouvait vivre dans la boucle d'une enfance innocente, sans la désillusion ; s'il pouvait baigner dans l'observation d'un rêve dont la fin n'aurait jamais lieu.

Parker avait ce don d'éveiller ces sentiments contradictoires, faisant battre sur lui la mesure d'un vent chaud qui déréglait toute la température de son corps. Il était perdu, et il lui fallait toujours un instant pour se reprendre, entre les chuchotements à frissons, ses ordres à sursaut et plus que tout, ce compliment si doux qu'était le surnom qu'elle lui adressait chaque jour.
Du bout des doigts, ses mains frôlèrent le fil du collier qu'elle lui avait confié et qu'il continuait de porter. C'était le croisement d'un rêve exponentiel avec les bribes d'une désillusion douloureuse, et s'il était bien trop timide pour exprimer de gestes comme de mots toute la reconnaissance qu'il éprouvait lorsqu'il la revoyait, il lui adressait de ces sourires sincères qui faisaient son charme, entre tous ceux de son humeur toute faite, hachée par les doutes.

« La prise en main est bonne. Ta précision s'est améliorée, reste à voir les résultats en l'air. Je ne peux pas l'essayer pour toi. »

Il attrapait le balai d'une ferme poigne
Caressait ses rêves du bout des doigts

Avec elle, il obtenait le droit de se tenir à la frontière de ce monde merveilleux, les yeux pétillant de désirs observant au travers d'une vitrine qu'il ne saurait jamais franchir. Magnus cultivait sa propre envie, jonglant entre ses désirs et la satisfaction d'une existence plus que suffisante.
Si tout pouvait se limiter à ses sourires quotidiens, il en serait bien heureux - mais il sentait parfois l'amertume se glissait entre les pores de sa peau, alourdissant ses joues durant ces mouvements répétés.
Pouvait-il sourire, une fois encore ?
Le bonheur lui semblait si lointain ; il restait immobile sur le banc de touche, espérant se contenter d'un futur différent tandis qu'il côtoyait le merveilleux au quotidien.

« Tu devrais essayer des bois plus rares. Un balai plus difficile à maîtriser est capable de donner des meilleurs résultats... comme des pires, mais les bons sorciers ne s'en plaindront pas. Avec ton inventivité, tu en es capable. »

Il dégaina un paquet de gâteau qu'il lui tendit avec un sourire amusé. On dit souvent que le chocolat sait s'opposer à la peine, c'est sans doute pourquoi il avait toujours de quoi grignoter sur lui.
Triste enfant solitaire au cœur brisé.
Baignant dans un espoir vain durant l'éternité.

« J'espérais déjà être ton assistant attitré. » avoua-t'il à voix basse.

Magnus était toujours trop sérieux. Elle voyait en lui l’ombre d’une enfance mutilée et elle déplorait tout ceci. Magnus était trop adulte pour ce petit corps qu’il trimballait. Ce n’était pas de la pitié, comment peut-on avoir pitié de quelqu’un qui s’accroche autant à la vie ? Il lui paraissait infiniment plus mature que beaucoup de gens de son âge, peut-être plus qu’elle. Ça la rassurait au fond de savoir qu’il arrivait encore à agir comme un enfant. Peut-être qu’elle s’inquiétait juste un peu trop pour lui. Surement qu’elle s’inquiétait trop pour tout le monde au fond.
Il avait le mérite de s’y connaitre dans son domaine, peut-être pas autant que cet abruti de Lukas, mais c’était une chose tout à fait louable pour un cracmol. Elle était sure et certaine que ses conseils étaient juste et qu’elle avait bien intérêt à les graver dans sa mémoire.

Le problème des bois rares est que. Bah d’une, ils sont rares. Je préfère attendre encore de me perfectionner avant de retenter avec ce type. De deux, de par leur rareté ils sont extrêmement chers et je peux clairement pas me permettre de flamber mon argent. De trois, il faut que celui qui monte dessus convienne parfaitement, comme avec les baguettes en quelque sorte eeet, j’vais pas m’amuser à faire une tombola. Quoique si, mais non.

Elle parlait trop sérieusement tout en mordant dans le gâteau que lui avait lui tendu Magnus. Elle s’amusait follement lors de ses tentatives mais devait faire face à plusieurs contraintes qui remplissaient bien un énorme classeur. Mais Parky était au-dessus de tout ça, on apprenait en faisant n’importe quoi n’importe comment n’importe quand, c’était bien connu. Il fallait juste espérer qu’un accident ne surgisse de nulle part, comme pour punir ce karma négatif qu’elle accumulait et trainait depuis des années.

Aaaanwn.

Une plainte qu’elle tentait de cacher avec sa main sur son cœur, mais le son était sorti trop vite. Comme ce petit était attendrissant, il était plein de surprise. Pas comme son cousin râleur qui lui prenait la tête pour des plumes et des brindilles. Pour lui, elle ferait n’importe quoi. Tout ce qui ne risquait pas de la renvoyer de Poudlard.

Mon petit Magnus, assistant ne serait même pas assez suffisant pour toi.

Oh non non, assistant c’était bien trop faible comme mot. Les assistants ne servent qu’à être du hachis pour leur supérieur, c’était bien triste comme destin ! C’était son rôle à elle d’être brisé par son travail, pas celui des autres. Surtout après sa promesse.
Elle s’agenouilla et tendit ses mains comme si elle lui adressait une prière.

Est-ce que…tu veux m’épouser ?

C’était une demande extrêmement subite. Oh elle était bien capable de demander sérieusement et ainsi il serait son tendre acolyte jusqu’à ce qu’elle provoque sa mort. Elle ne savait même pas comment il allait réagir, surement lui dirait-il qu’elle est folle. C’était de sa faute après tout, on ne dit pas ce genre de chose. Tellement touchante et triste. S’il disait oui, elle serait surprise, hilare mais ravie, s’il refusait, elle ne serait même pas étonnée, qui voudrait dire oui à elle après tout ?

Tu as le droit de me mettre un râteau, t’en fais pas.

C’était peut-être une précision nécessaire après tout. Elle ne pouvait s’empêcher de grimacer, pas face à cette étrange situation, mais plus un message qu’elle tentait de faire passer, pour lui indiquer que les pierres étaient sérieusement en train de martyriser son pauvre genou droit. Elle ne peut plus attendre. Elle se relève brusquement et entend clairement son genou crier et craquer. Mais qu’à cela ne tienne, pour les autres, pour ses ambitions, elle pouvait bien briser son corps une ou cent fois. De toute façon, sa chute mémorable durant son enfance était bien le symbole ultime de sa détermination aveugle absurde.
Elle lui retira délicatement le manche des mains de Magnus, comme on confisque un jouet a un enfant. Comme si ce vulgaire bout de bois ne lui appartenait guère et que seul les élus – les sorciers – avaient droit de poser leur main dessus. Comme si pour lui – les autres – il ne restait que la version morte d’une branche dont le seul but était de retirer la saleté. Mais il n’en était rien, elle comptait bien le lui rendre le plus vite possible. Elle sorti sa baguette de sa chaussette et prononça clairement :

Mollarie !

Sortilège de coussinage, tant apprécié des étudiants flemmards que des chats gras et ronchon. Il offrait pour pas grand-chose un confort incroyable aux petites fesses. Elle se plaisait à le lancer à tout va et pouvait aussi servir de bouclier un peu fou contre tous ceux qui voulaient faire leur quater back. Elle remit le manche entre les mains de Magnus, avec sur le visage le sourire des grands esprits maléfiques qui s’apprennent à détruire le monde. Il ne manquait plus que le ricanement qui résonnait jusqu’à la foret interdite pour que la scène soit parfaite.

Wingardium Leviosa !

Elle agita sa baguette sans prévenir. Voilà que le pauvre Magnus se mettait à léviter dans les airs, accrochée a un pauvre bout de bois. Elle avait au moins pris la peine d’y lancer le sortilège de coussinage, pensant aux attributs faibles des hommes. Au-delà de ça, personne n’aimait avoir une branche entre les jambes.

Et la, tu gardes ton avis ? Serre bien les jambes, comme si tu devais aller aux toilettes, sinon c’est la chute hein !

Elle prenait soin de tenir sa baguette fermement, dans le – pire – cas ou Magnus chutait. Et si elle n’était pas assez rapide pour la dégainer, elle se jetterait au sol pour servir de coussin. Peut-être aurait-il fallu jeter quelques sortilèges de protection pour éviter tous ces risques, mais elle savait que trop bien à quel point il en rêvait. Si papy ne vivait pas assez longtemps pour pouvoir monter sur un balai, Magnus lui en aurait surement la possibilité. Mais il était aussi très probable que Magnus ne survive pas à papy, vu les précautions inexistantes que Parky avait prise.

Chaque énigme n'est pas toujours faite de mots, et cette évidence se constate devant la multitude des visages qu'elle incarne. L'incompréhension ne demeure pas bien longtemps, cédant vite place à l'évidente réponse d'une habitude auquel il ne se fera jamais. Avec elle, les énigmes ne résident pas dans ses mots ; c'est toute sa façon d'être qui dessine les contours d'une question éternelle dont la réponse lui paraît trop abstraite pour qu'il ne puisse prétendre la comprendre.
C'est ainsi qu'il éveille sa conscience, entre la recherche d'une proximité qui lui semble trop facile pour être sincère.
Cette maturité semble presque feinte, au centre d'une existence trop jeune pour que n'y baigne un tel réalisme. L'esprit joyeux, presque aussi factice que cette admiration qu'il s'efforce d'éprouver - et ces sombres pensées viennent ternir les certitudes quant à sa sincérité.

Selon lui, l'hypocrisie n'a jamais été une mauvaise chose, il ne s'est simplement jamais pensé comme étant au centre de son interprétation. Un regard sans couleur, spectateur silencieux - et ça lui semble si nouveau d'être au centre des choses qu'il en reste abasourdi, bercé par son propre silencieux.
Ou presque - et les oreilles lui sifflent comme le châtiment d'un espoir un peu trop gros pour ses maigres épaules.
S'il pouvait se projeter au-delà de cette modestie forcée par le destin, déchaîner ses désirs vers un horizon que la moindre déception ne pouvait atteindre. Au fond, peut-être qu'il avait cessé d'attendre un bonheur absurde depuis quelques temps déjà. Le cœur enchaîné à de tristes certitudes, dans une réalité qui avait cessé d'émettre la moindre couleur.

Magnus refusa d'un maigre signe de tête, le sourire aux lèvres et la voix comme scellée par une émotion indécise. Sa respiration retrouva le naturel des instants précédents cette demande inattendue et il serra un peu plus fort le manche du balai qu'elle venait de lui rendre.

« Je ne vais pas me marier pour l'instant, mais je continuerai de t'aider avec tes projets. Et b— »

Le mot mourut dans sa gorge, la bouche soudainement refermée sous l'impulsion de la surprise. Les yeux écarquillés, et l'image toujours exempte de couleurs. Il serra les dents, et la surprise le gagna en même temps qu'un émerveillement qui submergea doucement la peur instinctive des hauteurs.
Les mains serrés sur le manche du balai, jointures blanches devant l'impulsion de ces émotions mixées - l'avancée magique, hors de son contrôle n'était pas à la hauteur d'un rêve éveillé, et pourtant, cette réalité gravait en sa mémoire les instants mémorables de l'impossible finalement côtoyé.
Il aurait dû avoir peur, certainement, mais la raison semblait exempte de son esprit euphorique, un sourire si largement dessiné sur son visage ravi. Peut-être aurait-il dû jouer le jeu en réponse aux échos sadiques de son rire satisfait, mais en l'instant, rien n'aurait su obstruer les sentiments que son cœur semblait enfin pouvoir exprimer, ne serait-ce que pour ces instants uniques.

« ENCORE ! » hurla-t'il simplement, sans plus de pensées.

Comme c'était émouvant de le voir ainsi s'extasier dans les airs ! Comment c'était adorable de voir ce sourire éclairer son visage ! N'y avait-il pas quelque chose de plus beau que de sentir avoir apporter un peu de joie dans le cœur de quelqu'un et par la même occasion d'exaucer - ne serait qu'un toit petit peu - son rêve ? Si seulement toutes les séances de création étaient ainsi !

Oui oui choupi.

Elle leva sa baguette un peu plus haut et se mit à se promener dans tout l'espace qui s'offrait à eux. Parfois, elle s'amusait à le faire redescendre brusquement, le faire remonter si haut que la cime des arbres lui était accessible, lui faire des petits loopings, l'incliner dans des angles inconfortables. Parker était simplement en train de lui faire vivre la magie des parcs d'attraction sans attache ni protection.

C'est marrant j'ai l'impression d’être un enfant et de tenir un ballon.

Ou l’impression de tirer les rênes d’un animal pour le guider. Magnus devait assurément être l’enfant le plus heureux de Poudlard à l’heure actuelle et provoquait chez Parker un léger sentiment de fierté. Comme quoi une clémentine et un bout de bois, ça rendait vraiment les gens heureux.

Allez faut redescendre, on va se mettre au travail.

Moment de tendresse déchirant à couper, car il fallait bien se remettre au boulot. Elle savait que les enfants pouvaient être réticents à coopérer lorsqu’on leur confisquait leurs cadeaux, alors peut-être fallait-il l'appâter avec quelque chose de plus gros. Peut-être que de voir le processus de création d’un balai pouvait créer un déclic chez lui. Peut-être que travailler avec Magnus pouvait déclencher un déclic chez elle. Elle agita son index devant ses yeux.

Si tu es sage, je te transporte jusqu'à tes dortoirs de la même façon.

Oui et pourquoi pas tous les jours, avec un service de luxe aussi et ses devoirs déjà fait ?

Tu veux mettre les brindilles ?

Elle lui tendit le manche et lui montra un sac rempli de brindilles. C’était un des moments qu’elle appréciait le moins dans la création. Elle faisait toujours tomber la moitié par terre et abandonnait toujours à mi-chemin de cette stupide étape. Bien sûr, tout serait plus simple avec un coup de baguette, mais elle était fortement attachée à cette idée du fait main. Elle avait la certitude que cela pouvait apporter un plus au balai, comme pour les baguettes.

Comme elles sont longues, tu dois pas les mettre complètement au bout. Met en une bonne quantité, puis tu attaches avec ça.

Elle lui montra du bout du doigt le crin de licorne qui reposait sur une pierre à côté d’eux. Elle se demandait bien comment il était possible d’en obtenir vu à quel point ces créatures fuyaient le contact. Tout ce qu’elle espérait, était que l’animal ne fut pas blessé.

Qu’est-ce que tu sais à propos des licornes ?

Peut-être qu’il savait quelques informations dessus ? Peut-être qu’il s’intéressait aux créatures magiques ? Malgré le fait qu’il n’aurait sans doute peu de chances d’en voir beaucoup dans sa vie, ce serait beaucoup trop dangereux pour quelqu’un qui ne peut pas utiliser la magie. Si seulement il était possible d’amplifier ce peu de magie que possédait les cracmols.

Au travail l’esclave !

Elle mit une bonne tape dans son dos. Monsieur se proposait en tant qu’assistant pour un long moment, il était alors grand temps de faire ses preuves et prouver que ses paroles n’étaient pas du flan. D’ailleurs, que comptait-il faire plus tard ? Il ne lui avait jamais dit, ses plus grands rêves. Elle préférait que ce soit lui qui le lui avoue, plutôt que de le forcer avec une baguette sur la glotte.

Si cet instant pouvait durer pour toujours, se graver dans la réalité éternelle. Si le vol pouvait faire parti de ce quotidien grisâtre, l’arrachait à cette envie permanente qui sculptait ses humeurs. S’il pouvait se rapprocher des étoiles, d’un rêve, de ces baguettes qui ne seraient jamais que des bouts de bois entre ses mains. S’il était différent, né humain ; s’il se contentait d’admirer sans espoir, d’apprécier cette réalité sans l’ombre de sa silhouette enfantine aux yeux brillants.
S’il était plus détaché, plus confiant, s’il pouvait aimer quelque chose plus fort que ces sortilèges qui se limitaient à quelques mots murmurés aux soirs humides, dans le désespoir de sa condition inassummée. S’il était meilleur, différent ; s’il était plus fort, s’il avait su trouver le refuge d’une vie dans une scolarité qui appartenait à ce qu’il était devenu.

Quelque part, le vol était salvateur, arrachant son cerveau à ces sombres pensées pour le submerger par la fraîcheur de ces rafales de vent. Son sourire déformé par la vitesse de déplacement, il s’accrochait au manche avec le vain espoir de contrôler ces rêves éphémères comme un enfant aveuglé par une imagination un peu trop débordante.
Il touchait le sujet de ses nuits du bout de ses doigts, tenait entre les mains le réceptacle de tant d’espoirs qu’il en souffrait un peu trop.
Si cet instant pouvait durer pour toujours, et quelque part, il ne pourrait jamais l’oublier.
Il aurait voulu partager cette félicité avec tous ceux comme lui ; avec ceux qui haïssaient, ceux qui ne savaient pas, avec ceux qui enviaient la magie et ceux qui cherchaient à s’en éloigner. Il aurait voulu leur faire goûter à cette ataraxie si bienveillante qu’elle en inondait tout le reste, soufflait cette jalousie permanente loin de son esprit réjouit.
Il aurait pu tout faire pour elle ; et la reconnaissance était comme une baume pour un cœur meurtri.

« C’était le meilleur moment de ma VIE. Tiens, je te donne le reste des gâteaux, et je mets les brindilles. »

Cette fois, le sourire lui semblait bien léger et il sautillait sur place, caressant l’espoir d’un envol dont il ressentait encore les sensations uniques. S’il devait se contenter de regarder, ça lui convenait ; s’il tenait les distances, se contentant de ces quelques expériences uniques, c’était amplement suffisant. Le merveilleux ne brillait tant que lorsqu’on l’appréciait de loin, et c’est ce qui rendait ces instants si parfaits.
Il lui fallut quelques instants pour se calmer de ce cadeau avant de saisir le manche du balai et s’asseoir à côté du sac rempli de brindilles. La confection du balai était longue et sinueuse, et il appréciait cet art délicat qui happait assez sa concentration pour l’ôter à ses moindres pensées, si noires puissent-elles être.
En dehors des maléfices qui rendaient les balais si spéciaux, la confection était à sa portée et Magnus avait longtemps songé à se lancer dans un tel domaine - avant de se tourner vers les animaux. Le Poufsouffle n’avait aucune idée de l’intérêt de son amie pour les licornes mais il n’eut pas besoin de s’arrêter durant sa tâche ni même de réfléchir avant de lui fournir une réponse.

« Les licornes naissent dorées et deviennent blanches plus tard. Vers 7 ans. Elles préfèrent les filles, mais je pense que la délicatesse est la chose la plus importante. Peut-être que j’aurai plus de chances que toi. »

C’aurait sûrement été une provocation amusante s’il n’était pas aussi concentré sur sa tâche, mais ses yeux ne quittaient pas les brindilles alors que, sans sourire, il travaillait. Il marqua une pause lorsque vint le moment d’attacher le tout avec un crin de licorne puis leva les yeux vers elle et lui adressa un sourire satisfait.

« Les crins sont prises à la mort des licornes. Bien sûr, il y a des marchés noirs, mais peu de gens les blessent volontairement, même pour des gallions. Le contre-coup est trop dangereux. Alors, ne t’en fais pas pour elles ! »

Alors, il lui tendit le résultat de son travail intensif.

C’est un bon deal, hehe.

C’est vrai après tout, être récompensé de la sorte pour aussi peu, c’en était presque indécent ! Un simple wingardium et voilà qu’un petit étudiant vous donnait généreusement des gâteaux et s’offrait à vous pour faire le sale boulot. C’était donc ainsi que fonctionnait le monde du travail ? Quel plaisir de le voir s’atteler au travail.

Espèce de p’tit !

Surprise de cette insolence froide, elle ravala son insulte taquine. Elle s’imaginait l’étrangler presque franchement, mais se contenta juste de légèrement presser ses mains autour de son cou trop frêle pour elle. Depuis quand les jeunes manquaient de respect aux ainés ? Depuis quand on la respectait, elle ? Elle retira ses mains soudainement, à cette simple pensée. Peut-être qu’il serait grand temps de faire quelque chose à ce sujet. Ou peut-être était-ce inutile de se prendre la tête pour des sujets aussi futiles.
Elle lui fit sa plus basse révérence, si ses mains n’avaient pas été occupées, elle les aurait bien embrassées.

Apres tout c’est vrai, tu es plus mignonne que moi. Plus gentil. Plus bienveillant. Plus adorable. Plus touchant. En plus d’être petit et mignon. On a envie de te cajoler et de te protéger ! Et les cheveux argentés, on en parle ? C’est rare et cool ! C’est sûr que les licornes te préfèreront à moi.

Oh oui, c’était une évidence, n’importe quelle créature magique préfèrerait le prendre lui, par rapport à elle. Surtout si certains de ses balais enflammés finissaient par se perdre on ne sait ou dans la Forêt interdite. Il paraissait beaucoup plus inoffensif et tendre qu’elle, surement à cause de son âge. De toute façon, elle n’avait pas l’envie pour le moment de les approcher, quand bien même l’idée d’une promenade dans ce lieu condamné aux étudiants ne lui déplaisait pas. Mais pas seule, elle n’était pas téméraire à ce point.
Elle attrapa le manche qu’il lui tendit et admira le travail fini. Ce n’était pas mal, pas mal du tout ! On ne pouvait pas espérer comme première tentative, si elle l’était. Elle le posa sur le rocher le plus proche.

Maintenant, je vais faire quelques tourniquets avec ma main.

Elle étira son bras et fit quelques moulinets, baguette en main. C’était une partie sur laquelle il ne fallait pas se rater car c’était celle qui déterminait principalement la sécurité du propriétaire et la fiabilité du balai. Les sortilèges se devaient d’être correctement formulés mais sans ordre prédéterminé. L’essentiel reposait sur la maitrise des sorts et les matériaux. Il fallait trouve le juste équilibre entre ces deux éléments. Le troisième point étant la maitrise du propriétaire, un élément sur lequel les vendeurs ne pouvaient guère influer. Mettez le meilleur balai du monde entre les mains d’un bon n’a rien et il ira s’écraser contre un mur trois minutes plus tard.

Quels sont les sorts essentiels à jeter sur un balai ? A chaque fois que tu m’en dis un, je le lance, qu’il soit correct ou non.

Elle voulait bien vérifier qu’il était digne d’être son assistant, car il devait aussi être capable de pouvoir soulever ses erreurs. Même s’il n’était pas capable d’utiliser la magie – pour l’instant non, peut-être jamais, peut-être un jour – elle estimait qu’il était malgré tout nécessaire pour lui de connaitre une liste conséquente de sorts. Après tout, il était à Poudlard, avait la « chance » de pouvoir y étudier. Il lui paraissait alors inconcevable de ne pas en assimiler certains. Ne serait-ce que parce qu’il fréquentait des sorciers, mais aussi pour pouvoir les éviter, si un malheur devait arriver ou tout simplement dépanner quelqu’un qui avait un trou de mémoire.
Elle attendait alors, la baguette levée au-dessus du balai, guettant les mots qui feront de l’objet inanimé un échec ou une réussite.

La règle força ses pensées à se tourner vers l'application unique d'une concentration forcée, la transpiration surplombant la peau humide de sa nuque comme le gage d'une angoisse qu'il avait du mal à cacher. Tout reposait sur lui. Le futur d'un travail acharné, d'une patience sans bornes, de la précision de ses gestes et de toute la passion qu'elle mettait dans ses entreprises.
Il tenait tout au bout de sa langue, chaque erreur orchestrant une destruction sans retour, chaque bonne réponse traçant le chemin d'une réalisation parfaite.

Le silence guidait ses moindres pensées ; et sa bouche, scellée par ses émotions tremblantes, refusaient l'expression du moindre son.
S'il avait pu contrôler son esprit ; et il se tenait dans l'encadrement d'une hésitation si étendue qu'elle le plongeait dans une profonde cécité. Le vide. Une timidité maladive qui revenait aux abois, son raisonnement cloîtré derrière la confiance blafarde d'un cracmol en quête de sa propre identité.

Alors, avec une inspiration légère, les battements irréguliers d'un cœur à l'affût des moindres actions inattendues que Parker s'amusait à actionner, il s'élança.

« Le sortilège de coussinage. »

L'éclair de détention lui arracha un sursaut, et il quitta de force cette réalité sombre et silencieuse dans laquelle il s'était enfermé, cherchant la tranquillité loin de l'investissement que signifiaient ses moindres tentatives. « Celui de freinage. » Un peu plus de confiance et de volume, cette fois. Magnus avait travaillé. Magnus avait essayé, sincèrement, cherché tous les chemins possibles vers le futur radieux que l'impossible s'amusait à garnir d'espoir.

« Un correcteur de trajectoire, pourquoi pas. »

Sa voix mourut presque dans sa gorge dans cette hésitation ultime, tandis qu'il écoutait les bruits raisonnants de la magie impulsive.
Parker et ses humeurs.
Parker et sa magie.

Il attendait, avec une peur aveugle.

Peut-être était-ce un peu insensé de complètement se reposer sur le savoir d’un cracmol ? Mais quel était l’intérêt de les laisser venir à Poudlard s’il ne s’intégrait pas ? Quel était l’intérêt si on ne faisait rien pour qu’ils s’intègrent ? Il fallait plus d’activité du genre, Parker en était sûre. Si seulement tout le monde y mettait du sien.

C’est bien tout ça !

Et elle jetait les sorts, hilare et ivre de toute cette magie hasardeuse, comme une étrange roulette russe sans grande conséquence pour eux. Elle n’était pas surprise que Magnus connaisse ses quelques sorts, c’était bien le strict minimum requis pour un balai digne de ce nom. Vous accepteriez d’acheter une voiture qui n’a pas d’airbag, de ceinture de sécurité ou de rétroviseurs ? Mais ça n’était pas suffisant, elle ne se contenterait jamais de si peu. Il lui fallait toujours plus, toujours trop, à la limite du légal, à la limite du supportable. Elle voulait toujours tout détruire, pour reconstruire, pour redétruire, dans un cycle quasiment sans fin, jusqu’à l’essoufflement de toute étincelle en elle.
Mais elle s’amusait énormément. Elle n’avait jamais eu cette occasion auparavant, elle comptait bien en profiter jusqu’à l’exces.

Quoi d’autre ?

Elle se plaça derrière lui, lui fit saisir sa baguette et plaça sa main sur la sienne. Si elle n’était pas là, il pouvait agiter cette baguette aussi longtemps qu’il le souhaitait, elle resterait inerte une éternité. Ce n’était rien, hormis quelque chose de bien stupide, mais peut-être cela pouvait lui procurer de quelconque sensations. Celle de ne plus être un cracmol. Ou tout du moins, quelqu’un de faire naitre quelque chose à partir d’un bout de bois, être comme l’égal d’un sorcier.

On peut tenter quelques folies, tu le sais hein ?

Après tout, un balai de perdu, ce n’était pas bien grave ! Un petit autodafé, n’avait-il rien de plus festif ? Elle pouvait en pondre des dizaines en une semaine, ce n’était pas celui-là qui lui manquerait de toute évidence. Sa vie serait bien triste si elle n’avait pas échoué de nombreuses fois dans tous les domaines imaginables.
Parker était parti loin, un peu trop enivrée de tout ça.

L'air transpercé d'un sifflement lui arrachant des frissons de surprise, les yeux plissés devant l'impact bouillant des magies lancées. Le balai vibrait devant l'impact des assauts, secouant l'art subtil de cette construction d'une violence assumée. Magnus n'osait pas détourner les yeux, mais son corps restait immobile devant l'appréciation innocente des conseils sincères de celui qui n'a jamais songé à détruire. Sage enfant, portant une rancœur assez lourde pour en grignoter son bonheur ; et il se contentait d'aider, son regard bleu vibrant de cette admiration si toxique. Et il souffrait, à chaque instant, et il souriait, à chaque fois que le cœur se serrait ; et il cherchait son bonheur au milieu du champ de mines de ses pensées torturées.

Et désormais, ses mains tenaient le fil vibrant d'une magie réelle,
Comme une volonté liée par les jeux d'une demoiselle imprévisible.

Sa bouche était scellée par l'indécision qui parcourait son corps, coupant court à ses moindres choix, à ce qui le rendait si prudent.
On peut tenter quelques folies, tu le sais Magnus, tu peux te permettre de rêver. Tu peux te permettre d'avancer ton regard au-delà de la frontière de tes possibilités, d'un impossible qui fait si mal, prétendre pour un instant de devenir plus fort que tu ne l'es.

Au diable l'indifférence, la peur, la main tremblante ; au diable l'hésitation, la petite voix, la colère refoulée. Au diable tout ça, ce monde, et peu importe si les larmes poursuivront l'euphorie ; peu importe s'il te semblera tout perdre une fois encore. Peu importe, pour un instant du moins, peu importe, à présent que vos mains étaient liées par ce bout de bois, sa baguette, par ces lumières aveugles, par les sorts qu'elle lançait. Tout serait tien, juste cette fois, le temps de voler dans les cieux inaccessibles aux êtres sans ailes.

« Le sortilège du catapultage. »

Vole, vole, vole.
Fuis, vole loin de tout ça, de lui, loin d'elle. Disparais, balai torturé. Disparais, dans l'inconscience d'une magie imposée ; disparais, au creux de nos mains renfermées. Laisse-toi porter, laisse-toi détruire, laisse-toi sacrifier au nom des sentiments d'un gamin qui se permet, rien qu'une fois, de tout laisser exploser.
Vole, vole, vole, Magnus.
Disparais, loin de tes propres regrets.

« Diffinito. »

Les formules, à présent. Qu'il connaissait. Qu'il avait tant répété.
Travaillé. Rabâché. Espéré voir marcher.
Les formules détestées, le dégoût de ne pas pouvoir en user de sa main.

« Crac badaboum. Rictuscempra. INCENDIO ! »

Et sa main retomba, loin des méfaits d'une colère soudaine qu'il ne pouvait qu'observer d'un œil impuissant. Es-tu satisfaite, de construire ses rêves pour les voir se démanteler à nouveau ? Es-tu satisfait, Magnus, d'avoir ainsi répondu à l'appel d'une bêtise enveloppée de ces regrets brûlants ?
Comme ce balai, qui t'avait tant fait rêver.

Ça fuse, la violence en escalade brutale. Elle était surprise de le voir aussi acharné déchainé enragé émoustillé de cette mort qu’il voulait tant provoquer. C’était avec un certain fourmillement qui lui parcourait l’échine qu’elle lançait les sorts qu’il vociférait. Surement n’appréciait-elle finalement pas cette destruction féroce de son travail, aussi basique soit-il. Magnus lâcha sa main et elle abaissa sa baguette.

Mon balai !

Elle regarda le triste résultat, s’attrapant les cheveux rudement. Son balai ! Quel horrible destin lui avait été réservé ! Il ne restait du balai que des copeaux étalés dans tout l’espace libre qui s’offrait à eux, tandis que les brindilles avaient été emportées par le vent, sures de ne jamais revenir auprès de leur tortionnaire. Oh non, vraiment, elle ne s’attendait pas à ce qu’il prenne autant. Mais ça avait au moins l’avantage de lui faire poser quelques questions. Est-ce possible de faire un balai résistant a des sortilèges similaires ?

Bah, j’en ferai un autre demain.

Elle haussa les épaules. Ça n’était pas bien grave, ce n’était que du bois, du crin de licorne, des échardes dans les doigts et des raideurs dans les bras à force de poncer. Ce n’était que quelques jours de travail, pas de quoi se tordre les boyaux. Elle faisait ça depuis toute petite, alors les taches ardues ne lui faisaient plus peur. C’était presque aussi léger que faire mille origamis ou nouer mille cordes.

C’était un beau spectacle. Ça me rappelle un artiste cracmol que mon papy a connu, Arman je crois ? Faisait les mêmes trucs que nous.

C’est vrai que c’était particulièrement émouvant. Elle n’aurait pas eu l’idée de détruire seule ce qu’elle avait créée, pas de cette manière du moins. Pas aussi brutalement. Pas aussi vite. Ce sale morveux avait de la hargne à donner. Elle espérait quand même au fond qu’il fasse bon usage de ses capacités. Les jeunes étaient trop facilement malléables, surtout ceux qui étaient différents.

C’était court, mais c’était fun. Tu reviens quand tu veux, quel que soit le motif.

Elle lança un Reparo pour que les miettes se rassemblent. Elle aurait très bien pu s’en resservir pour faire une autre base, mais l’idée de recycler un balai qui avait été volontairement détruit ne lui plaisait guère. De plus, cela les fragiliserait au fur et à mesure. Pour éviter tout risque d’accident, elle préférait le garder pour elle. Elle ne savait pas encore quoi en faire après, mais pour le moment, elle devait tenir sa promesse. Elle lança un sortilège de lévitation sur Magnus, à défaut de pouvoir utiliser un manche complet.

Je vous l’ai promis, je vous accompagne à votre suite Empereur Magnus.

Des sentiments mitigés à la frontière du non-assumé, une colère soudaine qui lui avait coupé le souffle et il se trouvait assis au sol, la tête qui tournait à observer un ciel un peu trop bleu pour son cœur encore rouge de colère.
Tout était allé si vite.
Il semblait s'extirper d'un cauchemar, une de ces nuits surprenantes où le corps transpirant prend conscience après coup de tous les sentiments qui le submergent. Jamais il n'avait exprimé autant de colère, de désir de destruction ; jamais il ne s'était laissé prendre au jeu d'une haine explicite.

Jamais, et il sentait que ses mains regrettaient les sorts qu'il n'avait même pas lancé, sa bouche hachée par un regret un peu trop sincère pour un gamin comme lui. Il avait le cœur lourd d'avoir ainsi agit, le cœur lourd de tout ce qu'il n'avait pas pu dire, de ses excuses informulées, d'avoir ruiné les heures d'un travail acharné.
Et pourtant, elle ne semblait pas lui en tenir rigueur.
Elle avait réagi avec tant d'émotions qu'il ne pouvait que s'en vouloir, mais cette tristesse éphémère avait rapidement été noyée par tout l'ensemble de cette personnalité qui la rendait si amusante.

Cette fois, pourtant, Magnus n'avait pas le cœur à sourire ; il hocha gentiment la tête, décidé à accepter la conclusion qu'elle aurait fait de cette journée, quelle qu'elle soit, pour autant qu'elle fasse office de pardon. Il cligna des yeux lorsqu'elle le fit voler de nouveau, et bien que la sensation soit différente sans balai, il ne put retenir le sourire qui se dessina sur son visage.
Même une telle bourde n'obstruait pas leur relation, et il se surprit à toucher son collier du bout des doigts tandis que son corps avançait en réponse à une magie qu'il voulait croire comme étant la sienne, rien qu'un petit peu. Ses yeux si près du ciel, son cœur dans les étoiles - il ne sentit pas les minutes passer avec leur lenteur habituel, l'euphorie accélérant la mesure de ces précieuses secondes.

S'il avait pu avoir une baguette, il aurait avant tout arrêté le temps pour profiter de son bonheur éternel - et il devait se contenter de ça, mais cette fois-ci, il n'en éprouva qu'une joie véritable. S'il y avait droit, il n'y avait pas d'autre réponse qu'un sourire sincère ; si elle lui offrait tant, il n'y avait qu'un mot, qu'un sentiment véritable.

« Merci pour aujourd'hui. Tu es la meilleure. »

S'il avait dû mourir ici,
S'il avait pu s'endormir pour l'éternité,
S'il aurait pu ne garder qu'un souvenir, une journée parmi toutes.
S'il avait dû tout sacrifier pour revivre un moment,
Aujourd'hui serait si parfait.