— Il est très physique, tout en muscle, et surtout très agile. Il passait beaucoup de temps dehors pendant sa jeunesse, or il a eu le droit à toutes les traditions de chasse et de traque qui font un bon Cheyenne.
— Il peut manger de n'importe quoi, sauf les sucreries. Le sucre, ça lui agresse le palais, il déteste ça. Par contre, pour le reste, il n'est pas difficile.
— Il a été habitué à lancer ses sorts sans baguette magique, et il est d'ailleurs assez doué pour la magie traditionnelle de ses ancêtres. Il connait les rituels oniriques, entre autres.
— À première vue, il a l'air assez sérieux, avec son visage fermé, son air dur et sa posture droite. Pourtant, il ne manque jamais une occasion de balancer un trait d'humour quand personne ne s'y attend.
— C'est quelqu'un de très exigeant, que ce soit avec lui-même, ou avec les autres. Il sait repérer les limites des gens, c'est d'ailleurs pour ça qu'il les pousse à les dépasser.
— Il a recueilli sa buse, Hok'ee, avant de partir des États-Unis, il l'a élevé et a toujours voyagé avec elle. Il a tendance à la laisser voler en liberté, plutôt que de la garder enfermée.
— Il est assez tête brûlée, même si c'est moins flagrant qu'auparavant. Il aime régler les problèmes par l'action plutôt que par la réflexion, et n'hésite jamais à faire ce qui doit être fait.
— C'est une personne directe, honnête, qui ne passe pas par quatre chemins pour dire ce qu'il pense. Il fait souvent fi de la hiérarchie et des conventions, et ne supporte absolument pas les relations superficielles.
— Il s'orne quotidiennement de peintures discrètes à l'aide de la magie, et ce afin de se rappeler son appartenance à sa tribu d'origine. Il porte fièrement les couleurs de sa famille, tout en s'habillant à la mode des sorciers d'aujourd'hui.
— Il a toujours refusé de monter sur un balais, parce que pour lui, voler n'est pas quelque chose de naturel. Il a le vertige, aussi. Mais ça, ça n'a sûrement rien à voir.
— Il n'a jamais étudié dans une école de magie : il a toujours appris sur le tas, à force de voyager et de faire des rencontres. Son séjour à Mahoutokoro auprès de Satoshi et Mayumi lui a également permis d'apprendre beaucoup de choses.
— Il sait parler plusieurs langues, dont sa langue maternelle, l'anglais et le japonais, et maîtrise également différents arts martiaux plus ou moins conventionnels. Il a travaillé quelques années comme instructeur d'okichitaw à Iwo Jima.
Et caetera..
Aux environs d'Oklahoma City, États-Unis d'Amérique.
— Une tribu brisée. Éparpillée. Voilà ce à quoi on ressemble aujourd'hui. Des sauvages, juste bons à tisser des charmes et hurler à la lune.
L'approbation, puis le dépit. Les quelques rescapés de la famille hochèrent la tête à l'unisson. Même une braise volatile vint donner raison au chef, un vieillard au visage déformé par la colère. Installé en tailleur, parodie d'autochtone, il levait les bras pour galvaniser son public.
— Moi, je n'en peux plus. Les Non-Maj' nous prennent pour des idiots, ils nous parquent pour nous faire taire. Les sorciers ? Ha ! Amis, jusqu'à ce qu'ils aient vampirisé la moindre goutte de notre magie. Nous sommes des laissés pour compte, abandonnés à notre sort, tandis que les usurpateurs de nos terres, eux, se baignent dans l'opulence.
— Ces chiens !
— Ils doivent nous rendre ce qu'ils nous ont pris.
Le chef acquiesça. Il pointa une direction ; le nord.
— Oui. Là-bas, dans la ville, le sénateur et ses conseillers véreux tentent de nous museler à tout jamais. Maintenant que nous avons tout essayé, que la diplomatie n'a pas marché, je pense qu'il faut passer à l'offensive. Autrefois, les Cheyennes étaient des guerriers d'exception, courageux et téméraires. Nous ne sommes que des fragments de ce qu'ils étaient, mais nous avons su conserver notre dignité. Il est temps de le prouver.
Un silence glaça l'assemblée. Certes, ils aspiraient à la liberté, à l'égalité des droits, mais jamais ils n'avaient songé à recourir à la violence.
— C'est le seul moyen ?
— Ça serait signer notre arrêt de mort.
À l'arrière, un jeune homme se leva. Il enjamba quelques personnes, et alla se placer aux côtés du chef, bombant le torse. Il s'exclama plein d'assurance.
— Je pense que père a raison, et qu'il faut leur forcer la main, sans quoi ils ne s'arrêteront pas. C'est à nous de mettre un terme à tout ça.
— Hohnihokaiyohos, tu n'es qu'un garçon. Tu ne sais rien de la guerre, ni de la violence.
— Alors, quoi ? Il faut se laisser dévorer ?
— Il faut agir avec sagesse.
Le chef frappa dans ses mains, comme pour calmer les émois.
— Je ne forcerai personne à me suivre, ni ne me revendiquerai de la tribu. Je ferai ce qui doit être fait, pour moi, pour vous, pour nous tous. Ce qui veulent agir, changer les choses, ils n'auront qu'à venir. Pour les autres..
Il hésita un instant. S'il méprisait la faiblesse et l'inaction, il n'en demeurait pas moins conscient de l'enjeu.
— C'est leur choix, et je le respecte. Ce sera tout.
Woolworth Building, New York, États-Unis d'Amérique.
— Niez-vous les chefs d'accusation suivant : intrusion illégale sur une propriété privée, kidnapping et séquestration d'un adulte, menaces, utilisation de la magie en présence d'un Non-Maj' et contrainte par la magie ?
— Tout est vrai, monsieur.
Le procureur haussa un sourcil.
— Vous êtes bien docile.
— J'assume mes actes, tout comme mes responsabilités. Je ne pense pas que toutes les personnes de cette assemblée sont en mesure d'en dire autant.
— Très bien, ça nous facilitera la tâche. Pour ce qui est de vos complices, je m'adresse à eux : messieurs Ohanzo, Sahale, Yahto et.. Ho-.. Honni ?
Un rire communicatif s'empara des gradins, et tous les témoins, à l'unisson, ne purent s'empêcher de se moquer du pseudonyme loufoque. Le procureur, quant à lui, les rappela à l'ordre avec un sourire non-dissimulé.
— Allons, un peu de tenue, messieurs. Bon, si vous le permettez, et seulement pour cette séance, nous vous appellerons Honi. Ça ne vous dérange pas ?
Agacé, mais décidé à ne pas aggraver son cas, le jeune homme secoua la tête.
— Parfait. Soit, vous ne niez pas non plus ?
Sans même se concerter, le groupe répondit par la négative.
— Très bien. Nous allons commencer par le cas par cas, alors. J'ai cru comprendre que monsieur Honi ici présent n'était pas sur le lieu de l'enlèvement, ni n'a participé aux violences commises dans la maison de monsieur le sénateur. Toutefois, je n'ai aucune preuve ni témoin de cette affirmation. Qu'est-ce que je dois en penser ?
— À vrai dire, il y a bien un témoin.
Un asiatique leva la main, et tous les regards se tournèrent vers lui.
— Levez-vous, je vous donne la parole.
— Merci, monsieur le procureur. Je m'appelle Satoshi Yaritama, professeur à l'école de magie Mahoutokoro. Je pense que je n'ai pas besoin de présenter l'établissement que je représente. Quoi qu'il en soit, j'ai eu la chance d'avoir une conversation, ma foi fort stimulante, avec ce monsieur.. à l'heure même des faits.
— Oh, vraiment ? Soit, nos agents vérifieront cette information avant la délibération. Mais si je puis me permettre, monsieur.. Honi. Que faisiez-vous à quelques centaines de mètres de votre famille, famille qui, je vous le rappelle, commettait à cet instant une grave infraction aux lois magiques et Non-Maj'.
— Je..
Le garçon lança un regard incertain à son père, qui répondit en opinant du chef.
— Je montais la garde.
— Ah, tiens donc. Il faut croire que vous avez encore des progrès à faire.
À nouveau, on pouffa dans l'assemblée.
— Bien, très bien. Nous déciderons de votre sort en fonction des résultats obtenus par les souvenirs de monsieur Yaritama. Maintenant, passons à l'accusé suivant..
[...]
Le procureur, revenu depuis peu, se posa sur sa chaise.
— Silence, je vous prie. Après délibération, voici le verdict : nous condamnons messieurs Howahkan, Ohanzo, Sahale et Yahto à trente ans de réclusion criminelle, avec une interdiction formelle d'utiliser leur magie dite «tribale» dans les dix ans qui suivront leurs libération. Qui plus est, au vue des enquêtes menées par nos agents, nous plaçons l’entièreté de leur entourage sous surveillance afin de prévenir tout probable débordement.
Le chef explosa, très vite retenu par des sortilèges de contrainte.
— Et vous nous appelez barbares ? Non contents de nous mettre derrière les barreaux, voilà que vous traquez nos femmes et nos enfants comme des chiens fous.
— Vous avez vous-même choisi ce dénouement, monsieur Howahkan.
— Vraiment ? Au moins un quart de cette assemblée était en relation directe avec le sénateur, et plus d'un tiers était déjà hostile à notre cause ! Vous volez notre magie, et voilà que vous v-..
— Je vous arrête tout de suite, les temps ont changés. Votre magie.. dépassée n'intéresse plus personne, et quant aux décisions de ce tribunal, elles ont été prises dans la plus parfaite des impartialités. Vous êtes au MACUSA, monsieur, pas dans un vulgaire tribunal de campagne.
Sur ce, le procureur fit signe aux sorciers présents de transplaner le père. Les autres membres de la famille restèrent silencieux, partagés en l'amertume du dégoût, du dépit et de la honte.
— Pour ce qui est de vous, monsieur Honi, vous pouvez vous estimer chanceux. Vous ne serez pas retenu, mais vous n'êtes plus le bienvenue en Amérique. Considérez cela comme un accord officieux pour ne pas vous mettre en prison, or j'espère que vous saurez vous y tenir.
Certes, le verdict était généreux, mais le jeune homme, abattu, n'avait plus la force de répondre. Il se contenta plutôt d'hocher la tête, de murmurer un remerciement. Très vite, et sans cérémonie, la séance se termina, pour laisser place à un silence de mort. Mais alors qu'il récupérait ses effets, une main alla se poser sur son épaule. Douce, réconfortante.
— Monsieur H-.. Ah. J'ai beau ne pas apprécier la façon dont ils s'amusaient à vous appeler, je ne me risquerai pas à prononcer votre nom.
L'amérindien se retourna, étonné. Le japonais pencha la tête la tête, un sourire chaleureux aux lèvres.
— C'est moi. Satoshi. Je suis sincèrement navré pour votre famille, mais voyez le bon côté des choses : vous êtes toujours libre.
— À quoi bon être libre, si c'est pour vivre dans la solitude.
— Ça, mon ami, c'est à vous d'en décider. À vrai dire, j'ai une proposition à vous faire. Mon groupe d'élèves travaille sur les différents types de magie, or vous pourriez nous être d'une aide précieuse. Qu'est-ce que vous en dites ? Et si vous voyagiez un peu ?
Mahoutokoro, Iwo Jima, Japon.
— Voici Mayumi. Elle dirige mon groupe d'études, c'est la plus brillante de toutes mes élèves.
La jeune femme, vêtue d'un uniforme aux nombreuses bordures dorées, s'inclina avec une élégance rare.
— Enchanté de faire votre connaissance, monsieur..
— Hohnihokaiyohos.
L'élève s'arrêta un instant. Elle échangea un regard avec son professeur, avant de sourire courtoisement.
— Votre nom est joli, mais il est trop difficile à prononcer. Que diriez-vous de.. Hokai ? Ça sonne bien, non ?
Le jeune homme haussa un sourcil. Pourquoi pas, après tout. Le professeur, quant à lui, se permit d'intervenir.
— Si on le prononce à l'anglaise, ça donne «Hawk eye». L’œil du faucon. Ça colle bien avec vos origines, je trouve.
— Oui. J'aime bien. C'est facile à retenir.
Il n'y avait pas à dire, Mayumi était douée pour trouver des surnoms aux gens. Le problème résolu, Satoshi fit signe à son élève et à son nouvel ami d'aller s'asseoir. D'un coup de baguette, il envoya le thé mener sa cérémonie, jusqu'à remplir trois tasses. Et posa finalement ses fesses face à son invité, tout en retenue.
— Parlons bien, parlons affaire. Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup de sympathie pour vous : votre cause ne m'est pas étrangère, et j'ai beaucoup d'amis à Londres qui auraient été ravis de vous soutenir pendant le procès. Toutefois, si je puis me permettre..
Son visage se ferma un tantinet, plus sérieux.
— Vos méthodes n'étaient pas les bonnes. Que ce soit parmi les sorciers, ou chez les autres, il est mal avisé de faire de la violence son dernier recours. En vérité, vous n'étiez pas tant à court d'option que vous ne daigniez le croire, et.. tout ça aurait pu terminer autrement, je le crains.
— Vous ne m'avez pas invité ici pour me faire des reproches, si ? Je crois que j'ai eu ma dose pour le mois.
— Votre peine se suffit à elle-même. Non, je vous ai invité pour que
vous vous fassiez des reproches. Pour que vous vous fassiez violence.
— Pardon ?
Mayumi, silencieuse, écoutait la conversation avec un tel sérieux qu'on aurait cru qu'elle assistait à un cours d'économie. Le professeur alla joindre ses mains, car s'il était à l'aise avec la diplomatie, l'idée de toucher les cordes sensibles d'Hokai ne lui plaisait guère.
— Ce que je veux dire, c'est que je pourrais vous présenter mes amis, mais dans l'état actuel des choses, je crains que ça ne vous serait d'aucune utilité. Pourquoi ne pas rester ici pour un certain temps ? Vous nous aideriez dans nos recherches, et en contrepartie, je vous apprendrais à voir le monde d'un autre angle. Au-delà de la colère, la violence et toutes ces.. bêtises.
— Pour plaider la cause de ma famille ?
— Un jour, oui. Pour faire avancer le combat, il faut certes des muscles et de la volonté, mais il faut aussi de la sagesse. Je vous propose de vous inculquer cette sagesse. Qui sait, peut-être qu'à force de travailler avec mes élèves, vous vous trouverez un goût pour la pédagogie ?
— Ça m'étonnerait, mais..
Hokai se mordit la lèvre. Il était à court d'options, et la proposition ne lui semblait pas si mauvaise.
— D'accord. Je ferai de mon mieux, si ça peut aider les miens.
— Bonne décision. Au plaisir de travailler avec vous.
Ministère de la magie, Londres, Angleterre.
— Ah ! C'est vous, Hohnihokaiyohos ? Ravi de faire votre connaissance.
L'amérindien manqua de verser une petite larme. C'était la première fois depuis des lustres que quelqu'un arrivait à prononcer son nom. L'homme lui plaisait déjà.
— De même. Satoshi vous a prévenu de mon arrivée ?
— Oui. Lui et moi sommes des amis de longue date. J'ai écris une thèse sur la situation des amérindiens de la communauté magique internationale, ça vous dit quelque chose ?
— Oui, j'ai eu l'occasion de la lire pendant mon séjour à Mahoutokoro. C'était intéressant, mais..
— Mais ?
Ce n'était pas de l'inquiétude qu'on pouvait lire dans les yeux du cinquantenaire, mais une véritable excitation.
— Mais il y a encore du travail à faire. Les observations sur nos traditions étaient un peu simplistes, ce qui est dommage car notre magie passe avant tout par nos croyances. Je vous expliquerai deux-trois choses sur les rêves, si vous voulez.
— Oh, bon dieu, j'en serais ravi.
Hokai sourit. Le ministère avait beau être agité, son atmosphère ne lui déplaisait pas. Pour la première fois depuis longtemps, il avait enfin l'impression d'être en paix. Et pourtant, le combat ne faisait que commencer.
— Donc.. quand est-ce que nous commencerons ?
— Justement, j'allais y venir. J'ai besoin de réunir un comité : rassembler tous les sympathisants à notre cause n'est pas chose facile, or je vais avoir besoin de temps.. et des moyens. Mais ne vous inquiétez pas, j'ai pensé à vous.
Il haussa un sourcil. À lui ?
— Au vue des commentaires de Satoshi, j'ai pensé que cette opportunité pourrait vous convenir. À vrai dire, il y a un poste vacant à Poudlard, un poste de professeur de sport. Vous êtes sportif, on ?
— Euh.. oui ?
En fait, il avait même passé la plus grande partie de sa jeunesse à chasser, se battre et courir. À croire que la moindre confession qu'il avait fait à son ami professeur se retournait aujourd'hui contre lui.
— Et vous aimez enseigner.
— ... plus ou moins.
— Ça fera l'affaire. Je vais contacter mes relations, et je vous obtiendrai ce poste en moins de temps qu'il faut pour dire votre prénom. Ça vous va ?
Il n'allait pas vivre sur le dos de ses bienfaiteurs à tout jamais, après tout.
— Marché conclu. Mais n'allez pas vous plaindre si les élèves deviennent des révolutionnaires en pagne.
— Ahah ! Vous avez le sens de l'humour, ça me plait.. mais ne faites pas ça, s'il vous plait. Soit, nous avons du pain sur la planche, ma foi. Suivez-moi, je vais vous faire visiter le ministère. Ça sera déjà ça de gagné.