we were so lost // Alexander

Chanel, Alexander il l'aimait bien. Genre vraiment beaucoup. Il l'avait à la bonne. D'abord il s'était dit qu'un Gryffondor dans sa poche s'était pas mal pour les tenir à l’œil, guetter les mauvais coups possibles envers Serpentard. Ensuite elle l'avait totalement blasé. Et finalement il s'était aperçu qu'il aimait passer du temps avec elle, l'écouter parler pendant des heures, se plaindre, et même l'aider à étudier. Oui parce que bon, Chanel, c'est pas une lumière, c'est clair. Sinon elle serait dans la meilleure Maison de Poudlard, aka Serpentard. Mais avec le temps, il avait appris à apprécier son charme. Et sa mentalité. De leur petit groupe de "potes", c'était la plus tenace. La plus têtue. La plus déterminée. La plupart des gens ont tendance à renoncer face à un échec, tandis que Chanel, elle, elle les accueille à bras ouverts, les broie et les digère. Vaut mieux pas être un échec, c'est clair. Oui, cette fille en avait dans le pantalon. Et désormais, si elle avait le malheur de faiblir, Alex était là pour lui rappeler que "c'est parce que t'es chez les lions mou du g'noux que tu dois être une loque humaine comme eux !". Ouais, pas forcément sympa comme ça. Et pourtant, il y mettait tout son cœur pour la remotiver.

Cette fois, l'espèce de bordel rectangulaire avait vibré. Les membres du club d'escrime s'étaient tous regardés, avant de fixer le Serpentard. Cette même façon de le toiser que quand il oublie l'existence de son portable. Non mais sérieux. On s'envoie des hiboux, des avions en papier éventuellement. Des beuglantes. Mais des "portables", à quoi ça sert ? Pour une fois, le Raeken savait où il se trouvait, fait rare. Il se dévêtit de son casque de protection, ôta un gant avec ses dents et checka distraitement l'écran. Autant jouer sur ordi n'avait jamais posé problème à l'apprenti geek, autant les petites vitres des smartphones lui foutaient la gerbe. Il allait jeter l'objet dans son sac l'air de dire "ouais j'ai lu" pour satisfaire les autres, quand le nom affiché attira son attention. Chanel.

" - Et merde … ET MERDE ! "
Oui, un double. Un premier pour évacuer la frustration de devoir lire la missive. Un second pour la missive en question. Même s'il fallait toujours un certain temps au Raeken pour déchiffrer le langage texto (aka le langage pour demeuré), là il avait compris. Son équipement voltigea dans la salle suivit d'un "désolé. urgent. pas le temps. " et il s'évapora au galop. Dans sa course il se demandait s'il n'aurait pas du garder un des fleurets, juste au cas où. Tout défilait dans l'esprit désormais tourmenté du gamin. Un duel improvisé ? Une provocation d'un de ses confrères ? Un grosse connerie à camoufler (comme souvent) ? Les sourcils froncés et les dents serrés il redoubla d'efforts.

Si bien que quand il débarqua dans le parc et que ses prunelles se posèrent sur Chanel, il ressemblait à un … dépravé ? Les cheveux en bataille, le visage en sueur, rhabillé à la hâte … oui, un clodo. Il scruta à gauche, à droite. Pas de danger apparent. Bon. Soit ils avaient déguerpis, soit Alexander était arrivé trop tard. Pas de bourde à planquer, à priori. Donc il opta pour la première solution.

" - Ça va ? Tu n'as rien ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Ils sont où ces blaireaux que je leur apprenne un peu la puissance d'un Serpentard en pétard ! "
Oh, en rime en plus, c'est charmant ♥ Pas volontaire, mais charmant. Il la rejoint rapidement, et ne comprit pas vraiment la question posée.

" - Oui je suis intelligent, tu le vois pas le vert sur mon uniforme ? Pourquoi tu … "
Et là, l'évidence le frappa comme un gant de boxe dans la mâchoire. Non, elle n'était pas en danger. Oui, il s'était pressé pour rien. Les devoirs, bien sûr. Il s'en voulait d'avoir été aussi stupide. Quelque peu agacé (et blessé dans son ego, avec un peu de chance elle ne relèverait pas le fait qu'il s'était inquiété pour quelqu'un d'autre que lui-même), il s'empara du bouquin.

" - … Tu pouvais pas juste dire ça dans ton message là ? Au lieu de jouer sur le côté dramatique ! "
Sans même parcourir les pages, il enchaîna.

" - Et puis tu abuses ! C'est hyper simple, fais un effort ! "
Hum. Les comètes se déplacent à une vitesse difficile à exprimer pour les Moldus, mais les sorciers la calculent en fonction de la vitesse tellurique. Ouais. Non. Rien compris. Les prunelles d'Alexander se relevèrent lentement vers Chanel. Non, une fois de plus, hors de question de passer pour un con. Pas deux fois dans la même journée. Alors il improvisa, grand comédien et menteur né. Rien de bien compliqué avec Chanel qui semblait le prendre pour un génie incompris.

" - Ouais bah en gros les comètes c'est genre des cailloux qui ont subis un Incendio. Les Moldus pensent que c'est la vitesse qui leur met le feu au cul. Je crois. Et donc ces cailloux ben ils ont la rage et … hum, ils passent prêt des planètes et des fois ils tombent dessus. Comme si un gars avait fait "Accio comète". "
Hum. Très bancal. Probablement pas tout à fait juste. Une petite recherche sur Internet aiderait sûrement. Mais … où est ton téléphone Alexander. Boulet va. Finalement il refermait le bouquin et fixait le sac de la demoiselle, les mains sur les hanches.

" - Bon, ça va prendre du temps. T'as le goûter j'espère ? "
Ouais parce que bon, faut pas déconner non plus. En soit, même s'il tirait un peu la tronche, au fond, il était bien content. Entre empaler des gens avec un fleuret même pas mortel, et passer l'aprem avec Chanel, le choix était vite fait. Même s'il ne l'admettrait sûrement pas.

Si l'un semblait vidé de toute énergie, l'autre en revanche avait l'air d'en regorger. Jouer avec ses joues, se redresser comme si elle avait le feu aux fesses, se rasseoir aussitôt … rien qu'à regarder Chanel faire Alexander était épuisé. Mais ça contribuait sûrement à son charme. Il réfléchit cinq minute à cette nouvelle question, qui n'était sûrement qu'un début vu les nombreuses interrogations qui planaient dans l'esprit de la jeune fille. A moins qu'elle ne se prépare à l'avance une petite liste, histoire de le prendre au dépourvu. Jusque là le Serpentard avait su relever le défi plus ou moins bien. Mais viendrait sûrement un jour où il serait forcé de répondre ces quatre mots accablants : je ne sais pas. Il se demandait d'ailleurs s'il aurait la force de les articuler pour le bien de la Gryffondor, ou s'il préférerait lui raconter des bobards pour sauver sa fierté. En tout cas il serait sûrement tiraillé. Et honteux dans le second cas.

" - Ils essaient de compliquer les choses pour élever un peu ton esprit. Imagine si on en restait à "on est collé sur la grosse ba-balle parce qu'on est obèse" pour justifier la théorie de la gravité. Et puis … les plus jeunes - et les moins jeunes - seront subjugués par ta façon de t'exprimer après ! "
Oui, ça lui semblait plus ou moins cohérent. Tandis qu'Alexander cherchait d'autres raisons valables à cette interrogation millénaire, la jeune fille lui tendit le Saint Graal. Non, le Serpentard n'était pas obèse, loin de là, mais il mangeait sans cesse. Et quand on le lui faisait remarquer, il se contentait d'un "c'est parce qu'on réfléchit beaucoup dans la Maison du serpent. Du coup tu peux pas comprendre ce que c'est". Il s'installa par terre tout en se saisissant du précieux paquet. Des biscuits volés, encore ? Sauf que cette fois l'aventure n'avait pas finie dans la Forêt Interdite, comme avec cette andouille de Magnus. En tailleur, le livre ouvert sur les cuisses, il commença à parcourir la page suivante tout en écoutant la remarque de Chanel. Bon, il s'était mis dans la merde tout seul, et il faudrait rattraper ça. Tout d'abord, un peu de tenue. D'un geste maladroit il tenta de dompter ses mèches sauvages histoire d'y voir plus clair. Quitte à y enfouir un peu d'herbes. Il réajusta sa tenue, s'empara d'un biscuit et réfléchit intensément.

" - Hum. Tu as un contrôle là-dessus ou c'est "juste" une leçon ? "
Question stupide pour gagner du temps : bien sûr qu'elle aurait un contrôle dessus. Psilantis n'était pas du genre à rigoler là-dessus. Donc il fallait y mettre un peu plus de sérieux. Il ferma le bouquin avec violence.

" - Bon tout ça, c'est de la merde en boîte ! "
Avant de se raviser.

" - Enfin on peut toujours utiliser les illustrations. Ne répète pas ce que je t'ai dis plus tôt, on va faire plus simple. "
Parce que oui, Alex s'était planté. En voyant le dessin (mal fait hein, c'est pas sa faute) il avait supposé que le tout se basait sur des astéroïdes ou autres conneries du genre. Après une brève lecture, il reprit.

" - En gros, une comète c'est une sphère qui peut être méga grosse. C'est composé de glace et de poussières je crois, et quand ça s'approche du soleil il lui pousse une queue. Tu as raison, elles existaient bien avant nous, et leur durée de vie est relativement courte. T'as des comètes qui vont chatouiller le soleil une fois dans leur vie, et d'autres qui ont des dates prévus régulièrement. "
Il espérait qu'expliqué ainsi, ça resterait dans la tête de la jeune fille. Un peu de mots clés, d'autres plus simples. Très imagé pour que ça s'imprime dans l'esprit de Chanel. L'essentiel était dit.

" - Et après (mais ça je suis pas sûr, j'en suis pas encore là) je crois que certains sorciers s'en servent pour différentes choses comme la divination. Et tu vois, c'est tellement stylé que c'est même une marque de balais ! T'as qu'à te servir de ça pour retenir son aspect : une boule pour le bout du balais, et le manche représente la poussière. Ça va mieux ? "
Petite pause, engloutissement d'un autre biscuit. Il fallait laisser le temps à Chanel d'emmagasiner, et de ressortir ses questions. Qui donneraient sûrement des sueurs froides à Alexander. Dans l'attente, il ramena ses genoux vers lui et s'allongea dans l'herbe pour contempler ce fameux soleil, dragueur à temps plein de comètes un peu faciles.

Chanel était touchante, et c'était quelque chose qu'Alexander gérait mal. Il ne savait comment réagir à un tel sentiment, au point d'en être perdu. Au début il aurait préféré l'oublier. Mettre ce sentiment dans une boîte et le jeter par-dessus son épaule. Et puis finalement il y avait renoncé. Quand on est gelé sur une banquise, on ne dit pas non à une petite flamme qui vous réchauffe tant le cœur que le corps. C'était ça qu'il ressentait à chaque fois que Chanel s'exprimait. Des mots plein d'innocence, de pureté, ... enfantin. Mais tellement légers ! Il n'était pas sûr de s'être bien fait comprendre, mais rien que pour ces raisons, il persisterait !

" - Évite de le chatouiller, tu connais le mythe d'Icare ? Je ne te recommande pas la chose, il me faudrait des heures de travail pour recoller les morceaux. "
Encore et encore des questions. De plus en plus pointues en plus. Il avait déjà perdu l'attention de la jeune fille. Il était difficile de la garder concentrer un certain temps, aussi Alexander décida que malgré le peu d'efforts fournis, ils pouvaient d'ores et déjà faire une pause. Il céda donc à ses métaphores, ne sachant pas exactement ce qu'il devait en penser.

" - J'ai une tête de comète moi ? Je ne sais pas s'ils sont amoureux. "
En revanche il ne releva pas la remarque sur Heaven. Qui pourtant était d'une justesse infinie. Il aurait pourtant ajouté qu'à l'inverse des victimes de leur amie, les comètes n'étaient sûrement pas impactées par les poussières. Car si les récits d'Heaven touchaient toujours son public, les pauvres cobayes qui en étaient les cibles digéraient généralement mal la chose. Il regarda la jeune femme se redresser et comprit aussitôt que c'était (encore) foiré. Décidément, quoi qu'il fasse il semblait impossible que Chanel s'en sorte.

" - Tu peux garder le comparatif avec Heaven dans ta tête, et te rappeler de cette histoire d'amour. Tu expliques qu'en gros une comète c'est un couple, composé d'une forte tête (la glace) et d'un cœur tendre (la poussière). Et quand ils s'approchent du soleil (donc de l'amour) il leur pousse une queue ... bah genre je sais pas, un gamin ou simplement qu'il leur pousse des ailes. "
Son comparatif lui semblait foireux. Genre, vraiment. Si même lui ne s'y retrouvait plus, il y avait peu de chance que ça match avec la jeune fille.

" - Ça ne porte que sur les comètes ton contrôle ? Au pire, essaie de dessiner tout ça sur ta trousse, ni vue ni connu. Des mémos que toi seule comprend, comme ça ça s'assimile pas vraiment à de la triche ! "
Bon, si, c'était de la triche. Mais la cause semblait désespérée, il fallait bien trouver une solution.