keep calm they can smell fear • alban

Alban, c'est d'abord une rousseur flamboyante et un mètre 80 enveloppé dans un costume qu'on dirait trop grand pour lui. La chemise épouse parfaitement ses épaules carrées et la cape vert émeraude fait ressortir la lumière dans ses yeux, et pourtant. Pourtant, c'est peut-être les épaules légèrement voûtée, ou le regard fuyant. Les sourires rares, les rires sauvages qui meurent dans un souffle. Alban a sans cesse l'air d'osciller entre cette personne qu'il voit refléter dans le Miroir du risèd et l'ombre pathétique qui gère ses cours comme ses notes : brouillonnes, volantes, sans consistance. À se demander qui est le reflet et qui est Alban, le vrai.

Alban n'est pas une mauvaise personne. Il n'est pas très courageux et il préfère toujours fuir les conflits plutôt qu'accepter la colère d'autrui. On ne sait pas comment il fait, avec une carrure pareille, mais il est toujours extrêmement discret. Il n'est pas asocial : il aime beaucoup discuter avec ses collègues et partager des expériences. Dans la salle des trophées, il y a une médaille de capitaine de Quidditch qui porte son nom. On a du mal à y croire. Alban ne parle que peu de lui mais il est clair que la curiosité est un de ses défauts, tout comme le calme est sa principale qualité. Il écoute plus qu'il ne s'exprime, et quand il le fait, ce n'est pas avec des mots. Les paroles se bousculent dans sa tête mais aux portes de ses lèvres font marche arrière. Il hésite, il trébuche. Préférera se murer dans le silence plutôt que bafouiller.

Il l'exprime maladroitement, mais il est très soucieux du bien-être de ses élèves. Il se désole quand l'un d'eux a de mauvaises notes dans sa matière. Il est distant mais très gentil, en vérité. Ce n'est pas un mauvais professeur. On sent qu'il connaît son sujet et qu'il a plus d'expérience que ce que ses cours barbants et monotones laissent penser. Ses timides incursions sur le très défendu territoire de ses anecdotes personnelles, ou simplement ses bras parsemé de fines cicatrices, qu'il dénude sans plus y penser, trahissent un savoir pratique avant d'être théorique. Alban a été sur le terrain, ça se sent. Il a une façon bien à lui, très calme et pragmatique, d'aborder les imprévus. Malheureusement ce n'est pas quelque chose qu'il applique dans ses cours et, mis à part quelques exercices pratiques qui visent à prouver à ses élèves que la Transmutation est une vraie discipline de la magie, on ne peut pas dire que ses classes soient les plus animées. Il n'a pas l'autorité des grands professeurs expérimentés. Heureusement il n'enseigne pas aux jeunes années. Les élèves l'effrayent, pour ce qu'ils représentent de jeunesse sauvage et de spontanéité. Pour ces remous qu'ils provoquent en lui, qui finissent par atteindre ses yeux dans un sursaut de fierté. L'éclair de colère qui en émerge, aussi violent que bref, est suffisant parfois pour obtenir un silence prolongé. Mais l'émotion se retire invariablement comme une vague qui aurait léché de trop près le rivage. Alban ravale la houle et l'arrogance.

On le croit timide ou embarrassé. On a tort : Alban a peur. Ce n'est pas flagrant, ce n'est pas avoué, c'est aussi subtil que le parfum délicat mais insistant d'une fleur fânée. Plus le temps passe et plus c'est difficile de l'ignorer.

Il y a un problème.

Un malaise.

C'est peut-être ce qui rend les élèves globablement peu emballés à l'idée d'entrer en salle de Transmutation.
Ou alors, c'est la poussière et l'odeur de renfermé. Allez savoir.

Le fait est qu'Alban inspire moyennement confiance, ce qu'on ne peut lui reprocher quand on voit à quel point il semble en manquer.

Difficile en effet de se faire apprécier quand on a l'air de lutter au quotidien pour ne pas s'écraser sous la pression de sa propre culpabilité.