Coincé dans un placard. [pv. Soleil]

La suédoise s’était levée du bon pied ce matin. En ce début d’octobre, elle se sentait bien. Mieux, en vérité. Sans doute cela paraîtrait idiot pour certaines personnes, mais Soleil avait le coeur léger, depuis quelques temps. Les coeurs légers. Elle avait réussi. C’était à la rentrée ; son palpitant s’était divisé et le jaguar avait fait surface. Bon, la bienséance et la volonté de garder ça secret, malgré les évènements de septembre, l’empêchaient de s’évader comme elle l’aurait souhaité. Le félin n’était pas franchement un animal qui passait inaperçu.

Mais qu’importe : la satisfaction de ce projet mené à son terme, le premier de sa vie, suffisait à la soulager, à lui insuffler une dose de courage pour affronter sa journée. C’était ça, son but. Avoir l’impression qu’elle avait le contrôle. Si la vie se montrait trop pénible, si sa résistance se révélait trop usée, Soleil avait le choix. Elle pouvait fuir.

La serdaigle se dirigeait vers sa salle de cours quand une demoiselle l’interrompit. Heaven. Elle haussa un sourcil. Ok, elles se connaissaient un peu, mais que lui voulait-elle, de bon matin ? Peut-être cherchait-elle Bertram… Soleil les avait aperçus dans la salle commune, avec beaucoup d’étonnement d’ailleurs. Les activités principales d’Heaven se résumaient à écrire des fictions plus que discutables et complètement infondées sur des élèves qui n’avaient rien demandé. En y réfléchissant, quand on connaissait Bertram, rien ne semblait illogique. S’offrir une place dans les petits papiers d’Heaven, c’était s’assurer qu’aucune histoire douteuse ne sortirait sur soi. Bertram devait bien l’avoir compris.

Dans un soupir, Soleil accepta de suivre malgré elle son interlocutrice, qui prétextait avoir quelque chose à lui montrer. La seconde d’après, elle se retrouva coincée dans le placard à balais. « Heaven ! Reviens ! Sors-moi d’ici ! » La brune tapait vigoureusement contre la porte, poussant la voix en priant que quelqu’un l’entende, ou que sa geolièe changerait d’avis. Quelle mouche l’avait piquée ? Soleil avait fait quelque chose de mal ? Elle se posait très sérieusement la question, réfléchissant à ce qu’elle aurait pu glisser de déplacé. On ne traitait pas les gens ainsi sans raison, tout de même…

Bon, il était clair qu’Heaven ne reviendrait pas. La main de la prisonnière cherchait sa baguette dans sa poche. Une fois. Deux fois. Puis dans l’autre poche pour être sûre. Elle était désarmée. « La garce. » Heaven avait volé sa baguette. Soleil ignorait comment elle avait pu réussir un tour de passe-passe pareil mais Heaven avait bel et bien volé sa putain de baguette.

Après la surprise, son second réflexe fut de dégainer son téléphone. Appeler Bertram au secours (encore) ou demander à Nassim d’aller flanquer la trouille de sa vie à la demoiselle. Soleil lâcha un nouveau juron. Il n’y aurait rien de tout ça : zéro réseau. Elle s’assit tant bien que mal ; il allait falloir prendre son mal en patience.

Soleil ne saurait pas dire combien de minutes s’étaient écoulées jusqu’à ce que du bruit se fasse de nouveau entendre près du placard. Le temps avait été très long. Le félin bondit, aux aguets. Elle reconnut la voix d’Heaven. Ca y est, elle avait fini son petit jeu stupide ? Pour toute réponse à ses interrogations silencieuses, la geôlière ouvrit la porte pour y pousser un garçon, visiblement de leur maison. Avant que les deux victimes n’aient le temps de comprendre et de réagir, la peste les enferma à nouveau, leur confiant une partie de son plan.

« Je reviens vous chercher à 18h30. Autrement dit dans 10h, a plus les losers. »

« Qu-quoi ? HEAVEN, reviens ici TOUT DE SUITE ! » Le jeune homme tambourina à son tour contre cette pauvre porte. « Tu vas te faire mal, arrête. Elle reviendra pas. »

Soleil grinçait des dents. C’était bien joué de sa part. Sûrement une de ses expériences douteuses pour stimuler son imagination. La brune s’adossa au mur en se massant une tempe. Elle était terriblement agacée.

« Ouais. Salut. Je pense même qu’on va y passer la journée. C’est Soleil. » Elle haussa les épaules. Après tout, ils allaient visiblement passer longtemps ici, alors autant passer rapidement l’épisode barbant des présentations. « Soleil Nilsson, 19 ans, deuxième huitième année en licence d’étude des créatures magiques et aussi gardienne de l’équipe de quidditch. Célébrité et victime favorite du stupeshit. Je préfère te prévenir, cette aventure dans le placard sera bientôt leur nouveau fantasme. Owen, c’est ça ? »

Soleil lui tendit finalement la main, un sourire mi-figue mi-raisin coincé sur ses lèvres. Sa journée qui commençait si bien. « Désolée, je parle beaucoup. » Ca allait être long. Très long.

A son tour, Soleil écoute attentivement le garçon. Apparemment, c’était sa faute s’ils se retrouvaient là. Bon, non, c’était surtout la faute d’Heaven. Mais si elle était en froid avec lui, Soleil n’était qu’un dommage collatérale, au final. Ca l’arrangerait beaucoup. Parce-qu’elle n’avait jamais rien fait à Heaven, et elle serait attristée de savoir que cette punition lui était destinée. Parano, aussi, à ressasser tout ce qu’elle aurait pu lui faire (ce qu’elle avait déjà fait, en fait).

Elle hausse les épaules. Ça ne l’amusait pas, pas vraiment. Le Stupeshit avait fait courir de nombreuses rumeurs sur elle, pas toutes fausses, d’ailleurs. Pour une fois qu’elle se tenait tranquille, elle allait quand même se retrouver sur ce torchon.

« Du coup, c’est de ta faute, ce merdier, hein ? » Soleil tente un sourire ; ce n’était qu’une moue à peine enjouée. Elle venait de le rencontrer, après tout, elle ne pouvait pas tout lui décharger sur le dos. Il y avait forcément quelque chose qu’elle avait fait qui avait mis Heaven en rogne. C’était certain. Elle avait cru comprendre que cette dernière ne choisissait jamais ses victimes au hasard.

Un très long soupir s’échappe de ses lèvres, tandis que ses épaules s’affaissent. Ils allaient passer longtemps ici. Au moins quelques heures. Il valait mieux chasser sa mauvaise humeur de suite et rendre l’enfermement plus agréable pour tout le monde. Elle est surprise, Soleil, quand Owen pose sa question sur sa célébrité. Elle a dit ça, elle ? « Oh, non, non, je me suis mal exprimée. Dans le stup, je disais. Parce-que y’a toujours un truc qui traîne sur moi. » Une grimace de malaise déforme son visage. Meilleure entrée en la matière pour faire connaissance avec quelqu’un. « Bon après, je fais partie de l’équipe de quidditch, hein, mais je suis pas LA célébrité ici, hahaha, je laisse ça aux capitaines, tu vois. »

Il lui fait de la peine, Owen, à Soleil, collé contre cette porte pour ne pas la toucher, comme si elle avait le galle. Il lui vient une idée. « Tiens, et si on s’asseyait, là ? Genre toi dos contre le mur de droite, moi contre le mur de gauche, et nos jambes côte à côte ? Histoire qu’on soit à peu près “à l’aise” ? Parce-que je passe pas la journée debout, moi, hein. » Ca se trouve, il ne voulait peut être vraiment pas la toucher. Peut-être hypocondriaque, le type ?