Les événements comme Noël, Pâques, la nouvelle année ou encore la Saint-Valentin, étaient toujours mémorables à Poudlard. C’était inscrit dans les gênes du château ; toutes les fêtes se devaient d’être grandioses. Tous les élèves se prêtaient au jeu et même les membres du personnel, certains rechignant plus que d’autres, participaient. Par ailleurs, il existait une célébration particulièrement marquante car elle imposait à tous les participants un déguisement qui se voulait inoubliable. En effet, quand il s’agissait d’Halloween rien n’était fait à moitié. Cette année encore, la fête promettait de prendre des proportions fameuses, qui resteraient dans les mémoires et alimenteraient les discussions de couloir jusqu’au mois de décembre.
Lorsque tu avais reçu ton costume imposé, tu avais fait la moue. Les aliens ne t’inspiraient pas plus que ça. De plus, dans l’imaginaire collectif les extraterrestres étaient bien souvent verts et possédaient une caractéristique physique peu ragoutante comme des tentacules, un cerveau hors d’une boite crânienne ou encore d’épaisses lèvres dégoulinantes de bave. Certes, tu étais prête à accepter de porter un déguisement comme le voulait la tradition, mais il était hors de question d’être ridicule. De ce fait, tu avais pris soin de travailler ton personnage, mettant en avant une certaine forme d’excentricité tout en n’oubliant pas de rester classe. C’était donc toute habillée d’argent, ton épaisse chevelure brune transformée en une crinière grise et avec un maquillage saisissant, que tu t’étais dirigée vers les cuisines, à la recherche d’une douceur.
Tu avais vite trouvé ton bonheur en ce soir de chasse à la sucrerie ; une boite contenant un assortiment de chocolat semblait n’attendre que toi. Sans demander la permission, tu te servies allégrement dedans. En remettant les escaliers pour te rendre au septième étage, tu en mangeas plusieurs. Le dernier que tu mis en bouche comportait une liqueur amère que tu avalas à contrecœur. La friandise n’était pas spécialement bonne et elle laissait un arrière goût peu agréable. Au début, tu ne senties rien, à part une douce chaleur qui envahissait tes joues et les firent rosir. Les escaliers magiques continuaient à se mouvoir tranquillement et quelques mètres au dessus de toi, lorsque tu levas les yeux, tu tombas sur la plus jolie chose qui soit : Lilibel.
Jamais ses cheveux blonds ne t’avaient apparu si lumineux. Sa peau semblait appeler aux caresses et ses lèvres aux fougueux baisers. Il te vint à l’esprit qu’elle était délicieuse. Son corps svelte et musclé était fait pour l’amour. Tu étais attirée par elle comme par un aimant. Tu ressentais le besoin impérieux de la toucher. Elle dégageait un magnétisme que tu ne pouvais ignorer. Tu montas donc les quelques marches qui vous séparaient et tu attrapas son visage en coupe.
« Tu es superbe, ma douce. » Tu plaquas ton front contre le sien, sans la lâcher. « Plus je te regarde, plus je te veux. »
Jamais ô grand jamais, tu n’avais ressenti ce genre d’attirance fulgurante. Il n’y avait plus que Lilibel pour toi. Alors que tes yeux se voilaient d’envie, que les battements de ton cœur s’accéléraient et que ta réserve si Hazelesque disparaissait, tu te collas contre elle. Incroyable comme vos corps semblaient s’harmoniser à la perfection, c'était un signe !
Elle te repoussa doucement, prenant tes avances pour une plaisanterie. Sans que tu saches trop pourquoi, cela te fit mal au cœur et tu senties les larmes te monter aux yeux. Tu avais beau te sentir mal et ne pas te reconnaître, la petite voix qui te disait 'tu es ridicule, reprends toi', ne parvenait pas à t'atteindre. C'était comme si quelqu'un d'autre empruntait ton corps et tes mots et que tu te retrouvais contrainte à assister à ce grotesque spectacle de très loin, sans pouvoir intervenir.
Tes mains s'accrochèrent à celles de Lilibel et comme dans une de ces affreuses comédies romantiques moldues qu'Adelys t'avais obligée de regarder, tu les posas contre ta poitrine. « Ne sens-tu pas comme mon cœur bat pour toi ? » Tu ignorais d'où tu sortais pareilles répliques, mais c'était de pire en pire. « Ne me repousse pas, ça me fait trop mal. » Et voilà que de grosses larmes de crocodiles se répandaient sur tes joues tandis que ce qui te restait de fierté disparaissait dans le néant. « Je n'ai jamais ressenti ça pour personne ! » Désespoir et exaltation se mêlaient sans peine à ce moment précis.
Tu trouvas le moyen de plaquer la rouge et or contre la massive rambarde de l'escalier. Tu portes sa main droite à tes lèvres. Tu posas un baiser sur les doigts fins. Les yeux étrangement brillants et le souffle court, tu continuas sur ta lancée : « Je ferais n'importe quoi pour toi. » Tu la lâchas enfin pour t'incliner devant elle comme le ferait un chevalier devant sa dame de cœur. « Dis moi ce que tu souhaites et je t'exaucerais. »
'Au secours !' criait ton semblant de conscience, atterré par ce qui était en train de se produire. Comme pour souligner tes dires, tu posas contre sa paume divers sucreries que tu avais piquées dans les cuisines comme s'il s'agissait de pierres précieuses.
Si la nouvelle toi, aussi loufoque que grotesque, se sentie désœuvrée par le rejet de Lilibel. La véritable Hazel, actuellement en train de se noyer dans un océan de barbes à papa, remerciait à grands cris la perspicacité de ta lionne d’amie. Celle-ci avait compris que tu n’étais pas dans ton état normal ; encore heureux ! Toi aussi, tu te sentais sous l’emprise de quelque chose sans pouvoir définir quoi. C’était comme si tu ne parvenais pas à remonter à la surface de ta propre raison. Pendant que tu te débattais en toi-même, de ta bouche sortait encore de nouvelles âneries d’une mièvrerie rarement atteinte.
« Ne te fâche pas, ma douce. Je suis juste en proie à l’amour ; tu m’apparais désormais comme une évidence. » Tu enlevas enfin tes mains de son visage, penaude. « J’irais où tu voudras tant que tu restes à mes côtés. »
Tu reculas un peu, lui laissant ainsi plus de place. La chaleur qui t’envahissait jusqu’à lors semblait s’atténuer peu à peu. De fiévreuse tu étais passée à fébrile. Tu tanguais toujours un peu sur tes jambes et mais la seule chose que tu voyais encore clairement, c’était bien Lilibel.
Elle sembla songeuse un instant, en proie à ses propres démons. Pendant ce temps là, tu te senties un peu nauséeuse. C’était comme si tu sortais petit à petit à la tête de l’eau tout en étant encore sous emprise. Tu avais toujours affreusement chaud et ton cœur battait plus rapidement que d’habitude. Tu percevais tous les détails de son visage, les moindres reliefs de sa peau pâle, le moindre grain de beauté. Tu restais très sensible à sa présence. Tu continuais à sourire béatement, tes yeux étrangement voilés posés sur elle.
Tu senties sa main se glisser dans la tienne. Ce contact te ramena à la réalité. Tu clignas des yeux, un peu perdue. Tu ne parvenais pas à mettre de mot sur cette sensation. Tu ressenties juste une vague de soulagement quand vos doigts s’entremêlèrent. Elle paraissait bien décidée à t’emmener à l’infirmerie. Intérieurement, tu ne pouvais que t’en réjouir ; tu étais persuadée que quelque chose ne tournait pas rond chez toi. Tu accrochas alors à son bras, te laissant guider.
« Ce que tu es jolie Lili. »
Et il y avait dans cette phrase toute l’honnêteté du monde.
Tu ne pouvais qu’être d’accord avec elle. Tu étais bien sous l’emprise de quelque chose. La question était de savoir quoi. Mais pour le moment, tu n’avais pas encore récupéré toutes tes facultés. Tu évoluais encore dans un brouillard opaque. Tu la laissas te guider au travers des dédales de couloir du château, main dans la main, rêveuse. Il n’y avait rien de plus agréable que de la sentir si proche et en même temps si éloignée. Même si ce qui s’était passé ce soir n’avait pas grand sens, te retrouver ainsi aux côtés de Lilibel restait plaisant.
La porte de l’infirmerie s’ouvrit sur Othello. Il te dévisagea longuement, un sourcil haussé. Ton amie lui expliqua la situation tandis qu’un sourire goguenard se dessinait petit à petit sur son visage. Tu étais certaine qu’il ferait tout pour que tu n’oublies pas ce moment. Il ne lui fallut pas longtemps pour établir un diagnostic. Il te tendit une fiole que tu avalas sur le champ, sous le regard mi-inquiet mi-rassuré de Lilibel. Tu reconnues parfaitement la solution qu’il te proposa en médicament ; tu ne faisais pas partie du club de potions pour rien. Un philtre d’amour. Un satané philtre d’amour. Tandis que le liquide ambré circulait en toi, tu sortais petit à petit de la torpeur langoureuse qui t’habitait jusqu’à lors.
Quelques instants plus tard, tu te prenais la tête entre les mains. Tu étais morte de honte. L’embarras et la colère se mêlaient en toi, te laissant pantoise. « Je vais bien. Je suis juste honteuse. Je ne me comporte jamais comme ça. » Ta voix était rauque comme si jusque là ce n’était pas vraiment toi qui parlait. « Je te demande pardon, vraiment. » Tu redressas la tête, plantant tes yeux sombres dans les siens, si clairs. « Je n’étais pas dans mon état normal » renchéris tu, mal à l’aise.
Elle eut l’élégance de te promettre de n’en parler à personne. « Merci Lili, merci beaucoup. » Tu lui étais sincèrement reconnaissante. « Si j’ai pu te blesser, je m’en excuse. » La lumière se fit dans ton esprit brusquement lorsque tu te repassas les évènements dans ta tête. « Surtout ne touche pas aux sucreries que je t’ai donné ! C’est la seule chose que j’ai ingéré ce soir et c’est après en avoir mangé, que j’ai commencé à me sentir bizarre. » Tu commençais à y voir de plus en plus clair. Tu étais bien décidée à retrouver l’impudent qui s’était joué de toi. Tu te massas les tempes, aussi furieuse que gênée. Il te fallut encore quelques minutes avant de reprendre contenance. Soucieuse et reconnaissante, tu ne tardas pas à reprendre la parole :
« Il y a une chose qui était vraie par contre » ajoutes-tu dans un doux murmure. « Tu es jolie Lili. » Et ça, c’était une vérité que personne ne pouvait nier, philtre d’amour ou pas.