le noel du grand renard /solo

tu avais noué ton cou avec cette vieille cravate décolorée ; un vieux tissus, celui qui avait fait de toi le plus beau des enfants, il y a de cela presque douze ans. la nostalgie, première de tes invitées, aimait glisser sur tes épaules le poids des souvenirs, mais, robuste, tu aimais les porter. alors tu te rappelais ton sourire prépondérant qui brillait sur la famille, ta joie nerveuse lorsque tes yeux heureux scrutaient le grand sapin décoré. il y avait tant de blanc, tant de rouge, tant d’or sur cet arbre ! il était à ton cœur ce que les étoiles sont au ciel, précieuses, lumineuses. ta voix plus aiguë époumonait tes petits poumons, tu voulais crier à noël de se dépêcher, que tu attendais depuis déjà un calendrier de chocolat, et que cette nuit c’était trop loin, il fallait que ce soit maintenant, qu’après avoir battu une unique fois des cils, les cadeaux tombent comme la pluie, en une rivière de surprises… et tu criais, renard. tu aimais tant hurler, ta joie, tes sentiments, tes pensées, ta vie, oui, tu hurlais ta vie. comme tous ces enfants qui aiment respirer l’air bien trop souvent pollué, tu aimais vivre. douce maman fatiguée par tant de batifolages abandonnait tant de réprimandes, mais tu l’aimais justement pour ces concessions. puis, prenant congé de cette vieille amie, nostalgie, tu déposes devant ton appétit ton propre repas. ce n’était que quelques tranches de dinde et six radis crus, mais c’était ton propre festin. les grands plats qui s’étendaient sur cinq assiettes ne te manquaient pas. tu trouvais le temps long et les conversations d’adultes éreintantes, oui, rien ne t’amusais durant le dîner. personne ne trouvait le sujet qui piquerait ton attention, et le peu d’intervention que tu t’autorisais, pleines d’ambition, n’étaient pas écoutées. alors t’attendais, sagement dans l’impatience, que minuit sonne, que tes draps te cachent du gros monsieur rouge, et qu’en revenant près de ton arbre royal, les boîtes fusent scellées par des rubans.

ce sourire qui anime alors tes lèvres gercées, c’est l’aubaine retrouvée. il y a avait dans ta tête beaucoup de noirceurs mais tu n’ignorais jamais ces tâches d’amour qui viennent parfois te dire que tu es capable. les jours qui se lèvent, les nuits qui tombent d’elles-mêmes, tu ne renonçais jamais à regarder l’horizon sans négliger ces quelques événements qui te bâtissent depuis le passé. outre ce bel arbre et ces repas à rallonge, demeure, et plus fort encore, la chaleur perdue des étreintes aujourd’hui refoulées. en fermant tes yeux gonflés par les sanglots, tu vois monsieur leroy te porter contre son cœur, il te rassurait toujours lorsque la neige semblait dominer ta vieille cheminée. presque fou à l’idée que tes rêves ne se réalisent pas, tu le suppliais « papa, papa, enlève toute la neige ! », car sa magie tu t’en souviens, pouvait redonner au toit immaculé, la splendeur de ses tuiles. bien souvent et pour faire taire le bavard renard que tu étais, il agitait sa baguette. plus loin ta mère soupirait, mais t’étais toujours trop obnubilé par l’esprit de noël pour penser à ses tracas, après tout les tiens dominaient ceux du monde. tu étais un enfant terriblement égoïste, mais c’était pour briller un peu plus, c’est tout… quel énergumène, tu te souviens ? et après toutes ces choses qui donnent au vingt-quatre décembre la splendeur de noël, tu retrouvais après minuit, tant de cadeaux. il y avait la voiture à fabriquer que tu convoitais depuis déjà quatre mois, et ce circuit, génial ! tu pouvais combiner les deux ! dans d’autres boites plus petites se cachaient quelques babioles, la vieille bague de grand père, un collier d’or, et puis quelques broutilles magiques qui vivent d’elles-mêmes, mais, toi, tu préférais vraiment la petite voiture et son circuit. c’était un vieux noël, celui de tes sept ans. tu ignorais l’impact de la magie et déjà à l’époque, la banalité te séduisait plus que l’extraordinaire. tu savais renard, tu savais déjà que ta place était près des moldus, loin des ténèbres…

tes yeux s'ouvrent de nouveau au présent, et tu contemples un instant tes belles chaussettes. souvenirs. elles étaient si petites, désormais… le ridicule titillait tes pieds mais la mélancolie l’emporte et tu les aimes toujours autant, tes petites chaussettes couleur soleil. mais, bien assis dans un coin de tour, tu laisses de côtés tous ces souvenirs qui firent de toi le bon renard, et tu embrasses, dans la solitude la plus incommode, ton énième noël en solitaire.

« joyeux noel à moi tout seul… »