trop jeune pour dormir + magnolia

sur ses lèvres résonnaient un drôle d'écho. un drôle d'écho d'autrefois, quelque chose qu'il avait pourtant oublié pendant au moins quelques temps, quelque chose qu'il niait au plus profond de lui et qui l'empêchait ainsi de se morfondre comme il le fait maintenant - la gorge serrée par des sentiments indésirables, les mains tremblantes sous un désespoir qui ne cesse jamais de croître, ulysse a rarement été aussi vulnérable depuis sa quinzaine passée. c'est étrange de se rappeler de la vigueur d'une passion arrachée, du trou béant qui grandit et qui avale toute parole raisonné. il a peur.

il a peur car ulysse est censé être une statue n'est-ce pas..? une figure, un héros, un titan - c'est lui qui porte la terre et non pas l'inverse. c'est lui qui soulève l'existence d'autrui, le contraire n'est plus concevable il ne peut pas imposer ce froid si grand qu'il pourrait en crever, il ne peut pas - c'est lui qui porte la flamme... il ne peut pas flancher sans déclencher des incendies car on ne le connaît pas fragile - avec ulysse c'est juste alarmant qu'il soit juste maussade ou bien triste, car il ne l'est jamais. il est raisonné. il est bon. il est fort.
son intimité se résout à s'enfermer dans des toutes petites pièces pour son corps très grand, et à sangloter - puis après ça va mieux. après il peut dire à la psychologue que tout va bien, et à l'infirmier aussi, que tout est parfait dans le meilleur des mondes.
non ulysse n'a pas besoin d'aide c'est ce qu'il s'efforce à croire pour se protéger et ne pas décevoir.

mais parfois, ah il y'a ces moments, ou même lui, le plus grand des croyants de sa propre impassibilité n'arrive plus à y cesser d'y penser.
il ne peut pas hurler dans la chambre. il ne peut pas aller dans celle de marie-lou. ni dans celle de shion. ni dans celle d'huyana.
il aurait trop peur, trop peur de voir l'inquiétude sur les minois déformés par l'humanité.
il pourrait rester seul avec lui-même mais il commence à se ronger, l'amour qu'il a porté à archibald agit comme un poison maintenant et brûle peu à peu son épiderme - il a envie de l'arracher. il a envie d'arrêter d'exister.
rien qu'un instant...


il y'a dans cette école un seul endroit où ses flots sentimentaux peuvent couler sans peine, entre humanité et sauvagerie - un lieu sans responsabilités car tu ne flanches jamais à l'idée de ses chagrins. son désarroi ne semble te peser et ça lui est drôlement rassurant.
ulysse n'a que dix-sept ans mais c'est un adolescent aux codes adultes, formaté pour résister à toutes les intempéries - oui cela fait longtemps qu'il a oublié qu'il avait le droit d'être égoïste.
alors quand il toque nerveusement à la porte, démasqué, semblable aux monstres sans minois des nuits très noires, on lui donnerait tout l'or du monde ou le fuirait. il grelotte de froid car il seulement enfilé un de ses grands pulls qui cachent tout, juste au-dessus d'un haut en coton. il est piteux, c'est un ramassi de chair vive qui compose un être humain - quelque chose d’horrible qui ferait même de l'ombre sous un ciel d'encre, si bien qu'on ne le devinerait pas.
il toque sans s'arrêter, frénétiquement. boum boum boum boum boum… ça le rassure d'entendre le bruit du cognement, du choc entre lui-même et ce qui l'entoure.
alors quand tu ouvres il aimerait sourire comme les gens très pincés par la tristesse sourient, avec beaucoup de peine pour faire un barrage à l'angoisse, mais ulysse ne sourit jamais. comme il ne fronce pas les sourcils.
salut. c'est la seule chose qui sort de sa bouche.
ça ne va pas, ça ne va pas du tout - rien que dire un mot ça le bouleverse tout simplement, rien que de te voir là face à lui- ah c'est terrible, terrible d'avoir dix-sept ans et un coeur trop grand.
il reste planté là, figé. son corps se tend imperceptiblement vers toi, ses doigts s'étirent inconsciemment parce qu'il voudrait t'étreindre là ici sur le pallier. il voudrait pleurer sur ton épaule mais il reste là, immobilisé par une ignominie le fragilisant.
il a un soubresaut. la simple salutation a ouvert les vannes alors il se met à pleurer dans un gémissement misérable - il a froid et il est fatigué. il est usé jusqu'à l'os et il a terriblement besoin de toi.