Are you hiding something ? || Béééé Leszczyński

 

Cela suffit comme ça. Tu entends trop de rumeurs, rien de confirmé, et il te semble depuis un moment déjà, que Geoffrey a la tête dans la lune. 
Alors tu as décidé de prendre les choses en main et c'est pour ça que tu attends en haut de la tour des Serdaigles que la jolie tête de Béring fasse son apparition.  
Le flot d'élèves passe à côté de toi pour disparaître dans leur salon commun. C'est l'heure ou la majorité finit leurs cours, alors il y en a beaucoup. Tous les regards se tournent vers toi d'ailleurs, mais les bleus ne sont pas dupes. "Vélane" est un des mots les plus répétés dans cette cage d'escaliers décidément. 
Mais eux, ils sont insignifiants, et tu ne te prends pas la tête. Habituellement tu aurais envoyé un message à Béring seulement tu as oublié ton portable dans ta chambre ce matin et tu avais la flemme d'y retourner. Maintenant tu en payes le prix.  
Les échos des voix résonnent dans la tour vide, servant uniquement de passerelle à escaliers pour atteindre la chambre commune des bleus.  
Et puis soudain, parmi tant d'autres visages, tu aperçois les côtés rasés de la chevelure de Béring. Et tu te décolles du mur, brusquement, faisant peur aux quelques premières années qui passaient par là. Tu t'approches du jeune homme et l'attrape par le col sans ménagement, le collant contre le mur et descendant sa tête afin que ses yeux soient au niveau des tiens.  
Quelques têtes se retournent et vous regardent, mais tu les ignores. 
 
  Béring, je te pensais mon ami. Pourtant il semblerait que tu me caches des choses, est-ce vrai ? Je pensais que les secrets, tu n'aimais pas ça pourtant ?  
 
Tu le lâches enfin, juste pour pouvoir mettre tes mains sur tes hanches et l'observer d'un air interrogateur. Tu le connaissais prévenant et pas insouciant.  
Que se passe-t-il avec tes amis ces derniers temps bordel ? Tu as l'impression qu'ils n'ont qu'amour en tête. 
Puis tu te rappelles Fallen. 
Et tu gardes ta réflexion pour toi. 
   

 

 

Il est surpris par ta présence ici, comme s'il espérait solitude et que tu avais brisé ses rêves fous. Il a sale mine et baisse les yeux. Tu te recules un peu, attendant que les élèves disparaissent. Un silence confortable, peu perturbé, s'installe dans la cage d'escaliers lorsqu'il prend finalement la parole.
Ton sourcil se hausse. Compliqué ? Cela ne peut être pire que ce qui t'arrive, voyons. Pourtant tu laisses un rire étrange échapper de ta gorge. Après tout, il vient de se vendre tout seul.

Alors c'est vrai. Je n'en était pas sûre mais tu vient de me le confirmer, Béring. Que se passe-t-il donc entre toi et Geoffrey ? Pourquoi tu ne m'as rien dit plus tôt ?

Tes yeux sondent son visage. Il a des cernes et ses traits sont tirés. Soudainement, c'est comme si tes yeux n'étaient plus voilés - tu attrapes son épaule et tu le blottis contre toi. Il est malheureux, ça saute aux yeux. Qu'a-t-il bien pu se passer ?

Il t'a fait du mal ?

Tu ne sais pas à qui irait ta loyauté, tu sais juste que tu les aimes aussi fort l'un que l'autre. Alors les voir ainsi tristes, cela te fend le cœur. Tu veux juste qu'ils soient joyeux, ce n'est pas trop demandé quand même ? Et puis, avec ce que t'a dit Felix, tu sais à présent à quel point certaines choses sont simples à résoudre comparé à ce que vous vivez, Felix et toi. Alors tu te dis, tu sais, que tu peux trouver une solution. Ou pousser ces abrutis qui te servent d'amis à trouver une sortie de secours qui les guiderait au bonheur.
Enfin, peut-être pas au bonheur. En caressant la tête de Béring, tu te demandes si c'est un objectif qui peut être atteint, mais tu en doutes légèrement.
En tout cas, s'il existe, il n'est qu'éphémère.
   

 

 

Une seconde.
...
Quoi ?
Tu te recules vivement. Il a l'air d'avoir besoin de ton étreinte, là, desuite, mais d'abord tu dois au moins essayer de comprendre.
Il avait bien dit "baiser" ? C'est trop pour toi, beaucoup trop. Tu gardes une main sur son épaule pour le tenir à bout de bras et tu détournes la tête.
Sur tes lèvres on peut lire que tu comptes jusqu'à dix pour essayer de te calmer. Ne serait-ce qu'un minimum.
Tu connais Geoffrey. Tu penses connaître Béring un petit peu au moins au vu des années que vous avez passé ensemble à foutre la merde. Alors niveau "je lui ai fait du mal" et vice versa, tu es à peu près certaine que c'est un gros malentendu.
Une fille bien roulée passe et tu t'engages derrière elle dans la salle commune des bleus, le polonais tiré de force derrière toi. Quelques yeux se tournent vers toi mais les Serdaigles te connaissent déjà - parfois tu viens lire quelques ouvrages disposés sur leurs étagères.
Tu attires ton ami vers un canapé un peu éloigné du reste du monde et l'y fait asseoir. Tu te mets à côté de lui, ta main attrapant les siennes pour pas qu'il ne se dérobe.

Explique moi tout Béring. Je ne savais pas que vous... Aviez une relation si poussée. Dis-moi ce qui t'arrive.

T'en est presque à lui faire les yeux doux pour qu'il se confie à toi.
Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer pour eux ?  

 

 

Il semble prêt à fuir, mais sait que tu le rattraperais. Ses joues se sont empourprées de gêne dès qu'il commença à parler. Sa voix au début amère et ironique prends une teinte mélancolique lorsqu'il t'explique comment ils en sont arrivés là.
En effet, tu te souviens le match où votre équipe cherchait Geoffrey en vain. Il avait décidé de prendre sa douche plus tard afin de s'épargner les bousculades avec les membres de l'autre équipe. Tu hoches la tête, comprenant parfaitement ce qu'il insinue.

Vous avez donc couché ensemble.

Une affirmation pour ponctuer ses dires et pour être certaine que tu ne te trompes pas sur ses non-dits. Il continue, après s'être installé plus confortablement, et ta mâchoire se décroche.
Il a entendu des rumeurs et les a écoutées ? Tu es tellement stupéfaite que tu ne réagis même pas. Tu ne pensais pas Béring capable d'être aussi naïf. Et les rumeurs à ton sujet il les a écoutées aussi peut-être ?
Il dit qu'il a pointé sa baguette sur lui et ton cœur se serre. Pauvre Geoffrey. Il a du vivre un sale quart d'heure. Tu recules tes mains de celle de Béring et soupires profondément.
Et puis tu le gifles.

Tu sais ce qu'est une rumeur Béring ? C'est quelque chose que les gens ont inventé par jalousie pour pourrir la vie des autres. Dis-moi, tu crois réellement que j'ai couché avec tous les membres de mon équipe ? D'ailleurs c'est sûrement ça que tu as entendu, non ?

Sur sa joue la trace de ta main s'efface déjà. Tu ne l'as pas fait fort, tu ne voulais pas lui faire mal. Juste lui faire comprendre deux trois choses.
Tu secoues la tête et fixe le plafond avec espoir qu'un éclair viendra foudroyer l'abruti assis à côté de toi.

Tu lui as au moins dit ce que tu lui reprochais ? Ou tu l'as juste accusé sans t'assurer que c'était la réalité ?

Tu penses connaître la réponse, malheureusement. Les histoires de cœur, ça commence à te lasser sérieusement. Tu as l'impression que tout ne tourne qu'autour de ça. Que plus personne n'est capable d'objectivité.
Pas même toi.   

 

 

Un murmure à peine et tes traits se décomposent. Tu t'aperçois que finalement, Béring est juste perdu, qu'il a peur. Peur d'avoir fait face à un beau rêve. La seule chose qui lui paraît logique pour expliquer la chance qu'il a eu, c'est bien le fait que ce n'était rien qu'une illusion.
Ses propos sont durs, pour lui-même autant que pour toi, bien que sa voix soit dénuée de toute émotion. Tu sens une pointe de culpabilité se pointer et tu détournes les yeux. C'est vrai que tu l'as un peu attaqué, au moment où il n'en avait pas besoin. Au moment où il aurait plutôt nécessité un simple ami, une oreille pour l'écouter. Il dit regretter et tu te demandes ce qui est à l'origine de cela. S'il regrette l'emportement ou s'il regrette d'avoir fait la rencontre de Geoffrey.
Tu lui lances un regard alors qu'il se tourne vers toi, ses yeux emplis de larmes. Tu sais que pour ton gardien tout cela n'avait pas été une simple histoire. Tu sais que c'était plus. Sinon jamais tu ne t'en serait aperçue s'il n'agissait pas différemment de d'habitude.
Tu ouvres ta bouche pour le lui dire, pour le rassurer que le Jo' que tu connais n'est pas le connard qu'il te décrit mais il te pose une question que tu complètes à sa place.
Si tu avais entendu que la personne qui t'attire ridiculement malgré toi ne...

T'aime pas et est fiancée à un autre ?

Ta voix se brise avec le mot "fiancée" et une larme coule, que tu essuies précipitamment. Tu sens que les points de suture que tu avais apposé sur tes blessures venaient de se rompre. Le sang déversait amertume et regret dans ta voix.

Moi, au moins, je suis certaine que cette information est véritable. Au lieu de t’apitoyer, tu devrais confirmer les sources. Mais je vais te dire quelque chose, Béring. De tous les membres de mon équipe, Geoffrey est le plus gentil et le plus bienveillant. Rien que l'accuser ainsi...

Tu secoues la tête. Cela te dégoûte presque de croire que quelqu'un ai pu parler ainsi de lui. Encore, Felix, il y a des rumeurs sur vous deux. Tu sais bien que Connor découche régulièrement dans différents bras. Même la petite sœur de Geoffrey, avec son innocence si semblable à celle de Sól cumule plus de conquêtes que son ainé. Mais s'il y a bien quelqu'un de sincère... C'est bien Jo' avec son coeur mou et sa sensibilité légendaire.

 

 

Un silence étrange se pose sur vous. Tu observes le profil de Béring sans gêne, glissant ton regard sur son nez droit, sur ses pommettes saillantes et ses cheveux courts. Tu t'apprêtes à te lever, partir, car après tout, à quoi bon que tu sois là, lorsqu'un rire totalement dénué de sens s'échappe de ses lèvres. Il semble à bout et il se tourne vers toi, un épuisement soudain dans ses yeux, comme s'il était fatigué de sa propre condition. Mais ses paroles éveillent quelque chose et tu as envie de te confier à lui, de lui avouer cette faiblesse à laquelle tu t'étais laissée aller. Alors tu hésites à peine quelques secondes et lorsqu'il ouvre sa bouche pour te proposer du pain d'épice tu le coupes dans son élan.

J'ai couché avec Connor.

Tu caches ton visage dans tes mains. Tu n'en as pas honte, tu ne regrettes pas. Tu sais juste que c'est une bêtise, que cela te retombera dessus un jour et qu'alors tu t'en voudras plus que jamais. Et si tu n'oses pas regarder Bé c'est parce que tu le sais plus réfléchi que toi, tu sais qu'il n'aurait jamais fait pareille bêtise, que sa raison aurait eu le dessus.
Mais Béring est un Serdaigle. Sa Raison est le facteur qui l'a mis dans cette maison. Et toi, Venus ? Toi tu es une Poufsouffle et pas par défaut. Pas parce que tu n'étais pas suffisamment rouge, bleue ou verte. Tu es Poufsouffle parce que tu accordes ta confiance, parce que tu sais que tu n'auras que ce que tu mérites, parce que tes espoirs ne sont jamais vains et se focalisent sur toi. Car espérer quelque chose de quelqu'un qu'on ne connaît pas, c'est se confronter à une déception évidente. Autant éviter de se faire du mal, non ?