“Monseigneur”. Voilà un titre qui lui convient bien. Pas trop pompeux, respectable. Oui, Enoch approuve. Il sent bien le ton moqueur que Sam emploie, mais il le balaie d’un haussement d’épaules. ”Eh bien figure-toi …” oula il a frôlé la mort. “La gueuse” aurait pu réveiller les nouveaux élans de vilenie de Sam la Terreur. Merci Conscience d’avoir scanné la phrase avant qu’il ne soit trop tard. ”Dame Terreur Nocturne, que les Leszczynski descendent d’une longue lignée de souverains. C’est Bering qui me l’a dit. Donc je pourrais porter une couronne d’argent et me pavaner dans Poudlard si l’envie me prenait.” et l’envie lui prenait d’ailleurs, tout à coup. Enoch se serait entouré d’une meute de loups blancs, et aurait imposé son Veto. Orphan tu crèves. Aileen tu vies. Il aurait alterné ainsi jusqu’à s’en assécher le gosier.
Le balafré était parti loin, d’un simple titre fictif. Mais peut-être qu’ainsi il gagnerait en valeur auprès de son amie. Après tout, les gars riches ou avec un bon statut social s’en sortent toujours mieux avec les filles. Il avait appris ça en se faisant saigner les oreilles devant des clips de rap. Une heure lui avait suffit pour décréter que ce n’était en rien de la musique, simplement les jacassements de mecs aux tympans gravement endommagés, ce qui les rendaient aptes à supporter leur cacophonie.
La remarque de Sam avait laissé Enoch songeur. Une question existentielle s’était immiscée dans son cerveau, juste après l’allusion au grenier de son père. Son esprit voulait lui faire prendre le dessus, amener le sujet de manière tout à fait vicieuse. Et son esprit était d’ailleurs si adroit, que les mots étaient sortis de la bouche d’Enoch sans même qu’il ne puisse y réfléchir. ”C’est aussi propre que ça chez lui ? Je sais pas, j’ai jamais visité ton grenier. Ni rencontré ton père.” le Leszczynski devait être couleur pivoine désormais. Premièrement, son esprit d’enfant espérait que la première partie de sa phrase ne serait pas mal interprétée. Deuxièmement, la subtilité n’était pas suffisamment élaborée à son goût. Si bien qu’il enchaina aussitôt, sur un ton plus appuyé, comme pour écraser les mots précédents. ”Bah j’aurai organisé une rencontre entre le danger en question et Pleurs-de-veuve.”. Les épaules du Gryffondor se soulevèrent tandis que ses yeux désignaient sa batte de baseball. Elle avait déjà servie. Il avait pris une branlée, mais elle avait servie. Et puis maintenant, Enoch bénéficiait des entraînements de Kain et Sandro alors … le danger se serait barré la queue entre les jambes ! Ou alors il se serait barré avec sa copine, laissant le Leszczynski en pls, par terre.
Croiser le regard de Sam le mis soudainement mal à l’aise. Il se fixa donc sur un morceau de mur porté disparu. Évoquer Billy n’avait pas été très malin. Encore que le sujet était un bon sauve conduit. Sauf que comme toujours, Enoch avait manqué de tact. De finesse. Et avait semé la merde sans le vouloir. Que doit-il dire ? Que doit-il faire ? Il bafouille, Enoch. Il s’en veut. ”Nan, nan nan t’inquiète tout va bien c’est cool ! Chui pas assez attentif de toute façon, j’ai du louper des trucs, tu me connais !” foireux. ”Et puis de toute façon en règle générale on discute plutôt de plantes et de mauvais coups alors …” le “t’es pas un mauvais coup toi” maladroit avait failli sortir spontanément. Sans arrière pensée, mais il aurait sûrement fait des dégâts.
La gêne. La culpabilité. Voilà les sentiments qui se bousculaient dans le coeur d’Enoch. Il avait merdé. ” … non clairement on est un trio qui déchire. Y a pas plus important que nous. Un prince des jeux vidéos, une reine de l’aventure et …” le meilleur pour la fin avec un grand sourire caricatural ”Un prince naturel.”. C’était toujours plus simple de jouer sur l’autodérision pour se sortir d’une situation tendue. Le Leszczynski l’avait déjà constaté. Et pourtant il doutait que ça puisse sauver la situation. Le coeur serré, il se décida à appliquer des pansements sur l’âme visiblement peinée de Sam. ”En vrai je pense que Billy t’aime beaucoup. Y a un lien fort entre vous, ça se voit, c’est cool.” et soudainement, l’idée lui vint à l’esprit. Enoch s’approcha de la table, avant de donner un coup de coude à la Poufsouffle. ”Y a peut-être même quelque chose qui m’a échappé, hein ?!” l’idée lui faisait mal.
Son cœur saignait, et pourtant son sourire s’était étendue. La pompe de son corps était glacée, alors que son corps entier était parcouru d’une vague de chaleur. Il était triste. Mais heureux. Comment pourrait-il en être autrement, en s’imaginant deux des êtres les plus chers à vos yeux heureux ?
Tu lèves les yeux vers le plafond, comme pour te remémorer les détails de ce grenier dont tu avais depuis longtemps abandonné l'exploration. Tu te souviens de la poussière, des cartons avec l'inscription « Abby » griffonné au feutre, à la vas vite, comme-ci il y avait un désir de tracer rapidement son nom pour l'oublier tout aussi vite. Tu te souviens des vieilleries, des petits filets de lumière que filtrent parfois les fenêtres. Tu te souviens de tout ça, non sans une certaine nostalgie. T'avais cessé de fouiller les cartons passé le seuil de l'arrivée de ta lettre. T'avais acceptée que les cartons ne te rendraient pas ta mère et que les vieux souvenirs resteraient ce qu'ils sont : des souvenirs. Il n'y avait pas de formule magique, pas de potion, d'objets légendaires pour revenir à un temps heureux où tout était parfait. Il t'avait alors fallu enterrer la petite fille et devenir l'adulte. Il t'avait fallu prendre le rôle de la soignante que tu avais besoin d'être soignée. Ta tâche accomplie, la vie t'avait catapultée à Poudlard, dans cet univers inconnu qui avait été celui de ta mère, autrefois. À partir de là, la petite fille avait resurgi, au galop, désireuse de vivre de nouveau, elle avait fait de Poudlard son cocon, sa raison d'exister à tel point qu'aujourd'hui cette petite fille refusait de se laisser mourir de nouveau pour te laisser grandir. La petite fille a peur de disparaître, alors la petite fille prend de la place, t'handicape, encore et encore, toujours, à tel point que tu en ressens le décalage. Le décalage qu'Astrid avait souligné ce jour-là, le décalage que tu ne faisais que ressentir davantage depuis. Tu secoues la tête, comme pour chasser ces réflexions que tu n'es pas prête à assumer. Tu secoues la tête et tu souris. Encore et toujours ce même sourire.
« Tu sais, il passe plus de temps dans sa cuisine qu’à la maison alors c’est toujours un peu poussiéreux quand je ne suis pas là. »
Ce qui provoque un écho assez douloureux dans le fond de ton cœur. Tu… Tu réalises, tu savais déjà mais tu réalises, que peut-être viendra un moment où tu ne retourneras plus dans cette maison. Parce que ton ère avait trouvé autre-chose, une nouvelle famille, une nouvelle personne à aimer. Moldu qui plus est. Tu secoues de nouveau la tête.
« C’est vrai, ça, t’es jamais venu ! Tu sais quoi ? T’as car venir cet été ! Ce serait sympa de se voir et de passer du temps ensemble, moi ça me plairait bien de te voir, Enoch. »
Tu es sincère dans ton invitation, d’une part tu penses que ça rassurera ton père, puis t’apprécie l’idée d’aller passer du temps avec tes proches. C’est ce que font les amis ensembles, n’est-ce-pas ? Tu voulais lui montrer que votre amitié ne se limitait pas aux murs de l’école, qu’elle allait au-delà du cadre scolaire. Tu n’étais pas bien sûre de ce que lui attendait ou voyait dans votre relation mais, comme ça, t’as au moins fait le geste.
Dans la façon qu’il a de s’exprimer, de parler de Billy, de votre trio, tu sans un peu de panique, comme une gaffe, comme la sensation d’avoir prononcé des mots bien trop maladroits. Tu l’écoutes, partagée entre l’envie de le croire et tout le négativisme dont tu es capable. Oui, amis vous l’êtes, c’est certain, mais peut-être que tu as trop d’attente, que tu places trop d’espoir dans votre trio. Tu places sans aucune pudeur Enoch et Billy comme tes meilleurs amis, comme deux piliers dans ton monde. Mais peut-être que ce n’est pas réciproque, peut-être qu’il n’y a que toi qui pense comme cela. En même temps, comment pourrais-tu leur en vouloir ? On ne choisit pas ce qu’on ressent. Mais Enoch persiste, essaye tant bien que mal de rassurer l’angoisse qui s’est emparé de toi. Il est gentil Enoch, et doux à sa façon. Tu ne sais même pas s’il en a conscience. T’esquisses un léger sourire, un sourire timide quand il avance que Billy t’aime beaucoup, qu’il y a un lien particulièrement fort entre vous. T’aimes cette idée, mais t’aimes pas celle de voir Enoch s’exclure volontairement de cette dynamique. Il te donne un coup de coude de joueur et tu ne peux t’empêcher de rire légèrement.
« Merci Enoch. »
Tu ne sais pas si tu en as le droit, mais tu oses, tu profites de sa proximité pour récompenser ton chevalier servant comme il se doit. Tu glisses tes lèvres sur sa joue et lui accorde un vrai baisé de princesse de jeu-vidéo.
« Je ne sais pas s’il voit les choses comme ça. Mais moi je sais que sans vous deux je ne serais pas grand-chose, alors merci d’être-là. Ouais, je sais pas trop ce que je ferais sans toi. »
Enoch s’imagina la maison de Sam. De “gros foutoir de partout, vaisselle sale partout et gâteaux traînant au petit bonheur la chance”, il venait instantanément de passer à “25cm de poussière partout”. Avec un vieux monsieur assis au milieu, à table, crachant des “keuf keuf” de temps à autre. Il aurait limite voulu passer un coup de plumeau sur ce pauvre daron abandonné à son sort. D’autant que le pauvre vieux, c’était quand même un coup à chopper des allergies ! Pourtant il imaginait mal Sam en lâcheuse de papounet. Enoch la voyait davantage en protectrice, en fille fée, à prendre régulièrement des nouvelles de son géniteur, voire à lui envoyer des patisseries. A veiller à son alimentation, somme toute. Comme elle le faisait avec Billy et lui. Elle les choyait, veillait sur eux deux. Et pourtant le Leszczynski réalisa qu’il savait bien peu de choses sur son amie.
Et de nouveau tout était parti en couille. De nouveau, Enoch sentit le rouge lui monter aux joues. Elle l’invitait. Lui. Tout seul apparemment. Dans une maison où son père se séquestrait dans la cuisine. Seuls. Tous les deux. S’ils n’avaient pas eu quelques mots concernant Billy plus tôt, Enoch aurait sûrement côtoyé les anges devant une demande aussi ambitieuse. Mais le Gryffondor redescendit vite sur Terre : ce n’était pas un rencart, Sam invitait simplement son ami à venir pendant les vacances. Comme les jeunes le font couramment. Commes les gens normaux. Hum. Sortir de son cocon de sécurité. Aller chez une fille. Seul. Beaucoup d’imprévus. Beaucoup de danger. Beaucoup d'ambiguïté. Béring ne le lâcherai pas avec ça.
Du coup finalement, Enoch préférait que Billy soit de la partie. ”Ouais bonne idée ! Avec Billy et tout, on vivra de superbes aventures ! T’habite où d’ailleurs, Sam ?” oui tiens, bonne question. Dans un pays vieux comme l’Angleterre, vu la poussière qui s’accumulait chez elle. L’ascenceur émotionnel n’avait pas fini de faire des aller-retour. La panique, puis le soulagement. Puis de nouveau la panique et … à nouveau le soulagement. Sam rit. Elle ne pense plus au nuage noir qu’Enoch a bêtement laissé présagé, maladroitement. Une bonne chose de faite ! Alors lui aussi il sourit. Un sourire idiot, comme toujours. Parce qu’il a un peu oublié comment faire naturellement. Non pas qu’il soit malheureux, simplement que petit il avait eu tendance à détacher ses points à sourire comme un benêt. L’habitude était restée. Il tendait peu sa peau, cachait ses dents pour éviter d’user des muscles de la bouche, et fermait les yeux. Comme les petits chinois, avait dit maman.
Et du coup de nouveau la panique. Parce que ça, il ne l’avait pas du tout vu venir. La proximité qu’il avait ressenti avait été brève, il n’avait pas eu le temps de déclencher les signaux d’alarme. Il avait senti le contact de la peau douce sur sa peau rugueuse. Cette fois ce n’était pas le rouge qui lui montait aux joues, mais le sang dans toute la tête ! Enoch se sentait entièrement cramoisi. Les yeux grands ouverts cette fois, il n’osait bouger. Il ne savait pas comment réagir. Droit comme un “i”, dans un autre monde. Ce n’était pas la première fois qu’une fille l’embrassait sur la joue, non. Y avait eu la miss aux cheveux de feu en maternelle. Mais là, c’était Sam. Son cerveau n’analysait même plus les données. Après la surprise vint la gêne. Et les réflexes idiots.
Enoch brandit sa batte et claqua un ”Lumos maxima !”. Sauf qu’Enoch, t’es Krakmou. Et ta batte, c’pas une baguette. Comme tu as l’air con. Comme Sam va te prendre pour un con. Alors comme un morveux de trois ans, tu te couvres le visage avec les mains. Hop ! Y a plus d’Enoch, il est caché ! Pourquoi ce foutu rouge ne descend pas de tes joues ?! ”Euh, merci.” on dit merci pour un bisou ? Trouve quelque chose, une diversion ! Ah oui ! ”Tu serais Sam. La même, peut-être en mieux. Et Billy serait sûrement Billy, en plus fade !” difficile d’imaginer le Poufsouffle en moins lumineux et énergique ! Mais Enoch savait pertinemment que sans ses deux camarades, sa vie aurait perdu beaucoup de saveur. Ou sa vie aurait été perdue, tout simplement.
Le Gryffondor n’en tenant plus, il se redressa enfin et commença à s’approcher de la sortie. ”Bon bah on a fait le tour, on sort hein ?” et on évite de rester tout seul plus longtemps, avant que je ne fonde littéralement ?
« Moi ? Je viens d’Irlande ! Fin, mon papa est irlandais, maman je sais pas trop, je n’ai jamais su. On habite dans village natal de mon père, on tien la boulangerie. C’est pas très impressionnant, t’sais, c’est un patelin campagnard comme les autres, mais c’est sympa. »
La ville, le monde, ça n'a jamais été réellement ton truc. Tu n'avais jamais été une fille des capitales, habituée au bruit, aux rues bondées, à la foule et au rythme de vie propre à ce genre de lieu. Toi, tu avais toujours été plutôt calme, épargnée pour ça. Chez toi, on apprenait à écouter le silence, on faisait beaucoup d'activité manuelle, on prenait son temps, le temps pour soi, pour les autres aussi. Un village, c'était un peu comme une grande famille, disait ton père, même si vous n'avez jamais réussi à appliquer ça de votre côté. Toi et ta mère, vous aviez toujours été les « pièces rapportées » de la ville, ces gens étranges dont on ne parlait pas énormément. Tu avais très rapidement appris à t'en foutre, parce qu'il y avait papa, parce qu'il y avait maman et que ça suffisait largement à ton petit monde. Maintenant que tu avais passé le cap de l'adolescence, tu ne sais pas trop si tu pourrais, de nouveau, t'en foutre comme tu t'en étais foutue avant. Il te semblait que l'âge t'avait rendue beaucoup plus sensible au regard des autres et à leurs opinions.
T’aimais tout particulièrement l’idée d’entraîner dans ton monde tes amis et si tu ne prononces pas directement le nom de Billy, tu penses irrémédiablement à lui quand tu parles de vacance, c’est logique, ça tombe sous le sens, même si tu as la sensation qu’Enoch force certaines choses en l’incluant volontairement dans ses mots. Ça attise ta curiosité, parce que ce n’est pas la première qu’il te fait ce coup là. Tu ne sais pas comment tu dois comprendre et interpréter cela. Tu ne sais pas, parce que tu n’as pas l’habitude de lire entre les lignes. Est-ce que c’était parce que ta seule compagnie était une source d’appréhension ? Est-ce que c’est le fait de se retrouver dans un endroit inconnu qui l’angoissait ?
« Ouais, ce serait génial. Tu sais quoi ? Je vais en parler à mon père et voir si on peut s’organiser ça ! »
Le bisou était peut-être de trop, tu dois l’avouer c’est la première fois que tu accordes ce genre de contact à Enoch et tu te rends compte que c’était peut-être un peu cavalier. Tu ne sais pas, tu avais, comment dire… Aimé l’idée. Lui, tu ne saurais dire s’il était gêné ou juste… Ou juste tu ne sais pas quoi, en fait. La suite de réaction qu’il t’offre te fait sursauter et hausser un sourcil.
« Heu… Tout va bien ? »
Non parce que tu as quelques doutes, là, tout de suite. Tu te reprends néanmoins.
« Tu te sous-estime, c’est incroyable. Quand est-ce que tu vas accepter que tu apportes beaucoup plus que tu ne le penses aux gens ? »
Tu fronces de façon exagérée les sourcils, t’aimerais comprendre ce qui le force à se mettre en retrait aussi souvent et de façon aussi violence. Alors que tu hoches la tête et acceptes l’invitation pour rentrer en appelant Donuts à vous suivre, tu ne peux t’empêcher de dévisager ton ami. Tu as pas mal de question qui se bouscule sur le bout de lèvres, beaucoup de question que tu ne sais pas retenir.
« Dis, c’était la première fois que tu recevais un bisou ? » T’as sortie ça avec un flegme incroyable, à croire que tu ne percutes rien… Oh wait. « Aaah, j’imagine que t’aurais préféré recevoir ça de la part de ton amoureuse, vrai que c’est souvent un truc que font les gens en couple… Je comprend pas trop pourquoi mais… Meh. »
Pourquoi ? Pourquoi Enoch s’était-il immédiatement imaginé Sam avec des cheveux roux longs et bouclés, et surtout … UNE BARBE DE BUCHERON ? Des rouflaquettes, un kilt, des poils aux jambes … il n’avait pourtant pas bu ? Cette image lui donnait davantage la nausée qu’un fou rire. Quant à papa Everyl, même traitement : en plus petit cependant. Un nain. L’excuse du cliché ne tenait même pas, tant sa vision s’éloignait du classique imaginé par le commun des mortels. En revanche Sam boulangère, ça passait crème ! Enoch l’imaginait le dimanche, pendant les vacances. Ses cheveux devaient être plein de farine, son tablier couvert de miettes et de fruits rouges, restes d’une pâtisserie engloutie entre deux clients. Un sourire jusqu’aux oreilles, bavardant avec tous les badauds, connaissant par avance leur commande. C’était déjà bien plus ragoutant !
Il en aurait presque oublié le passage sur sa maman. Sam ne la connaissait peut-être pas ? Ou alors pas suffisamment ? Il aurait voulu en savoir plus, mais quelque chose lui intimait que ce serait douloureux. Il ravala donc sa curiosité. Le Leszczynski acquiescait lentement. Sam s’était décidée. Sam allait prévenir l’Irlandais de taille naine, fournis de la moustache et des jambes. Et il devrait se rendre en Irlande, la boule au ventre. Sauf si Billy l’accompagnait : sûr que Billy mettrait davantage les pieds dans le plat. Il ignorait pourquoi ce qui se présageait comme des vacances agréables lui tordait les boyaux. Il n’avait pas souvent quitté le pays. Jamais seul en tout cas. Peut-être que la réaction de Monsieur Everyl devant sa gueule peu séduisante l’intimidait ? De toute manière c’était trop tard.
Le cerveau du Gryffondor se tordait dans tous les sens tandis qu’il essayait de comprendre. Que pouvait-il apporter de plus que des ennuis ? De l’inconfort. Des rires. De la peur ? Aucun gamin n’avait jamais ri en passant près de lui. Les nourrissons pleuraient. Et ça ne le rendait que plus désagréable. Peut-être arrivait-il à amuser Sam ? Cette idée lui plaisait. Il en profita donc pour chasser celle qui lui susurrait qu’un tableau qui se sent médiocre peut se trouver digne de la Joconde face à un laideron. De nouveau Enoch se sent rougir. Il sent sa peau brûler comme dans l’enfer de la cabane. Cette fois il a presque failli se casser la gueule dans le couloir. Ses doigts serraient si fort sa batte qu’il sentait le sang pulser. ”Bah bien sûr que non !” bah bien sûr que si. Non. Plus ou moins. En somme Enoch n’avait pas menti : sa mère lui faisait souvent des bisous. Béring lui en faisait aussi quand il était petit. Sam n’avait juste pas suffisamment précisé sa question.
Et la suite n’arrangea pas les choses. Pourquoi s’étalait-elle sur le sujet ? Le Leszczynski se sentait tanguer. Oui il voulait une petite amie, mais jamais il ne s’était sérieusement posé ces questions. Avoir une copine ce n’est pas juste sortir ensemble, casser des gueules pour lui faire plaisir, avoir l’air con pour la faire sourire. Y a le package “intimité”. Les bisous, les câlins … et l’autre chose. Jamais encore il ne s’était vraiment penché sur le sujet. Comment réagirait-il ? Montrer ne serait-ce qu’une partie de son corps le tétanysait, alors des endroits plus précis … il frissonna, toussota. ”Non n’importe quoi !” il en perd ses mots, Enoch. Il voudrait changer de sujet, mais ça ne vient pas. Pourtant il note dans un coin de sa tête que Sam ne semble pas friande des bisous. Des fois que ça puisse servir un jour. ”Puis d’abord y a des potes qui se font la bise et tout, ça veut rien dire ! J’vois pas pourquoi de suite tu pars là-dessus … on est resté trop longtemps dans la cabane, le froid a dû toucher nos cerveaux. Même Donuts a l’air tout perturbé.”. Pas du tout, il a l’air d’aller bien Donuts.
C’est gêné qu’Enoch se décida à pousser la porte de la vieille cabane. La température extérieure lui sembla chaleureuse comparée à celle de la bicoque, et il attendit que Sam soit passée pour refermer. Histoire d’y laisser l’épouvantard. Les larmes. Et ces sujets qui le mettaient si mal à l’aise.
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