Je veux que ça s’arrête.
Impossible d’échapper à son bourreau lorsqu’il s’agit de soi-même. J’aimerai pouvoir voler. Pas sur un balai mais vraiment, ouvrir mes ailes et me débarrasser de tout ça. Alors pourquoi est-ce que mes pas me mènent à la tour de l’horloge ? Le plancher grince, l’odeur et la couleur du sang me reviennent en tête brièvement. C’est ici que j’avais retrouvé Soleil. Tiens, il n’y a même pas une légère coloration, même pas une trace de la tragédie qui s’était produite l’année dernière. Comme s’il ne s’était rien passé. Etrange. Quelque part ça me donne de l’espoir que la tache qui se trouve dans ma tête finisse par s’effacer aussi.
Un parfum âcre familier se diffuse dans le coin. Une silhouette mystérieuse se découpe contre le bleu nuit du ciel, de la fumée s’échappe de ses lèvres. Je reconnais cette voix et me formalise d’un faible sourire. J’ai pas besoin de réfléchir deux fois à sa proposition. De la vapeur de cancer dans les poumons, ma mort lente et douce en petit cylindre c’est exactement ce dont j’ai besoin. Et plutôt deux fois qu’une.
Ca ne serait pas de refus. Je peux te rejoindre ?
J’imagine que si elle m’invite à prendre une cigarette ce n’est pas par politesse. Elle sait que je ne suis pas du genre à déranger ses méditations. Ce n’est pas la première fois que je le croise dangereusement perchée sur les hauteurs. Avec prudence je la rejoins. Elle se demande ce que je peux bien faire là. Bonne question.
J’en sais rien. J’avais juste besoin de ….tu sais. Souffler. Et toi ?
Excellent choix de mot pour quelqu’un qui s’apprête à expirer de la fumée âcre. Je m’installe en prenant soin de lui laisser son espace vital. Ses jambes dodelinent dans le vide. J’aime ça aussi. Je m’empare du bâtonnet si gracieusement tendu. Qu’est-ce qu’Ethan dirait s’il me voyait ? Mais qu’est-ce ça peut me faire ce qu’il pense ? Ses paroles me reviennent en tête. Je ne saurais jamais si c’était sincère.. Ben toi, Bertram, ça t’importe apparemment. Et ça donne juste envie de me l’enfiler aussi que possible, d’absorber le poison avec plaisir. Je me penche un peu en avant pour la laisser faire avec son briquet et prendre une première bouffée. D’une voix douce et presque enjouée je lui adresse un:
Merci, j’en avais besoin.
J’observe ses écouteurs d’où une musique que je ne parviens pas à reconnaître se diffuse.
Qu’est-ce que t’écoutes ?