Hermès avait oublié depuis combien de temps ça avait commencé –il avait tout ignoré au début, parce qu’il se fichait de tout, y compris de ce que les autres pensaient de lui, et encore plus des mesquineries adolescentes qui le visaient. Plusieurs semaines, peut-être un ou deux mois. Peut-être même que cela durait depuis plus longtemps encore et qu’il n’avait rien remarqué pendant un temps, aveugle qu’il était depuis qu’il avait posé bagages en Grande-Bretagne.
Qu’importe.
Hermès avait réussi à fermer les yeux –ça ne lui était jamais compliqué d’occulter quelque chose de son esprit. Il s’était mis un point d’honneur à ne pas accorder plus d’importance qu’il n’en fallait à ce genre de choses et ne même pas les remarquer avait été son fer de lance.
Jusqu’à la goutte de trop.
Quand un hibou vint déposer devant son petit-déjeuner un colis à la forme trop familière pour ne pas lui donner des sueurs froides, il comprit le manège qui se tramait avant même d’ouvrir le paquet.
C’était un balais ; une réplique neuve du modèle qu’il avait toujours utilisé à Mahoutokoro, le même qui lui avait failli et précipité dans le vide ce jour maudit. Un seul regard dessus et Hermès se revoyait déjà chuter –il sentait encore les picotements fantômes de la douleur qu’il avait ressenti quand son corps avait heurté la mer déchaînée et craignait encore aujourd’hui que sa vision ne s’assombrissent comme lorsqu’il avait perdu connaissance.
Hermès malgré son tempérament pouvait supporter bien des choses –il l’avait fait jusqu’à maintenant. Mais quand les piques devenaient couteaux dans ses plaies, sa tolérance s’embrasait avec la vitesse d’un brin de paille sèche.
Il savait qui le harcelait, et cette fois, il lui ferait payer.
***
«
Bergling ? »
Sa voix s’était faite flegmatique, presque nonchalante, constamment teintée de sa lassitude existentielle, mais il y avait dans son regard une lueur nouvelle qui ne laissait présager rien de bon. Hermès se fichait de tout ; ça n’avait pas que des bons côtés.
«
J’crois que t’as perdu ça, fit-il en lui lançant brusquement le balais au visage avec une force décuplée par sa colère encore contenue –plus ou moins. »
Il s’approcha ensuite du jeune homme et lui empoigna le col de sa chemise pour le plaquer contre le mur derrière lui, lui décollant presque les pieds du sol.
«
Si t’as un problème avec moi je préfère autant que tu viennes me le dire en face plutôt que de faire dans le cadeau empoisonné, fit-il encore d’un ton las mais qui vibrait d’une rage sous-jacente inquiétante.
À défaut d’avoir un semblant de maturité ça prouverait au moins que t’as des couilles. »
Leur différence de taille était assez conséquente, et Hermès avait une masse musculaire bien supérieure à celle de l’avorton qu’il tenait d’une main.
Il pourrait le briser avec une facilité déconcertante s’il se laissait aller à ses pulsions les plus basses.Peut-être qu’Hermès ne se fichait pas complètement de tout finalement –il ne se serait pas gêné autrement.
«
Arrête de m'emmerder, il gronda, les vibrations dans sa voix s'accentuant un peu plus comme pour marquer son sérieux –il secouait nonchalamment le corps de Declan au bout de sa poigne pour lui rappeler une nouvelle fois qui était dans la merde ici.
J'te le dirais pas une deuxième fois. »
Il n'y avait personne dans le coin à cette heure.Une ébauche fantôme de sourire sadique se dessina au coin des lèvres d'Hermès en songeant à la nouvelle forme qu'il pourrait donner à son sale petit visage s'il lui donnait une seule raison supplémentaire de le faire.