pourvu qu'il pleuve des dollars / niall

chez les lamberts, c'est des mensonges qu'on a sur le bout de la langue, des rictus aux creux des lèvres et des larmes de crocodile aux coins des yeux parce qu'on est privilégié, quand on naît lambert, mais mieux vaut faire comme si entre nos bras résidait toute la misère.

sache que ce n'est pas ta faute quand tu nais lambert, c'est un simple hasard.
d'abord tu penses que c'est normal, que toutes les familles sont comme ça. ensuite, tu apprends à l'école que le monde ne va pas forcément tout droit, mais que tout tourne en rond. que tout le monde n'est pas riche, que beaucoup ont une mère aimante à laquelle les papas n'offrent pas tout le temps des cadeaux hors de prix pour s'assurer sa fidélité. tu apprends que tes oncles sont racistes, que tes cousins sont pour la guerre dans des pays qu'ils ne sauraient pas situer, qu'écouter de la musique classique ne fait pas de maman une femme raffinée.

chez les lamberts, on apprend que certaines filles ne sont pas belles et qu'il faut s'ennuyer pour avoir l'air distingué. ne pas courir, ne pas grossir, toujours écouter les parents et s'excuser même quand c'est papa qui avait un coup dans le nez.

chez les autres, on apprend que tout va bien de toute façon, qu'on n'a pas à se plaindre parce que nous on est riche et on a deux parents. on apprend qu'il faut s'aimer seul avant tout parce que les autres ne nous aiment pas et que rien ne sert de vouloir les forcer, ils ne nous aimeront surement jamais.

chez les lamberts, paraît que c'est l'anarchie, qu'on se frappe, plus qu'on rit, et qu'on crit. paraît que c'est pas ta faute parce que, niall, à part fausser des sourires, mentir et pincer des filles, t'es sûr que t'as rien fait de trop malhonnête - mais papa a encore trop tardé après le boulot et maman n'aime pas quand il sent mauvais, alors il paraît qu'elle va lui tomber dessus comme un vautour sur une charogne et c'est pas drôle de la voir se ronger les ongles toute la journée, mais faut bien s'occuper.

chez les lamberts, niall et sa soeur se chamaillent mais c'est bon enfant. pas de fracture, ni brûlure, ni morsure - des petites tapes quand personne ne regarde, des courses-poursuites dans les quartiers qui ont des culs-de-sac remplis de poubelles et parfois on y trouve des cadavres d'animaux. on joue à chat sur les passages piétons pour faire klaxoner les citadins qui rentrent du boulot, donner à leur coeur ce petit coup d'adrénaline dont ils se seraient passés.

chez les lamberts, on aime montrer du doigt un enfant à la fois.
parce que t'as jamais été foutu de la jouer cette sonate de mozart, parce que c'est toi qui jetais des cailloux à travers vos vitres à halloween, parce que c'est toi qui voulais qu'on s'arrête pour aller pisser, ce jour-là où un taxi a embouti la voiture de papa.
parce qu'elle a encore été jouer avec la fille de l'épicier qui parle pas trop bien anglais, parce qu'elle a taché sa belle robe, parce qu'elle a ramené un cadavre de culs-de-sac; un oiseau mort à peine amoché.
parce qu'elle a dû partir avec maman, puisqu'elle n'a, à part le nom, rien à voir avec papa.

la vie est devenue très grise, paraît que c'est le temps à londres. au moins, papa l'a bien pris quand t'as reçu la lettre alors, une fois dans le train, t'as agité la main brièvement et t'es parti.