Trois jours. C'est long. Trois jours que ses yeux son cernés, son visage livide, son sourire disparu. Elle ne dort pas elle veille. Son téléphone s'est soudé à sa main droite, remplaçant la place de sa baguette, et la moindre sensation de vibration la réveille. Elle s'est réfugiée dans les bras de Rémus, mais en vain. Rien n'y a fait. Tout n'a été que tristesse et malheur.

Et elle n'était pas la seule. Elle les a vu, tous les autres visages tourmentés. Même ceux qui n'avaient pas de proche ayant disparu étaient inquiets. Tout le monde a eu peur. Pour les autres ou pour soi même. Mais Juno, elle, ce n'était pas cette même peur qui la dévastait. L'impuissance la détruisait, le vide l'occupait, la crainte la démontait.

Vers 6 heure du matin environ, ses yeux se sont fermés alors qu'elle comatait à la fenêtre de la chambre de Soleil. La chaleur douce du soleil lui caresse alors le visage, et elle s'endort assise, pour la quatrième fois cette nuit, bien que ses siestes précédentes aient été de courte durée. Son téléphone glisse doucement de sa main, prêt à tomber sur le sol. Mais c'est un "vrrr" qui la réveille. Elle sursaute, et se relève vite, apeurée de ses propres réactions. Elle regarde autour d'elle. Soleil dort. Son portable. Une notification. Maybelline est en live. Qui dit Maybelline dit Finn. Elle ouvre la fenêtre. L'infirmerie.

Elle est déjà à la porte de la chambre, elle a déjà enfilée sa veste, c'était la seule chose qui manquait à sa tenue de toute manière. Elle court. Elle s'époumone à travers le château, dévalant les escaliers magiques, sautant de marches en marches, parfois au point de se faire mal à la réception, mais qu'importe, le problème n'est pas là. C'est Finn son problème. Elle se débat avec l'air jusqu'à arriver aux portes de l'infirmerie. Là, elle s'accorde une seule seconde, seule celle qui lui permet de reprendre une bouffée d'air gargantuesque avant de se glisser à l'intérieur. Il y a déjà du monde et... Des corps. C'est horrible. Elle cache ses yeux, elle cherche juste l'étincelle qu'il lui faut. La chevelure de Maybelinne, parfait. Juno se hâte, se glisse entre toutes ces personnes déjà présentes, les mains autour des yeux, elle fixe le sol jusqu'à atteindre le lit de celui qu'elle cherchait depuis si longtemps déjà.

Debout face au visage de Finn, elle porte une main à sa bouche. Ses yeux traduisent toute la stupeur qu'elle ressent. Elle ne respire plus vraiment, et se retient de crier. Le choc dure quelques secondes, puis, telle une Lavande Brown, se rapproche de "son" Finn. Elle passe une main affectueuse sur l'épaule de Maybelline et fait le tour du lit pour s’asseoir prêt du garçon. Une de ses mains tiens toujours sa bouche, sa mâchoire, tout son visage tandis que ses yeux s'humidifient. Son autre main se dirige mécaniquement vers le visage du garçon souffrant, dont elle frôle la joue. "Mais pourquoi..." susurre-t-elle, plus à elle même que pour le jeune homme. Il grelotte. Elle enlève rapidement sa veste pour lui apporter une nouvelle couverture, qu'elle dépose sur son torse. Ces draps sont presque inutiles. Elle panique légèrement. Sa main vient alors se poser sur son front, il doit être fiévreux. Il l'est. Elle se pince la lèvre. Elle ne sait plus ou se mettre ni quoi faire. Alors elle se déplace un peu vers lui et laisse sa main caresser sa joue, tandis que son corps à elle se voit également secoué de tremblements. D'un autre genre.

Le premier groupe de la journée, et une forme d'espoir au fond du crâne lui soufflant que, peut-être, ce n'était pas le dernier. Quatre des disparus, quatre sur les quinze.
Tout s'érodait, peu à peu ; les cours annulés, le personnel pétri d'anxiété, les élèves au bord de crises de paniques ; et tout était noyé dans l'arsenic. Poudlard n'avait jamais été au beau fixe, ces quelques années où il y avait travaillé ; mais la tension continuait de s'accumuler, péninsule d'émotions comprimées, de plus en plus prêtes à exploser.
Et ce n'était pas prêt de s'achever.
C'était la seule pensée qui continuait d'arpenter son crâne alors qu'il y avait un véritable défilé, d'éclopés, d'élèves plus qu'inquiétés par les événements qui s'étaient enchaînés.
Croyance, Valentyne, Earl, Finn — un loup-garou, une selkie, un moldu, et un cracmol, connu.
Il fut plus que surpris du soulagement particulier à l'entente du premier prénom, à la vision de cette silhouette ; car il n'avait pour habitude de réellement s'enivrer des sentiments dont il était source — de les laisser influencer sa pensée, peu importe combien il était plaisant d'en user, tirailler.
Il supposait que, même aux babioles, il lui arrivait de s'y attacher — qu'il était le seul à pouvoir en jouer.

Alors, aussitôt qu'ils furent installés, c'est vers Earl qu'il alla, répondant à la supplication luisant dans les rétines de son aimé, au murmure soufflé entre les cheveux caressés. Première infection, purement visuelle ; une courte inspection des veines jaunies, du fragment de tatouage visible. Il fit un signe léger à Silas de s'éloigner de l'invalidé, et sitôt que le mouvement fut effectué, lança un corpus prŏbātĭo. Et c'est un méli-mélo d'informations qu'il reçut, envahissant son esprit. Il resta immobile quelques fractions de seconde, reliant le tout pour avoir un rendu cohérent. Une fois la solution trouvée, il retint toute réaction faciale, toute respiration trop étendue ; tournant le poignet à sa disposition pour observer le tatouage, tout en expliquant : « Votre corps rejette le contenu de l'injection qui vous a été faite. » Saisissant un marqueur, il inscrivit sur son bras date et heure à côté d'un trait marquant l'avancée de la propagation. Son regard se porta finalement sur le visage d'Earl. « Vous allez être emmené à Sainte-Mangouste. En attendant que le trajet soit effectué, je vous conseille de boire, étant donné que vous êtes dans un état de déshydratation avancée. »
Contact visuel avec Silas, demande silencieuse d'y faire attention ; même s'il n'y avait nul doute que le semi-vélane veillerait au grain.

Il nota les informations trouvées sur son calepin alors qu'il se dirigeait vers Finn, préférant s'occuper de celui-ci avant d'être sous l'objectif de sa sœur. Inspection visuelle de nouveau, puis un corpus prŏbātĭo sitôt que plus personne ne le touchait.
Ses lèvres se serraient légèrement — c'était définitivement un motif, le troisième élève sans magie dont les veines étaient ébènes. Mais c'était aussi le deuxième de ce groupe dont les vaisseaux supportaient un fluide inconnu.
Il sortit le marqueur de nouveau, date et heure notées aux limites de la propagation.
Tournant son poignet, qu'il scruta quelques instants, il reprit son calepin, notant les nouvelles informations — numéro quatorze. Il n'y avait plus de doute à avoir : ils étaient tous passés sur la table d'opération. Aucun doute ni possible exception.
«  Vous allez être emmené à Sainte-Mangouste sous peu. De l'eau est à disposition à votre chevet, vous devriez en profiter car vous êtes en déshydratation, et rien ne le contre-indique. Et, faites en sorte qu'il ne se repose ; que rien ne le stresse. »
Avec une petite pensée pour le livestreamining made in Tudor.

Et il tournait de nouveau les talons, pour aller se poster auprès du lit de la verte et argent. Son regard la scruta de part en part, la branchie sortie, l'autre retirée, et une notation silencieuse de la baguette sortant légèrement de la poche. Énième corpus prŏbātĭo exécuté, et il dut se retenir de grincer des dents lorsqu'il s'aperçut qu'ils avaient expérimenté avec son système respiratoire.
L'idée qu'ils avaient joué avec les hybridités le dérangeait au plus haut point — était-ce pour voir s'ils pouvaient être mélangés ? était-ce dans le but d'être capable de créer des super-sorciers ? des super-moldus ?
Mais c'était des questions qu'il se devait de chasser pour le moment, de reprendre lorsqu'il lui serait offert des répits de quelques instants. Une fraction de seconde d'hésitation, puis : « Une branchie vous a été retirée, votre système respiratoire est possiblement altéré, c'est pourquoi il vaudrait mieux que vous évitiez de boire de suite. »
Il ignorait si la jonction entre trachée et œsophage avait été touchée, et s'acquitta de retirer l'eau à sa disposition. Puis, il lui saisit le poignet, le tourna légèrement afin de voir le numéro qui lui avait été attribué. « Vous allez être emmenée à Sainte-Mangouste sous peu. »
Et de nouveau, il s'esquiva, calepin à la main, notant les lésions de la jeune femme.

Et finalement, c'est au chevet de Croyance qu'il arriva. Ses rétines ne firent qu'effleurer ses veines qu'il comprit aussitôt ce qui lui avait été injecté, cette teinte violette bien trop singulière pour ne pas la reconnaître. Mais cela ne l'empêcha pas de scruter quelques instants, à la recherche d'une autre lésion visible.
L'inspection visuelle terminée, il fit aussitôt un geste, conjurant silencieusement les personnes de s'éloigner. Son regard passa sur les deux autres loup-garous sans délivrer quelque émotion. Enfin, la baguette sorti, il conjura le dernier corpus prŏbātĭo pour ce groupe ; et l'information reçue le surprit à moitié. Alors il s'approcha de quelques pas, lui indiquant : « Ouvrez la bouche, dents serrées. »
Et sitôt la demande effectuée, l'explication apparut : les canines avaient été limées. Il s'abstint de tout commentaire, conservant toujours une figure impassible ; sortant de nouveau le marqueur et notant la limitation du liquide. La vitesse de propagation de l'aconit était connue, bien qu'elle lui échappa à ce moment-là, si bien que cela pourrait éventuellement permettre de définir le moment de l'opération, et d'avoir une ligne d'idée pour les autres.
Glissant de nouveau le marqueur dans sa poche, il en profite pour saisir un papier qu'il avait préalablement écrit. Le glissant contre la paume de sa main alors qu'il faisait le tour du lit pour observer le poignet tatoué, il détourna l'attention en commençant à parler : « Vous allez être emmené à Sainte-Mangouste pour soigner l'aconit. » Nul besoin d'esquiver ; tous ici savaient de quelle nature était l'affection. Et ce faisant, il saisit le poignet qu'il fit tourner de sa main libre, feignant d'aller effleurer le tatouage du bout des doigts de l'autre, déposant alors le fragment de papier contre les phalanges de l'élève. « D'ici-là, essayez de boire, vous êtes en état de déshydratation avancée. » Fraction de seconde de flottement, puis « Le gobelet se trouve sur votre chevet. » Comptant sur le mouvement oculaire, il referma les phalanges sur le papier en retirant sa main, puis lâcha le poignet de l'élève, pour sortir son calepin une dernière fois, notant prestement les informations recueillies.
Et alors qu'il s'écartait, il se retint de soupirer — il n'avait effectué le geste que lorsque tous les regards avaient été détournés, mais il fallait espérer que la fatigue n'incite pas à l'élève à oublier ou dévoiler le papier, les numéros inscrits dessus.

De nouveau au centre de la salle, projetant un coup d’œil circulaire sur la salle immaculée, il observa silencieusement les médicomages en train de s'affairer, l'effusion dans la pièce qu'il aimait garder feutrée.
Migraines plus que douloureuses et furieuses nausées seraient définitivement au rendez-vous ce soir, si le rythme persistait à être aussi effréné.
Et il ignorait s'il voulait qu'il se calme ou non — passer la journée à voguer entre élèves récupérés permettrait au moins une tension retombée assez tôt.

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