Nana in wonderland

Grand mère augmenta le son de la télévision, et ferma sèchement la cloison de bois qui donnait sur l’extérieur. Pendant quelques secondes, les éclats de voix cessèrent, avant de recommencer, plus doucement. Mais c’était trop tard, Nana avait tout entendu. Et la tête appuyée sur le genoux de sa grand mère adorée, elle se concentra d’avantage sur les aventures de sailor moon et sa bande. Oh, qu’est ce qu’elle aurait aimé naître dans un monde comme celui d’Usagi.
Le soir même, ses parents repartaient à Londres. Ils l’avaient chacun leur tour, embrassée sur le front, avant de disparaître. Aujourd’hui, ils avaient perdu tout espoir pour elle. Le médicomage restait formel. Nana ne pratiquerait jamais la magie.
Et elle, même si elle ne comprenait pas tout, se sentait aussi fragile que la poupée de porcelaine dans sa chambre, confortablement assise dans un siège en velours. Nana la haïssait. Tout comme elle se haïssait, d’être si faible, trop frêle pour manier la magie. Nana a quatre ans et demi.

On l’avait entourée de magie. Elevée dans un cocon, perdu dans les montagnes japonaises. Tout les matins, elle prenait son petit déjeuner près du jardin, observant avec attention son grand père ratisser, arroser, planter. Sa grand mère tressait ses cheveux en chantant, avec sa douce voix un peu cassée par les années. La vie lui semblait si douce, que finalement, elle n’aurait pas besoin de magie pour reproduire cette simplicité bienheureuse. Quand son grand père en avait fini avec son jardinage, il se changeait, et l’emmenait à son cours de kendo. Et pendant deux heures, Nana s’appliquait à rendre fier le vieil homme, qui assistait à tout ses entraînements. Elle aimait particulièrement quand ils rentraient. Il sortait toujours de sa poche, mine de rien, une sucrerie différente, chaque jour. Et elle occupait le reste de sa journée à lire les bouquins que son père lui rapportait de Londres, chaque week end. La vie dans la chrysalide dura six ans. Et maintenant que Nana s’en rappelle, cette éternité d’enfant se réduisait à peau de chagrin.

Grand mère l’avait bordée, avant de retourner dans la pièce principale. Mais elle ne pouvait pas s’endormir. Parce qu’à travers les fines cloisons, elle entendait que se jouait son avenir. Elle sentait que, comme le monstre dans ses cauchemars, toute l’attention se tournait vers elle. L’obscurité de sa chambre l’étouffait, ses yeux bouffis de sommeil croyaient distinguer un milliards de paire d’yeux.
Glissant hors des draps, se faufilant à travers la maison, tendant l’oreille du mieux qu’elle le pouvait.
Et cette nuit là, ses parents décidèrent qu’elle irait à Poudlard. Nana a bientôt onze ans, mais retournait sagement dans son lit, sans faire de bruit.

Loin, très loin de son cocon, Nana paniquait, malgré la main rassurante de sa soeur dans la sienne. Elle avait un uniforme gris, et maudissait déjà cette fade couleur, qui réaffirmait sa faiblesse dans ce monde qu’elle ne connaissait pas. Si gris, si bruyant, et désordonné. Nana perdait pied. Elle s’accrochait, sans vraiment savoir dans quel intérêt elle s’accrochait. Mais elle serrait fort la main de sa soeur, qu’elle lâchait presqu’aussitôt dans les couloirs de Poudlard. L’école, démesurément grande, écrasante. Nana ressentait toutes ces choses que racontait Alice. Tout semblait absurde, et elle si petite.
Et elle se réfugia dans ce qu’elle avait toujours fait. S’appliquer à étudier, avec acharnement, tout ce qu’on lui donnait, et surtout, tout ce qui la passionnait. Pour être au moins aussi brillante que le reste de ses camarades. Pour ne pas décevoir ses parents.
Jusqu’au jour où, jouant innocemment avec une amie, elle fut soudainement douée de magie. Nana atteignait ses douze ans.