our galaxy • texazona

Le corps endormi de l’adolescent se soulevait au rythme des inspirations paisibles. Le sommeil était serein, l’esprit embrumé, le subconscient n’avait rien à lui partager. Il n’en aurait pas le temps, de toute manière ; la sonnerie du pineapple filtrait dans ses pensées. Un grognement fendit sa gorge, tandis que ses paupières se relevèrent péniblement. L'accommodation des pupilles lui délivra finalement le message. Arizona avait besoin de compagnie. L’écran affichait trois heures vingt huit. Long soupir. Sa soeur était une de ces personnes qui ne dormaient, pour ainsi dire, jamais. Muscles étirés, carcasse couverte d’un simple sweat et d’un short, il quitta silencieusement sa chambre. C’était plus par précaution que par réelle conviction. Tous s’étaient accommodés des ronflements de Yannis ; ce n’était pas un fin minet comme Texas traversant la chambre qui les réveillerait.

L’ombre filait sur les murs éclairés par la Lune, priant pour ne pas croiser Misa. Il se fichait pas mal des sabliers et de leurs contenus, mais il n’était pas friand des conflits hiérarchiques. Les marches de la tour d’astronomie furent rapidement avalées. La chevelure blanche de sa cadette, dos à lui, flottait sur ses épaules. Texas oubliait hâtivement ses vices et ses limites quand elle se trouvait à ses côtés. Arizona jouissait de cette aura d’apaisement, bénéfique pour les autres. Enfin, au moins pour lui. Juste pour lui, espérait-il. Sa soeur. A lui. Seulement.

« Tout va bien ? » Toujours doux et prévenant, sa voix adoptait un ton tendre, mais épris d’inquiétude. Texas la rejoignit en quelques foulées à peine. Il connaissait la passion d’Arizona pour l’astronomie et il savait aussi qu’elle aimait dessiner sur lui moultes constellations qu’elle apercevait dans le ciel. Il lui donna un léger coup de coude, les lèvres fendues d’un sourire enjoué. « Tu veux dessiner ? » Si elle se livrait avec passion à ses gribouillis, Texas avouait aussi aimer ces moments-là. C’était des instants intimes et fraternels, durant lesquels l’un et l’autre partageaient amour et solitude. Parfois, ils ne communiquaient rien d’autre que le silence. Mais ce soir, Texas avait envie de parler. La pénombre de la nuit s’y prêtait bien.

Lovée dans ses bras, Arizona lui rappela à quel point il était parfait, lui arrachant un sourire. Même si c’étaient des choses agréables à entendre, ses lèvres s’affaissèrent presque aussitôt. Texas n’avait pas toujours été là pour elle, bien au contraire. La mission confiée par sa mère revenait parfois le hanter. Comment aurait-il pu volontairement blesser cette perle qu’était sa soeur ? Il n’y avait pas de demi à avoir. Ils étaient du même sang ou ils ne l’étaient pas. Le liquide sali des Disney couraient dans leurs veines à tous les deux, sans distinction.

Le jeune homme demeurait en colère, un état permanent qui lui rongeait l’existence. Leur père avait détruit Arizona. Sans aucun scrupule, son enfant, il l’avait battu et abandonné. Texas se sentait parfois coupable. Coupable de n’avoir rien vu, de ne pas avoir pu agir. Mais une voix lui murmurait que ce n’était qu’un enfant, un enfant manipulé par des adultes mal-intentionnés et profondément mauvais.

Aujourd’hui, il ne pouvait qu’aider sa soeur à passer à autre chose. L’épauler et l’écouter, lui fournir affection et attention.

Arizona ôta le sweat de son frère, afin de pouvoir dessiner librement. Installés près de la fenêtre de la tour, un bref courant d’air lui arracha un frisson. Après les mains, ce furent les feutres qui coururent sur son dos. Texas jugea le moment opportun pour prendre la parole. « Arizona ? » lança-t-il dans un chuchotement, comme s’il ne fallait pas entacher le silence de la nuit. « Raconte-moi tes tourments. » Elle ne dormait pas, elle l’avait appelé à l’aide. C’était une demoiselle assez mystérieuse, mais ils se connaissaient. Ils savaient des horreurs au sujet de leurs enfances. Pour autant, Texas était persuadé de n’avoir qu’un extrait de la dureté avec laquelle son innocence fut arrachée.

Peut-être pensait-il au pire. Peut-être que ce n’était qu’un garçon, un genre de garçons qui pensait mériter les beaux yeux de la belle Arizona. Dans ce cas, il se ferait un plaisir d’aller lui redécorer le visage.