Masterchef ft. Louci

Il y avait toujours une bonne occasion pour cuisine. Pour se soulager du stress d’une longue journée (ou d’un tournoi particulièrement mouvementé). Pour combattre l’ennui, la vacuité des sens et la monotonie de l’ordinaire. Mais aussi pour se changer les idées quand elles se bousculaient inutilement dans sa tête. Ou encore pour mettre un point d’honneur à une belle journée. Quoi qu’il en soit, c’était toujours avec son sourire, sa démarche chaloupée qui faisaient cliqueter sa quincaillerie et  danser ses mèches rebelles que Calista descendait dans les cuisines. L’espagnole voulait absolument tester une nouvelle recette d’empanadas pour impressionner ses collègues lors de leur prochaine réunion et il était hors de question de les décevoir ! Ce que la sorcière ignorait, c’est qu’en passant ces portes familières et chaleureuses en sautillant, elle allait tomber nez à nez avec un intrus de la pire espèce.

Lucius Redmond, surnommé affectueusement Louci, pour Lucifer - son collègue portait mal son patronyme lumineux. Si Calista Santiago était un soleil andalou rayonnant par un beau matin -attention aux coups de soleil !-, Lucius Redmond était un dimanche après-midi gris et pluvieux où l’on était forcé de rester enfermés et de s’ennuyer entre quatre murs. Autant vous dire que ces deux-là se mélangeaient aussi bien qu’huile et vinaigre ( Lucius étant le vinaigre dans cette métaphore).

Oh. Holà Louciii ! Tu t’es perdu ? Les goules, c’est la porte à côté, dans les cachots.

Elle savait à quel point il détestait que son nom soit mal prononcé. Elle appuya donc ses syllabes plus que les autres.

La jeune femme trouvait l’énergumène franchement désagréable et se demandait honnêtement ce que sa chère amie avait pu lui trouver. Elle concluait généralement que Margarita aimait tout simplement les animaux à sang-froid et que cela devait faire partie d’un sorte de fantasme étrange qui la dépassait. De plus, la sorcière l’avait déjà entendu tenir des propos douteux sur ses élèves ainsi que ses collègues. L’espagnole s’amusait bien souvent à l’irriter, n’hésitant pas à faire preuve de répartie à son tour.

Elle s’approche et se penche vers sa table. Elevant la voix comme à son habitude

Mais qu’est-ce que tu fais là, dis-moi ? Hééé, tu cuisines ? Je ne savais pas que tu savais faire ça !

Elle imaginait très mal son collègue cuisiner des petits plats avec amour.

D’accord, cette petite boutade n’était peut-être pas aussi innocente qu’il n’y paraissait, mais qu’est ce qu’il venait faire sur son territoire aussi !? Son collègue froid et désagréable qui venait envahir son sanctuaire ? Evidemment qu’elle devait le taquiner. Avec un peu de chance, il finirait par prendre la fuite ! Sans même lui accorder un regard, il se permettait une faible répartie. L’espagnole aurait pu surenchérir avec une remarque désobligeante sur sa mère, mais le connaissant mal, elle préférait s’abstenir. La sorcière réplique avec une assurance à toute épreuve - convaincue que c’était elle la plus attirante de la pièce.

Pffff, c’est faible Louci. Je sais que je suis caliente

Sa remarque n’entame pas son sourire ni son optimisme alors qu’elle ajuste ses mèches bouclées. Curieuse, Calista s’approche de ses préparations, toutes pesées avec soin. Comme c’était curieux ! Elle utilisait des quantités approximatives, ajoutant un peu plus ou un peu moins en fonction de ses envies. Pour elle, la cuisine c’était avant tout du plaisir, mais aussi de l’instinct. Elle identifie rapidement les ingrédients, sachant que sa présence rapprochée allait forcément irriter son collègue. Il relève d’ailleurs son regard glacial et perçant vers elle pour lui lancer une vacherie. Fronçant le nez, elle réplique faussement sur le ton de la confidence pointant du doigt sa préparation:

Un conseil, diminue un peu tes méchancetés ou ça va devenir amer.  

Comme toi

Calista savait que Louci était intelligent, plus qu’elle. Heureusement elle pouvait dévier ce genre de remarque en se disant qu’elle au moins parlait 3 langues et que Môsieur Loucifer ne pouvait pas en dire autant.

Non, j’ai tout terminé, merci de t’en inquiéter !

Il y a un soupçon d’hypocrisie dans son large sourire alors qu’elle prétend ne pas avoir compris son intention. La sorcière n’a pas l’intention d’abandonner du terrain bien au contraire, elle allait passer à l’offensive.

Des sucreries, hé ? J’ignorais que tu avais l’âme d’une grand-mère. Tu n’essaies pas d’empoisonner une de mes collègues j’espère ?  

Peut-être qu’il préparait ça comme une blague pour quelqu’un ? D’un geste, elle pioche une pincée de poudre cristallisée blanche et la goûte. Non c’est bien du sucre.

Calista pouvait imaginer clairement Louci, en super vilain de dessin animé en train d’ajouter discrètement de l’arsenic ou un venin quelconque afin d’empoisonner Margarita ou encore Satou. Après tout, il se plaignait sans cesse qu’il aurait préféré enseigner leur matière ! Cet homme ne faisait que se plaindre, râler et dire des méchancetés. Jamais content, comme s’il avait un nuage noir constant au dessus de la tête. Amer, oui c’était le mot. Et aigri aussi. Son collègue ignore sa remarque hostile et réplique avec un sarcasme non dissimulé.

Woaw, c’était presque de l’humour. T’as mangé un clown ce matin ?

Le sorcier aurait pu être drôle si seulement il savait sourire et pas simplement répondre d’un ton blasé ou encore exaspéré. En tout cas l’espagnole n’avait pas fini d’irriter son collègue. De toute évidence sa stratégie commençait à fonctionner puisqu’il s’écartait d’un pas. Calista n’était pas mondialement reconnue pour être discrète, ni pour respecter l’espace personnel des autres, c’était un fait. Pas question de reculer alors qu’elle était sur une si bonne lancée. Elle se rapproche et ponctue sa phrase d’un éclat de rire.

Oh sí je vais rester un bon bout de temps. Tu vois, moi aussi j’ai eu envie de cuisiner. Les grands esprits se rencontrent !  

Oh il peut l’appeler par son nom de famille et la vouvoyer, l’espagnole n’en a que faire.

Alors qu’est ce que tu nous mitonnes mon petit Louci ? Des petits gâteaux ?

Demande-t-elle, vraiment curieuse et prête à se moquer, bien évidemment. Il y avait quelque chose dans le comportement de son collègue qui lui donnait envie de l’embêter. Peut-être même de mélanger ses pesées soigneuses. Elle se ravise après avoir constaté qu’il était bien déterminé à l’ignorer et lui lance avec un large sourire :

Oké. Continues de bouder ~

Pas question de céder du terrain pour autant, elle avait décidé de cuisiner aujourd’hui et avait bien l’intention de le faire comme si elle était seule en cuisine.  Abandonnant son collègue à un moment de répit bien mérité. La sorcière enfile son tablier, attache ses cheveux et va chercher un tas d’ingrédients dans le garde-manger. Et quel est le meilleur endroit pour commencer à préparer ? Sur la même table, juste en face de son collègue favori, bien entendu. Elle s’empare d’un gros couteau pour commencer à découper le poivron et donc reprendre une conversation à sens unique. Calista aimait parler, même si elle devait s’adresser à un mur ou une audience captive.

C’est marrant, j’aurai cru que tu allais utiliser ta baguette pour faire ça.

Elle agite son couteau en l’air pour imiter le geste d’une baguette.

Comme quoi, hé !

Si son bavardage n’avais pas raison de lui, elle avait encore de la bonne humeur à afficher et plus d’un tour dans son sac.

C’était toujours avec le sourire que Calista livrait ses batailles, aussi futiles soient-elles. Et l’expression grimaçante de son collègue en la voyant s’installer constituait une belle petite victoire. Elle avait du mal à comprendre pour ce sorcier en particulièrement - lui qui parlait si mal de ses élèves adorés, les moldus et cracmols - cuisinait, il fallait le préciser, comme un moldu. Information intéressante qu’elle ne manquerait de lui balancer au visage la prochaine fois qu’il aurait quelque chose de désobligeant à dire à leur sujet. Ou bien elle pourrait simplement glisser l’information à l’oreille de ses élèves, il en fulminerait.

L’espagnole pensait avoir atterri dans la quatrième dimension, vu qu’elle était d’accord avec l’antéchrist son collègue. Il allait probablement neiger au mois de juin.

Loucious Redmond qui cuisine comme un moldu. Et bien j’aurai tout vu ! Mais je suis d’accord avec toi, c’est plus….hmmm… thérapeutique comme ça.  

Le simple fait qu’elle était d’accord avec lui devrait l’alarmer, non ? L’andalouse aurait eu un frisson de dégoût si on lui avait dit un jour qu’elle aurait quelque chose en commun avec cet individu désagréable. Mais sur le moment, c’était plus surprenant que dégoûtant.

Elle éclate d’un rire ravageur alors qu’il suggère ce genre d’idioties. Elle l’observe néanmoins contourner la table, lentement, comme le reptile qu’il était, un peu méfiante.  

Crois-moi Louci, si je flirtais avec toi, tu le saurais.

Une fois de plus, la discrétion et la subtilité ne faisaient pas partie de son vocabulaire. Pas question de lui laisser du terrain, l’espagnole ne bouge pas, le défiant du regard avec un sourire en coin.Le professeur d’Alchimie a beau être grand et mesuré, elle en a vu d’autres et refuse tout simplement de se laisser impressionner.

Tu n’es pas mon type. Et je sais que tu préfères les petites françaises blondes, non ? Tu sais, Margarita parle beaucoup. Elle m’a donné tous les détails.  

Ce n’était pas tout à fait vrai. Calista avait eu quelques détails. Mais l’idée était d’embarrasser son collègue en sous-entendant qu’elle connaissait des détails...intimes sur sa personne. Il pose la main sur le couteur pour l’abaisser. En soi, ce n’était pas aussi dérangeant que l’insulte qu’il venait de lui balancer avec son sourire condescendant. La sorcière lui lance un regard assassin alors que son sourire s’efface. Non clairement, l’insulter alors qu’elle était armée n’était pas la bonne idée et le sorcier avait mal calculé ses risques. Il avait de la chance qu’elle se maîtrise suffisamment, de peur de perdre son emploi, sinon il y aurait probablement laissé un doigt.

J’ai plus d’expérience avec un couteau que toi avec ta baguette. C’est toi l’amateur, Louci..

Le sous-entendu était intentionnel, l’accent français pour amateur aussi. Elle retrouve son ton chantant et un léger sourire alors qu’elle profère ses menaces

Maintenant, si tu tiens à tes doigts, recule et laisse moi travailler.

Qui voudrait rester dans une cuisine avec une espagnole au sang chaud, armée d’un couteau. Le professeur d’alchimie n’avait pas peur du danger, pourtant.

Si la sorcière connaissait assez mal son collègue, au moins elle pouvait se vanter d’avoir réussi à le vexer. Le professeur d’alchimie était réputé pour sa langue de vipère mais avec l’espagnole, il avait une adversaire de taille. Non, Calista n’était pas du genre à se laisser faire. Elle répliquait et contrairement à Margarita, elle n’avait pas la faiblesse d’être tombée sous son charme de reptile. Elle préférait de loin les créatures au sang chaud. La jeune femme l’observe douter. Voilà qu’il doit se demander ce que son amie a bien pu lui raconter. En vérité il n’y avait rien de bien honteux, à part avoir succombé à cet homme désagréable. Bon d’accord, il n’était pas laid à regarder mais sa personnalité ? Calista était une femme qui se respectait bien trop que pour avoir une quelconque attirance pour quelqu’un de si désagréable et qui la méprisait sans le moindre scrupule.

Ne prends pas tes rêves pour des réalités

Se moque-t-elle avec un éclat de rire. Mais sa bonne humeur en prend un coup quand il ose suggérer son manque de capacité. Pour Calista, la cuisine c’était son territoire, son sanctuaire. Il n’avait rien à faire là. Une fois menacé, il se retire. C’est qu’il sait évaluer les risques finalement ! Non, on ne met pas en colère une méditerranéenne avec un couteau, très mauvaise idée.

Une fois l’intrus parti, Calista se remit au travail. Poivrons, tomates, ail, piment,  chorizo persil et l’oignon - qui lui arracha une petite larme - tout passait sous la lame de son couteau, découpé avec la précision et la rapidité de l’habitude. Au contact de ces produits familiers elle retrouve sa bonne humeur. Ca se voit qu’elle est une bonne cuisinière non ? Evidemment que Louci ne sait pas de quoi il parle. Il est britannique. Et tout le monde savait que pour Calista, les anglais ne savaient vraiment pas cuisiner.

Et puis une question. Elle relève sa crinière. Pardon ? Une question ?

Empanadas. C’est mexicain. Mais je vais essayer de le faire à ma façon ~

Malgré le bout de parchemin froissé qui se tenait sur le coin de la table, barrés d’instructions écrites à la hâte en espagnol, l’andalouse se fiait rarement à une recette et ne la suivait jamais à la lettre. Elle jette un oeil à la préparation de son rival, de toute évidence une pâte à biscuit quelconque. Sans demander la permission, elle s’empare de la farine sur son plan de travail, mais un peu trop brutalement puisqu’elle en renverse un peu sur sa table. la poudre volatile s’accroche partiellement sur les vêtements sombres de son collègue.

 Oups, pardon .

La sorcière n’avait vraiment pas fait exprès. En même temps c’était la faute de Lucius à toujours s’habiller en noir, ça allait se voir ! Et puis il n’avait qu’à porter un tablier. On ne cuisine pas sérieusement dans cette tenue ! Un rose à pois jaune avec des canards, pourquoi pas, ça lui irait à ravir.

Tu devrais mettre un tablier quand tu cuisines, Louci, ce n’est pas très professionnel.

Calista parvenait difficilement à se retenir de glousser de rire à l’image de son collègue si sérieux et lugubre avec un joli tablier à pois en train de cuisiner des gâteaux dans un décor rose et bleu en mode Le meilleur pâtissier. Vu l’absence de robot de cuisine et le manque de temps, elle se résout à utiliser sa baguette afin de préparer une pâte brisée dans un bol et prend ensuite la fuite vers les fourneaux où sa préparation cuit tout doucement. Les parfums qui s’en échappent donnent l’eau à la bouche et alors qu’elle remue le tout en fredonnant Despacito assez fort rien que pour ennuyer l’autre occupant de la pièce.

Le professeur d’alchimie répondait avec cet expression de profonde exaspération qui lui était caractéristique. De toute façon Calista n’avait jamais vu un sourire sur le visage de cet homme, exception faite de ses rictus moqueurs. Il ne tirait probablement du plaisir que du malheur des autres. Quel dommage, alors que Calista croyait fermement qu’une personne qui savait cuisiner ne pouvait pas être mauvaise, voilà l’exception qui confirmait la règle.

Les légumes et autres ingrédients mijotent tranquillement dans la poêle bien chaude.Malheureusement sa réinterprétation du grand titre international “despacito” n’avait arraché aucun soupir ni réaction de l’envahisseur. Quel dommage, Calista comptait beaucoup sur la mélodie répétitive pour tenter de le faire fuir. Sa voix était probablement trop harmonieuse pour ça !  L’odeur la ramène en arrière. Et c’est un titre classique qu’elle se met alors à chantonner, à voix plus basse, plus pour elle-même que pour son collègue. Un souvenir.

L’air de Besame Mucho sort d’une vieille radio dans une petite cuisine carrelées aux motifs bleu et blanc andalous. Derrière les fourneaux une silhouette familière. Un chignon à moitié défait, une jupe longue, un chemisier à fleur. Lorsqu’elle se retourne, son visage fripé comme une vieille pomme lui sourit alors qu’elle appelle Calista de sa voix rauque d’avoir fumé trop de cigarettes dans sa vie. Abuela. La vieille dame se met alors à fredonner l’air à son tour. Son abuela qui l’aimait de tout son coeur, qui avait prié pour que le seigneur sauve sa petite-fille de cette sorcellerie. Son abuela qui n’avait plus jamais été la même depuis ses 11 ans. Abuela qui demeurait aujourd’hui, avec ses amies, dans ces cimetières du sud, où les morts ont entreposés dans des rangées de petits casiers. Elle allait y déposer une rose, chaque été.

Retour au présent, la jeune femme s’est arrêté de chanter. L’air de guitare s’efface dans ses oreilles. Elle est loin Séville. Elle est loin l’Espagne. Il faut regarder vers l’avant, foncer, comme un taureau, n’est-ce pas ?

Elle s’empare de la poêle et se retourne pour retomber sur son collègue qui l’observe d’un peu plus loin, comme une vieille goule. Il essayait de lui soutirer des secrets ?  Pfff, il n’était pas bien discret. Il n’avait rien de mieux à faire  ? Genre surveiller ses gâteaux ? - Voilà qui était bien hypocrite de la part de la jeune femme qui n’avait fait que se faire entendre et remarquer depuis qu’elle était là. S’il s’était montré gentil et intéressé, elle ne voyait aucun inconvénient à partager ses secrets. De plus l’espagnole était suffisamment confiante : un blanc-bec britannique comme Lucius Redmond ne parviendrait pas à la vaincre sur son terrain. Trop fade sans doute.

Ah ! Chaud devant !

s’écrie-t-elle avant de rejoindre la table. Elle s’en va d’un pas rapide et chercher des cuillères pour goûter.

Tu vas rester planté là où tu veux te rendre utile ? Essaie ça.

La jeune femme goûte en premier bien entendu. C’était parfumé et épicé, comme il le fallait, comme elle l’aimait. Toutefois ses sourcils se froncent alors qu’elle tapote le dos de la cuillère sur ses lèvres.

 Il manque quelque chose. MmmMmmmmmMmmm…..

Mais quoi ? Le calcul se fait rapidement dans sa tête empanadas. Mexique. Citron vert évidemment. Sans attendre, elle court vers le garde-manger pour revenir avec le précieux fruit. Le zeste apporterait un peu de fraîcheur sans ajouter du liquide à la préparation. Parfait ! Elle s’exécute et goûte immédiatement. Impeccable. Elle laisse retomber la cuillère comme un rappeur laisse tomber le micro avant d’enchaîner une petite danse de la victoire avec un sourire ravi.

Quién es la jefa ? Soy el jefa. ah si ah si !

Elle n’avait pas besoin de la validation de son collègue pour savoir que c’était elle, la patronne. Son enthousiasme remonté aux hormones elle enchaîne sur la préparation des petites poches, trop heureuses que pour faire la gueule à cet énergumène lugubre qui lui servait de collègue.

Alors Louci, qui t’as appris à cuisiner ?

Elle avait l’habitude d’alimenter une conversation seule, si jamais il souhaitait ne pas répondre.

Evidemment que le citron était la réponse ! Tout était meilleur avec du citron. Quoique, L’espagnole pouvait toujours coller une centaine de tranche de citron sur son collègue, il resterait toujours aussi amer et désagréable. En plus ça serait gâcher du bon citron pour rien.

La jeune femme n’attend pas de remarque de son interlocuteur qui reste aussi loquace que les gargouilles qui surplombent le château. Elle ne manque pas de remarquer qu’il pioche à nouveau dedans. Probablement l’effet addictif du chorizo ! C’était sa signature. On ne pouvait pas gâcher un plat avec un bon chorizo qui donnait du goût. Et puis les hommes avaient cette fâcheuse manie de toujours piquer dans les assiettes. Comme son père. Et comme son fiancé qui goûtait sans cesse avant que ça ne soit prêt. Elle prit donc ce geste comme un compliment non avoué qui la fit rayonner d’assurance.

Calista, contrairement au maître en alchimie ne cachait pas sa joie, au contraire, elle l’exhibait en secouant les épaules et le bassin. Bref, ce n’était pas fini pour autant il fallait réussir les poches. Une fois la pâte abaissée, c’était du travail minutieux. Elle devait recommencer plusieurs fois pour obtenir des cercles bien nettes avant d’en former des poches en demi-lune. L’idée était d’en faire des petites bouchées, à servir en tapas. Un peu de jaune d’oeuf avec un pinceau, quelques minutes au four et le tour serait joué. Peut-être même qu’elle en ferait un spécialement pour Lucius en dessinant un visage grognon.

Ce dernier d’ailleurs fini par parler, sur ce même ton monotone avec lequel il parlait d’habitude. Sa maman chérie lui avait appris à cuisiner ? Marrant, elle ne l’avait jamais imaginé comme un fils à maman. En même temps il ne devait pas avoir beaucoup de copains étant jeune avec une personnalité aussi solaire. A sa surprise, il lui retournait la question. Simple politesse ? Louci ne se préoccupait pas de ce genre de chose.

Mon abuela m’a appris, c’est ma grand-mère. Mais ma mère aussi. Et puis voilà j’ai touché-à-tout. A Beauxbâtons nous avions des chefs réputés ! La nourriture y était excellente, bien meilleure qu’ici !  

Calista, difficile ? Non. Exigeante, c’est différent. Alors que le pâtissier entrouvre le four, une douce odeur sucrée effleure les narines de la jeune femme. L’odeur de la pâtisserie. On en faisait rarement chez elle, c’était un luxe et une perte de temps. Même pour les anniversaires on préférait aller manger une glace tous ensemble. Le plateau de cookies chaud arrive et elle ne parvient pas à retenir un “oh” de surprise.

Ils sont...si réguliers.

C’était très joli mais aussi un peu dommage. Ca leur enlevait ce petit côté artisanal, contrairement à ses empenadas. Bon. Certes ils étaient jolis. Mais est-ce qu’ils étaient bons ?

Calista profita de l’opportunité pour enfourner ses empenadas tapas - ses empatapas - et de lâcher une petite pique sur le chemin du retour, posant son derrière sur le plan de travail.

 Dis moi la vérité, t’es toujours aussi grognon ou si juste quand t’as pas ta dose de sucre ?

La sorcière était la première à admettre qu’elle était particulièrement irritable lorsqu’elle avait faim. Peut-être que c’était pareil pour lui. Louchant sur les friandises qui traînent depuis quelques minutes sur le plan de travail elle finit par s’en emparer d’un en esquissant un signe de croix de sa main libre.

J’espère qu’il ne sont pas empoisonnés.

Avant d’hausser les épaules.

meh, il faut bien mourir de quelque chose.

Et d’en prendre une bouchée. Le cookie un peu trop chaud fond dans la bouche. Pas sec ni trop sucré comme ceux de magasins, juste ce qu’il faut.

MMMMMMmmmmmm.

Orgasme gustatif, même elle devait admettre qu’ils étaient meilleurs que ceux d’Alyce.

Okay. Ils sont pas mal tes gâteaux.

Elle louche de nouveau sur le plateau

Tu vas manger tout ça tout seul ?

Parce qu’elle était volontaire pour s’empiffrer évidemment.

Elle avait beau trouver son collègue fortement déplaisant, lorsqu’il s’agissait de gastronomie, la jeune femme savait se montrer plus ou moins objective. Ses cookies étaient jolis, féminins et délicats. Calista n’avait pas fini de le taquiner sur son goût pour le sucré. Il fallait dire que c’était incompréhensible ! Quelqu’un d’aussi amer et aigri en train d’enfourner des petits cookies ! C’était comme imaginer le général Franco en train de peindre des petites fleurs roses pendant son temps libre. Lucius Redmond avec une sensibilité de grand-mère, la comparaison s’arrêtait là, l’énergumène n’avait rien de maternel.

Et si Calista avait appris la tentative d’empoisonnement d’Andy Ollivander, elle aurait été bien moins cordiale. Pour ainsi dire, le visage du professeur d’alchimie aurait connu l’empreinte de sa main droite ainsi que diverses menaces. Et si elle avait su, elle ne se serait certainement pas jeté sur les cookies. Ces histoires d’empoisonnement, c’était plus pour le taquiner. Et qu’est qu’il était facile à embêter !

Pendant un instant, l’espagnole considéra l’option de déverser un kilo de sucre sur sa tête histoire de le rendre plus joyeux. En tout cas ce n’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde, dès qu’elle entendrait sa voix désagréable répliquer de façon désobligeante dans la salle de profs, elle lui proposerait une chocogrenouille, ou encore un snickers. A moins qu’il ne veuille dire autre chose par ”sugar”, mais pour ça il fallait demander à Margarita !

Et voilà qu’elle en aurait craché son cookie de surprise. C’était quoi ça ? Un sourire. Appelez la police, les pompiers, faîtes quelque chose ! La jeune femme garde cependant la bouche close, parce que perdre une miette de cookie fait maison aurait été un crime. Calista s’attendait à se faire envoyer bouler avec un “bas les pattes, morfale” de la part du pâtissier. Quelle surprise de recevoir trois cookies. Pas un cookie supplémentaire mais trois ! Soit l’alchimiste aimait que sa cuisine soit appréciée, soit il y avait anguille sous roche. Si les biscuits étaient empoisonnés, il valait mieux pour Lucius que ce soit létal car si Calista parvenait à survivre, elle ferait sa mission de le retrouver et de le tuer.
Ou peut-être que Lucius était comme un gamin difficile, qu’il suffisait de le complimenter et de l’inclure dans quelque chose qui l’intéressait un peu pour découvrir une autre facette de sa personnalité.

Elle s’empara évidemment des biscuits et ajouta avec un sourire et un soupçon de français pour le panache de la plaisanterie :

Oh ? Donc j’ai droit à un traitement de faveur ? Monseigneur est trop généreux ~

Contrairement à son collègue, elle essayait d’être polie quand elle ne jurait pas comme un camionneur espagnol en train de suivre un match de coupe du monde. Alle ajoute avec un sourire humble :

Merci.

Qui sait ? Peut-être qu’avec un peu de gentillesse et de politesse, le lugubre Monsieur Redmond finirait peut-être par être tolérable. La sorcière avait de sérieux doute, mais cela valait la peine d’essayer. Surtout si Louci et Margarita se remettaient ensemble, elle devrait apprendre à se montrer moins désagréable avec l’élu du coeur de son amie.

 Oh tu en veux ? Bien sûr. Mais ce n’est qu’un test, tu sais. Elles devraient être prêtes dans quelques minutes.

L’andalouse soupçonnait son collègue de demander juste dans le but de pouvoir faire des critiques désobligeantes. Qu’à cela ne tienne, si c’était le cas il fallait plus qu’une langue de vipère pour ébranler sa confiance et sa détermination. En attendant, il lui reste du pain sur la planche. Si Calista adore cuisiner, le nettoyage c’était déjà moins son truc. Elle use donc de sa baguette magique pour laver et ranger les ustensiles dispersés sur son plan de travail. Un peu distraite elle manque de faire tomber un plat qu’elle ratrappe d’un coup de baguette, merci les réflexe. Ouf; tout juste.  C’est bien avec ses mains couvertes de gants qu’elle va chercher son plateau. Les petites pochettes ont l’air bien dorée et croustillantes en plus aucune n’a percé ! Elles pourraient plus jolies et plus nettes, mais pour un essai ça devrait suffire.

Je t’en prie, sers-toi. Attention c’est chaud !

Elle en prend une aussi mais attends le commentaire de son interlocuteur.