There you see her sitting there across the way
Le bruit de la salle est assourdissant, et la montagne de bouffe étalée sur les tables me donne la nausée, toutes les mains qui s'agitent, se précipitent pour attirer aux bouches répugnantes quelques goinfreries immondes. Les
autres n'ont aucune tenue, aucune finesse, ils engouffrent leur pitance comme des animaux, comblent les béances de leurs émotions puériles. Mais Emilie a faim et n'a pas arrêté de chouiner, Cinthya a approuvé et j'ai du faire preuve de générosité, pour daigner me déplacer en cet endroit dégoûtant. Je ne peux me permettre de les affamer, elles finiraient par ne plus me vénérer, ces infidèles.
— Et faites dans l'urgence, les odeurs me provoquent des haut-le-cœur. Il est important de souligner que je fais un grand sacrifice pour leur confort personnel, et qu'elles doivent m'être reconnaissante. Elles le seront, j'en suis sûre.
Ma suite se précipite à la table et, à la place qu'elles ont l'habitude de prendre, il y a une présence de trop qui trône où je suis sensée régner. Le siège est idéal : deux places libres à droite et à gauche, et le moins moche des serpents assis juste en face. Mais une garce a décidé de s'accaparer le privilège, et je n'ai même pas besoin de prononcer un mot pour que Emilie et Cinthya comprennent le problème. Mais leur aide est vaine et elles peuvent bien raconter ce qu'elles veulent, elles ne convaincront jamais
Eulalie Stoltman de céder sa (ma) place. Ce crapaud dénué de magie pouvait bien se goinfrer et devenir obèse si ça l'amusait, mais son postérieur n'avait pas à salir mon espace.
— Ne vous fatiguez pas. Un regard aux directeurs me permet de surveiller qu'ils ne soient témoins de rien, et en informulé, je déplace son corps immonde à la place d'à côté, récupérant enfin mon bien et m'installant à la table, à l'endroit désiré, désormais déserté par son fessier plat. Je ne peux m'empêcher de lui adresser un regard, du coin de l’œil, vérifiant l'intensité de son agacement - inutile - envers mon acte justifié.
Je ne m'encombre pas de lui expliquer, si elle avait un peu de jugeote, elle pouvait bien comprendre avec son esprit étriqué que cette place était la mienne et qu'elle n'avait pas à se l'approprier, et d'un mouvement du poignet, j'invite les deux imbéciles derrière moi à s'asseoir et à se sustenter.