Orchidée Deltour, une fleur sans couleurs.

Française de naissance, fille unique, Orchidée vécut très heureuse avec ses parents dans le Sud de la France, où la Nature avait tous les droits et la population était certes bourrue mais loyale, Personne ne savait que l'épouse était une sorcière, à part son père évidemment. Aussi vivaient-ils en apparence une parfaite petite vie de moldus sans problème.
Orchidée quant à elle souffrait d'une maladie peu commune, l'achromatopsie, à savoir l'absence totale de vision des couleurs. La cause en était inconnue, tant la frontière entre la génétique et la magie semblait confuse.
Quand sa mère mourut, Orchidée n'avait que 6 ans. Les débuts furent compliqués, le père ne dut son salut qu'à la présence d'une fille en bas-âge pour ne pas se foutre en l'air à son tour. Il ne sut jamais quelle fut la véritable raison de sa mort mais il se doutait bien qu'elle n'était pas accidentelle, ce qui l'anéantit d'autant plus. Le monde des sorciers pour un moldu était aussi impénétrable qu'une forteresse. Plusieurs années passèrent avant que la vie bon gré mal gré reprenne le dessus.

Son père finit par rencontrer une anglaise de son âge, elle-même mère d'une fille un peu plus âgée qu'Orchidée. S'ils semblaient tous deux filer le parfait amour, le climat fut glacial à l'encontre d'Orchidée, vestige handicapé d'une vie que sa belle-mère souhaitait effacer désormais. Au lieu de se trouver une sœur de substitution avec qui elle pourrait s'amuser et discuter de n'importe quoi, elle fut une souffre-douleur, un travail de sape insidieux que sa propre mère arrivait toujours à tempérer et dédramatiser. "Allons, ma fille est une perle, pourquoi irait-elle perdre son temps à embêter Orchidée ?"

Le temps finit par convaincre Orchidée de son inutilité même.

Le jour de ses 11 ans, un émissaire de Beauxbâtons vint annoncer qu'elle avait été admise à l'école de sorciers. Enfin, ce ne furent pas les termes employés devant la belle-famille, mais Orchidée fut complètement perdue car son père ne l'avait jamais incitée à travailler ses pouvoirs. La mort de son ancienne épouse et la douleur qui l'accompagnait restait toujours profondément ancrées en lui.
Son père tempêta, contesta mais une fois encore le choix ne lui avait pas été donné. Sa nouvelle épouse elle, en fut ravi : Un internat loin d'elle et déjà payée ? Mi-ra-cu-leux !!

Orchidée découvrit un univers onirique, toujours aux couleurs monochromes mais aux possibilités infinies. Seuls les professeurs furent mis au courant du handicap dont souffrait Orchidée, mais ses notes catastrophiques en potions et toute discipline nécessitant l'usage des couleurs lui firent redoubler une année.

Elle pallia cette déficience par une excellente mémoire, des visages, des dates, des recettes, bref tout ce qui pouvait objectivement être retenu et catégorisé.

Elle ne revenait voir son père que lors des vacances scolaires et sentit année après année les changements qui s'opéraient. Son père restait toujours ravi de revoir sa fille, mais le spectre de son ancienne épouse mit une fine barrière de glace qu'Orchidée fut incapable de briser. Ils appartenaient à des mondes différents à présent, et les liens du sang ne semblaient pas pouvoir y remédier.

Sa belle-mère étant anglaise, elle finit par convaincre à l'usure que vivre près de Londres serait une excellente idée pour s'épanouir. Le père aimait toujours la fille, mais la belle-mère avait des charmes auxquels Orchidée trop souvent absente ne pouvait contrer.
La décision fut prise de déménager alors qu'elle aurait dû commencer sa cinquième année à Beauxbâtons et sa belle-mère, ignorant toujours ce qu'était Orchidée, ne chercha pas plus loin qu'une école écossaise où elle se trouvait loin d'elle et du couple qu'elle formait avec son père.
À Poudlard, les débuts furent assez difficiles, Orchidée ayant une fois de plus perdu tous ses repères, le peu d'amis qu'elle s'était faite en France, et dut affronter les premiers mois la barrière d'une langue qu'elle maîtrisait que trop peu. Le seul avantage qu'elle tira de sa belle-mère fut qu'elle lui apprit la langue de Shakespeare, lui permettant de se débrouiller seul parmi les autres anglophones.
Aujourd'hui, l'âge lui permettant d'acquérir un minimum de maturité, elle aimerait cesser d'être "la petite fleur" pleurnicheuse qui encaisse, encore et encore, parfois sans rien dire, parfois dans une lutte vaine de prendre l'ascendant. Foncièrement gentille, généreuse, serviable, attentionnée, elle aimerait de temps à autre faire mal, très mal par les mots ou par les gestes, jubiler de l'humiliation de celles et ceux qui ont participé à son calvaire.

Un prêté pour un rendu. Toutes les fleurs ne sont pas juste belles à regarder.