vibrations passagères, désagréables quand elle te parvienne à l'oreille. ça tourne, ça tangue, ça pulse un instant puis d'un coup, plus rien. kahina se tourne puis se retourne, cachée sous un pan de couette démesurément grand, si grand qu'il l'engloutit presque autant que ses songes. puis d'un geste dépourvu de zèle, elle saisit son téléphone, ouvre la première notification qu'elle y croise, prend le temps de lire le message, de répondre et puis repose l'objet qu'elle maudit aussitôt. ça devait être si agréable du temps où il n'y avait pas de sms. pouvoir rester pieuté oklm alors qu'on est censé être ailleurs sans se le faire rappeler dans la minute. en l'occurrence elle a déjà bien dépassé le quart-d'heure de retard. elle finit donc par se lever, s'affaire quelques minutes à redonner un peu de prestance à ses cheveux en bataille et enfile une des robes présentes dans sa penderie ainsi que le premier manteau trend qu'elle attrape sans oublier de prendre un foulard. une fois vêtue convenablement, elle s'empresse de quitter le château, direction pré-au-lard, direction son nouveau devoir.
ce devoir porte le doux nom d'ulysse, métastase entrée sans prévenir dans sa vie. on le lui a déposé comme ça, du jour au lendemain, sans mot d'excuses et sans joli ruban. et c'est à ce dernier qu'elle s'est empressée de répondre par un mensonge brodé à la va-vite comme on en trouve très probablement sur justifier-son-retard-spécial-sorcier.com. pourquoi ? sans doute parce qu'elle trouve préférable de siffler un bobard à son futur compagnon de vie plutôt que de lui dire qu'elle n'a pas envie de le voir, que la simple vue de sa silhouette lui est insupportable, qu'elle ne se fait tout simplement pas à l'idée et que ça l’écœure que lui puisse s'y plier avec la souplesse d'un bambou. depuis l'annonce par lettre de sa famille, la jeune femme à la peau tannée par les caresses du soleil a l'impression qu'elle s'enfonce encore un peu plus et qu'on lui arrache les derniers rayons de liberté qu'elle entrevoyait jadis. elle se voit encore perdre quelque chose et elle ignore si elle va pouvoir encore longtemps supporter de se vider à petit feu. elle en a marre qu'on lui prenne tout, marre de tenter de se reconstruire, de recoller les morceaux et d'en rajouter, d'en agglutiner au point qu'il n'y ai plus la place de pleurer.
marée haute.
marée basse.
cet océan d'émotions qui la submerge se fiche de tout, il prend la houle à contre-sens. elle se dit que malgré ses récents efforts pour quitter les normes dans lesquelles on l'enferme depuis toute petite, rien n'a vraiment changé. elle est toujours là, à répondre aux exigences de ses parents par un assentiment. elle baigne encore dans la contrainte et reste un petit automate qu'on commande à distance. on prend des engagements qui concerne sa personne alors qu'elle est à l'autre bout du monde, incapable de répliquer, d'enfin pouvoir dire non. et elle est en rogne aujourd'hui. encore une chose qu'on lui arrache, une chose qu'on lui vole, une chose qu'elle s'imaginait pouvoir garder pour elle et donner le moment propice. mais cette fois c'est différent, c'est son cœur qu'on lui prend, c'est son amour qu'on scelle dans un bloc de béton. un nouvel engagement, un nouveau maillon de chaîne dont elle ne pourra jamais se défaire.
elle finit par arriver devant le lieu de rendez-vous et bien qu'elle ait rudement envie de tourner les talons, elle continue d'avancer vers la grande et svelte silhouette qui patiente probablement depuis seize heure devant l'entrée du salon de thé. une fois à sa portée, elle lui adresse un bonjour de circonstance, n'attendant pas le sien avant de passer la porte du lieu qui s'avère être des plus minuscules et qui dégage une coquetterie palpable du bout des doigts. du rose à perte de vue, des nappes jusqu'au fond des tasses. une atmosphère bonbon-princesse, un goût de sucre qui lui remonte en bouche et qui ne s'accorde que trop bien avec son ensemble pastel. parfait pour leurs familles, elle acquiesce, il n'aurait pu trouver mieux. elle n'a plus qu'à teinter ses mots de miel pour faire partie intégrante du décor. effectivement c'est bien choisi, quel sens de la mise en scène. divin simulacre, tout comme eux.
par galanterie ou dilemme, il lui laisse le choix de la table et elle opte rapidement pour celle dans le coin où elle semble apercevoir un semblant d'espace pour les jambes, ce qui il faut l'avouer est plus que souhaitable pour tout deux. elle se dirige donc là-bas, slalomant entre le mobilier qui l'en sépare. je vais prendre la place côté coin, histoire que tu ne te prenne pas la poutre à la minute ou tu seras tenté de bouger. si ça te convient. c'est mieux, elle croit. puis le coin c'est bien. dans le coin, elle a cette impression que si elle se fait assez petite, elle pourrait disparaître.
elle prend donc place autour de cette micro table digne des contes de fée, se rendant compte une fois assise que tout est bien trop serré. la table, les chaises, eux. à ce moment, elle voudrait que tout soit beaucoup plus loin. c'est donc en tâchant de retenir une remarque déplaisante qu'elle se met finalement à fixer la carte énumérant les diverses saveurs disponibles. elle n'a pas vraiment l'habitude de ce genre de lieu, ni des thés so british proposés et autant dire que ça ne l'emballe pas vraiment. alors au lieu de choisir, elle profite de l'instant pour jeter un bref coup d’œil en direction du gryffondor.
d'ulysse elle a tendance à ne voir que le négatif, ses prunelles biaisées par bien des rancœurs. elle qui serait capable de trouver des couleurs scintillantes partout doit se faire violence pour ne pas laisser sa subjectivité envahir ses pensées dès qu'il s'agit de lui. elle essaye, de tout son être, mais elle ne parvient à trouver de belles choses pour égayer le brouillard de guerre dans lequel elle chute chaque jour un peu plus. elle a bien trop de mal à se faire à l'idée que l'on lui impose quelque chose, une fois de plus. petite ça allait, ça passait comme une lettre à la poste. maintenant, elle fait la moue, elle boue de l'intérieur et elle a du mal à faire semblant. désolé pour le retard soit dit en passant. elle se sent un peu coupable de l'avoir fait poireauter, alors qu'il fait des efforts, qu'il est ponctuel, qu'il a pris soin de s'habiller avec classe et minutie. elle sait que c'est plus pour les photos qu'ils vont prendre qu'autre chose, mais tout de même..
beaux habits aujourd'hui, beauchamp; dit-elle en lui coulant un regard amusé avant de se remettre à contempler les divers choix qui s'offrent à elle pour réchauffer son être. puis comme elle verserait du lait dans son thé, elle change le ton de la conversation, la refroidit un peu. tu serais presque beau si tu n'étais pas si détaché de tout. s'il n'était pas si indifférent à leur sort.
spectateur dans le fossé.