City Lights ► ft. Judy (terminé)

Depuis que j'avais rejoins Poudlard, j'étais devenu un lève-tôt. Ce n'était pas par choix, contrairement à ce que les apparences pouvaient suggérer. Aussi responsable que je fus, j'aimais bien faire la grasse matinée, comme n'importe qui d'autre. Le hic résidait dans l'existence des dortoirs et dans la présence imposée de mes camarades de chambre. Sitôt que l'un d'entre eux se levait et commençait à faire du bruit, mes yeux s'ouvraient en grand et je m'empressais de quitter la pièce en maugréant. Ce matin n'avait pas fait exception à la règle et, une fois douché et habillé, j'avais pris le chemin de l'infirmerie. Et après, que faire ? J'avais une journée de libre, ce qui était simplement une autre façon de dire que j'avais la journée pour étudier et m'avancer dans mes travaux. Cependant, cela signifiait aussi que j'aurais le loisir de traîner un peu et, par conséquent, de me promener dans le château pour me délier les jambes.

Après m'être arrêté à la salle de bain pour verser mon repas du matin dans une tasse à café hermétique à la couleur des Poufsouffles, j'avais finalement décidé de gravir les escaliers pour atteindre le sixième étage. À cette heure, peu étaient les élèves à occuper la salle de cinématographie, d'autant plus que la sélection du matin n'était pas la plus populaire. Je pris place au fond de la salle, pour ne pas être dérangé ou déranger autrui, et poussai un soupir de soulagement en levant les yeux vers l'écran. Un vieux film en noir et blanc était diffusé, accompagné d'une musique classique servant à combler le vide laissé par l'absence de dialogues. Je pris une première gorgée de sang, m'en léchant par la suite les lèvres avant de me caler dans mon siège, détendu.

Les manigances de Charlie Chaplin m'occupèrent quelques minutes, avant que le calme ambiant ne finisse par me rattraper. Je m'appuyai contre l'accoudoir et laissai ma joue se reposer contre mon poing. Nouvelle gorgée de sang. Je fermai les yeux, laissant les mélodies du long-métrage me bercer. Laissé à moi-même dans cette salle particulièrement déserte, apaisé par le fond sonore, je sombrai dans un sommeil léger. Qui sait combien de temps s'écoula avant qu'une présence imprévue vienne troubler mon repos ?

La porte s'ouvrit et, avec elle, mes yeux. Je regardai autour de moi, réalisant que le film n'était pas encore terminé. Je ne devais pas m'être assoupi longtemps. Curieux, je me tournai ensuite vers la source du son, repérant rapidement la nouvelle venue qui ne m'était pas inconnue. Stoker.

« Jenkins. »

Dis-je simplement pour la saluer avant qu'elle n'annonce sa décision de s'inviter, ajoutant au milieu de tout cela qu'elle espérait ne pas me déranger. J'acquiesçai tout en me faisant plus droit dans mon siège, passant une main dans ma chevelure pour achever de me réveiller. Je ne m'attendais certainement pas à ce que l'on me retrouve ici, mais le hasard faisait bien les choses semblerait-il. Toujours est-il que mes iris suivirent sa progression, attendant qu'elle vienne prendre place à mes côtés. Puis, cette réplique qui me fit légèrement froncer les sourcils. Que son odeur ne m'affole pas trop ? C'est donc la première chose que ma présence lui évoquait, l'inquiétude que je sois incapable de maîtriser les pulsions vampiriques qui m'habitaient. Je trouvais cela regrettable, mais ne pouvais réellement l'en blâmer non plus. Au lieu de cela, je pris plutôt une nouvelle gorgée de sang animal, dans ma tasse possédant heureusement un couvercle, désireux de m'occuper l'esprit et de ne justement pas me laisser distraire par sa proximité.

« Il n'y a pas d'inquiétudes à avoir, j'aime bien l'odeur des pèches. »

Bien sûr elle ne faisait pas du tout référence à cela. Elle parlait de sa peau, du battement de son coeur, de l'odeur d'une proie. J'avais pourtant préféré détourner la chose, lui offrant à mon tour un sourire. Douée pour relancer la conversation, la Poufsouffle s'enquit de la qualité de mon sommeil, avant de demander si j'en avais autant besoin qu'eux. La formulation laissait à désirer, mais ma nature pédagogue m'incitait à répondre à la question. Puis valait mieux cela que de laisser un blanc se former.

« Disons surtout qu'il est assez difficile de dormir passé une certaine heure dans les dortoirs. Il suffit de peu pour me réveiller. Et toi, qu'est-ce qui t'amène ici de si bonne heure ? Je n'aurais pas deviné que tu es du genre à te lever si tôt. »

Moi qui croyait avoir réussi à détourner la conversation en évoquant l'odeur de pêche que j'avais attrapée au vol, il semblerait que c'était un échec. Au lieu de ça, Judy faisait l'éloge de mes sens. Je me renfrognai, quelque peu gêné par la façon dont elle avait retourné ça contre moi. Ayant toujours été comme ça, je n'avais aucun élément de comparaison. J'ignorais ce qu'il était « normal » de percevoir ou non. Visiblement, ça c'était impressionnant. Vint ensuite la question sur les raisons de ma présence ici à laquelle je répondis avant de la lui retourner. Tombée malade ? Voilà qui piqua ma curiosité. Selon ses dires l'air frais l'avait aidée à aller mieux, ce qui était un soulagement.

« Si jamais ça te reprend tu sais où me trouver. »

C'est ce qu'il y avait de bien à être étudiant en médicomagie, je pouvais aider les gens. Puis, secrètement, j'espérais que la conversation reste sur ce sujet. La santé ça allait, ça ne me concernait pas, ça ne concernait pas mes origines ou ma nature. Désireux d'étouffer ma nervosité, je pris une nouvelle gorgée de sang. Malheureusement, là encore Judy était sans pitié. Pas gênée pour deux sous, elle posa la main contre mon bras, incitant mon regard à aller croiser le sien. Son visage souriant, le mien renfermé. Tu n'as pas l'air à l'aise, Stoker. En effet, je ne l'étais pas. Pas si bon que ça ? Le sang animal me laissait toujours sur ma soif, si c'était ce qu'elle sous-entendait, mais j'ignorais si le résultat serait bien différent avec autre chose. Mais où voulait-elle en venir ? Voilà qu'elle me parlait de honte et de poche de sang, un maigre coût pour être extraordinaire.

Je demeurai muet comme une tombe, tendu plus que je ne l'avais été depuis longtemps. Elle ne comprenait pas, évidemment. Une envie sourde de quitter la pièce sans me retourner était en train de me prendre. Je ne savais même pas quoi dire, quoi répondre. Dans ma tête c'était le bordel. Je ne m'attendais pas à ça. Cette position était délicate, je ne voulais pas lui montrer ce que je ressentais, pas lui avouer ces choses, mais j'ignorais comment me tirer de ce mauvais pas. Comment réagir à ça ? Dommage de ne pas s'accepter comme on est ? La définition de soi-même ? Une véritable connerie. Pourquoi je laisserais ça me définir ? Pourquoi je voudrais être associé à... aux vampires.

« T'as aucune idée... »

C'était sorti tout seul. Voix basse, un peu rauque. Mes poings s'étaient serrés sans que je le réalise. Judy avait touché une corde sensible et le regard perçant, mais souffrant, qui se tourna vers elle en était la preuve vivante.

« Qu'est-ce que tu cherches à faire ? T'essaies de faire la sainte fille qui arrive à offrir un peu de réconfort au pauvre gars torturé ? Au vampire ? »

Ce dernier mot avait quitté mes lèvres avec dédain, dégoût. J'aurais pu le cracher que ça n'aurait pas été très différent. Je détournai les yeux, respirant profondément. Il ne servait à rien de m'emporter comme elle. Ça n'apporterait rien, ni à elle ni à moi. Pire, ça ne ferait que gâcher mes nombreux efforts pour me dissocier de la mauvaise image qui m'était imposée par nature.

« Ça n'a pas besoin de me définir. »

Dis-je en un souffle, cherchant toujours à me calmer. Un mantra peut-être bien.

« La poche de sang... ce n'est pas un prix, c'est une solution. La peur de sauter à la gorge d'une camarade de classe, de lui ouvrir la jugulaire et de la regarder mourir au bout de son sang, ça s'en est un. Faudrait être un malade pour accepter ça. Pour se laisser définir par ça. »

Je m'étais emporté et, déjà, je le regrettais un peu. Cette conversation avait eu un départ difficile et je n'aimais pas trop que les premières impressions que l'on avaient de moi soient négatives. Généralement je tentais de rester ennuyeux, un peu effacé, mais sympa. J'essayais simplement d'être le mec qui n'avait rien de particulier mis à part ses cheveux et qui était assez dispo pour aider les autres dans certaines matières. Et ça m'allait généralement. Sauf que là j'avais été pris par surprise et que ma réaction... bah ça avait été une knee-jerk reaction. Visiblement affectée, son regard brillant trahissant ce fait, ça ne la découragea cependant pas d'insister sur ses propos. Pas à plaindre ? Je restai interdit, guettant la suite. Je suppose que pour la première partie elle n'avait pas tort, concernant Poudlard, mais là n'était pas vraiment la question, n'est-ce pas ?

Quant à la suite, disons simplement que j'aurais préféré ne pas l'entendre. Mâchoire tendue, j'avais tourné les yeux vers le grand écran que je ne regardais pourtant pas vraiment. L'envie de fuir, probablement. J'ignorais quoi répondre à ça. Judy n'avait pas tort, rationnellement parlant. Je serais comme ça toute ma vie, je l'avais été toute ma vie. Cependant, ça ne rendait pas les choses plus faciles à accepter. Face à mon silence, la Poufsouffle sembla se calmer, à présent gênée elle aussi et s'empressant de me présenter ses excuses, ajoutant qu'elle me manquait de respect en se permettant de dire ces choses. Elle n'avait pas tort, mais je n'étais pas non plus du genre à nécessairement m'en formaliser systématiquement. Puis j'avais aussi eu une réaction plutôt impulsive et pas forcément proportionnée.

« Je suis désolé aussi. J'aurais pas du dire ce que j'ai dis. »

Ce après quoi, un peu sorti de nulle part, elle venait de m'avouer qu'elle me trouvait... cool ? Je tournai vers elle un regard interloqué, ne pouvant m'empêcher de lâcher un soupir qui ressemblait presque à un rire. Après mes récentes conversations, je devais admettre que ça me faisait un petit choc.

« T'es bien la première à me dire ça. D'habitude on me dit que je suis chiant ou ennuyeux. »

Avouais-je avec un brin de gêne, passant une main dans mes cheveux verts comme si ça allait atténuer mes mots. Puis, je retournai mon attention vers elle, prenant la peine de vraiment la regarder pour la première fois depuis qu'elle était venue s'asseoir à côté de moi. Judy semblait timide, douce et délicate. Ma nature de protecteur ne pouvait s'empêcher d'être légèrement attendrit en toute franchise. J'avais vraiment été trop dur avec elle.

« T'as l'air de quelqu'un de bien, je sais que tu pensais sans doute pas à mal. C'est juste... J'aime pas trop parler de... tu sais bien. J'ai pas envie que ce soit la seule chose que l'on retienne de moi. »

Je dois avouer que je me sentis soulagé qu'elle ne s'en formalise pas. Enfin, je n'avais pas aimé sa manière d'aborder la chose et de s'imposer à moi, mais au fond elle n'avait rien fait de fondamentalement mal, du moins je ne pensais pas. Je ne savais pas trop. Je suppose que j'avais surtout l'envie de ne pas créer de conflits inutiles. Après cela, je lui avais confié le verdict qui tombait habituellement sur ma personne : j'étais considéré comme chiant. Amusée, et curieuse, Judy me demandait si l'on disait réellement cela de moi ou si ce n'était pas l'opinion que j'avais plutôt de ma personne. Je ne pu m'empêcher d'esquisser un sourire en écho au sien, répondant à ses interrogations avec un air à la fois résigné et amical.

« C'est généralement ce que l'on dit de moi, tout de suite suivit par : mais t'inquiète pas, t'es aussi mature et super fiable. Je suppose qu'ils ont peur que je le prenne mal, mais au fond ça me va d'avoir ce genre de réputation. »

Nos regards se croisèrent brièvement avant d'être séparés par une gêne partagée. Après cela, je lui avouai ne pas penser que ses intentions aient été mauvaises, essayant de clarifier ma pensée et les raisons de ma réaction précédente, ce après quoi elle y allait de sa propre justification. Je demeurai silencieux un instant, réfléchissant au sens de ses paroles et désireux d'en séparer le bon du mauvais, d'en tirer quelque chose. Quelque part elle n'avait pas tort. Il y avait tant de choses que je ne m'autorisais pas. Étais-je vraiment heureux en vivant comme ça ? En me rabaissant moi-même sitôt que j'en avais l'occasion ? Je suppose que la vérité, c'est que j'aurais bien aimé en parler. Me vider le coeur et lui dire que je ne savais même pas par où commencer de toute façon. Que toute cette idée de m'accepter en tant que vampire me faisait peur. Que cette facette de moi-même m'intimidait plus qu'elle ne pouvait effrayer qui que ce soit dans cette école. Suffisait de voir mon épouvantard, le résultat parlait de lui-même. Mais j'étais encore incapable de verbaliser tout ça et encore moins à Judy que je connaissais à peine. Peut-être inquiétée par mon moment de silence, elle s'efforça d'y ajouter un peu de nuance en me complimentant sur d'autres choses, s'attirant un regard interloqué de ma part. Mes yeux ? Et mes mains ?

« Merci... ? Je veux dire... Merci, Judy. Tu as un joli sourire. »

C'était sorti tout seul. Faut me pardonner, je n'ai pas l'habitude de ce genre de choses moi ! Des compliments je veux dire. Je lui en avais simplement renvoyé un par réflexe, sans doute pour détourner la conversation de moi-même, n'étant pas très à l'aise dans ce genre de situations. Enfin j'étais flatté, mais je ne la connaissais pratiquement pas en bout de ligne et... Il faut croire que j'avais plus de mal avec la flatterie que je ne l'aurais imaginé. Puis bon ce n'était pas comme si j'avais menti, il était vrai que son sourire était objectivement très mignon. Heureusement, elle m'offrait bientôt une porte de sortie en me parlant de la façon dont je buvais ma pochette de sang. Ouf, je pourrais m'en tirer avec un peu d'humour.

« Une façon pas très vampire hein ? Tu crois pas que ce serait ridicule si je me promenais avec une cape de comte, une musique gothique et une machine à fumée chaque fois que je dois boire du sang ? »

L'image mentale, en tout cas, était plutôt ridicule. Est-ce que ce type de blague amuserait Judy ? Est-ce qu'elle ferait semblant d'être amusée pour continuer à me flatter ? J'avouais ne pas encore avoir réussi à la cerner et, là où d'autres auraient eu l'insouciance de simplement se laisser porter par les événements, je préférais encore me lancer en quête de vérité.

« Et sinon, de ton côté, qu'est-ce que les gens pensent de toi ? Il n'y a que toi, moi et Charlie Chaplin ici et il est muet alors, je crois que tu peux parler sans t'inquiéter. Ça ne sortira pas d'ici. »

J'avais avoué ne pas être très inquiet par la réputation que l'on me faisait, même si d'autres dans ma position auraient eu tôt fait de s'en formaliser. Ce n'était toutefois pas mon cas et, si je ne trouvais pas l'utilité d'y réfléchir plus en profondeur, la demoiselle était perspicace et en venait à tirer ses propres conclusions. C'est sans vraiment hésiter qu'elle me les partagea, d'ailleurs, semblant préconiser comme moi les vérités directes plutôt que les détours et les non-dits. À partir de là, il était difficile pour moi de lui en vouloir. J'ai l'impression que tu préfères te détester plutôt que de détester les autres. Ma bouche se tordit en un genre de brève grimace alors que je laissais le sens de ses mots se poser dans mon esprit. Difficile de le nier, malheureusement.

« Touché. Me voilà démasqué. »

Ajoutais-je avec un sourire résigné. Ce après quoi des compliments avaient été échangés, à ma grande surprise. Je l'avais complimentée sur son sourire et, malgré le clair obscur de la salle de cinéma, notre timidité commune était palpable. J'avais donc rapidement détourné le sujet, m'autorisant une touche d'humour vampirique sans trop y penser, pour une fois. C'est un scénario totalement loufoque que je lui présentai avant que nos rires ne résonnent à l'unisson, Judy ayant envie de voir ça.

« Maintenant on sait quoi faire la prochaine fois que l'on se croisera au petit matin. Je me demande si Bertram a encore sa cape d'Halloween, ça pourrait nous être utile. »

Avais-je dit sans me départir de mon sourire, à demi-sérieux. Ce après quoi j'avais choisi de changer un peu la direction de la conversation, n'ayant pas nécessairement envie d'être le seul centre d'attention du matin. Déjà que je n'en avais pas l'habitude, ça arrivait un peu trop souvent à mon goût ces derniers temps. Contrairement à moi, Judy n'était pas certaine de ce que disaient les gens à son propos. Je me fis plus concentré, buvant rapidement une nouvelle gorgée de sang alors que mon regard gris-bleu s'était posé sur elle, comme si cela me permettrait de mieux entendre sa réponse. Lorsque tomba finalement le verdict, je ne pu m'empêcher de me sentir désolé, réalisant que c'était probablement aussi ce qu'elle avait ressenti lorsque je lui avais avoué que l'on me trouvait chiant. C'était pas très joyeux tout ça.

« Je vois que les gens ne sont pas plus tendres avec toi qu'avec moi... »

Je marquai une courte pause, me permettant un instant de réflexion. Les choses n'avaient pas besoin de rester comme ça. Je pouvais faire un impact positif, qui sait. C'est donc en lui offrant un nouveau sourire sincère que je proposai ma petite idée.

« À partir de maintenant, si on te demande ce que disent les gens de toi, tu pourras leur répondre que tu es perspicace, que tu as un joli sourire et que tu es de bonne compagnie. Et de mon côté je leur dirai... que je suis cool et que j'ai de jolies mains. »

Impossible de dire la fin sans pouffer de rire. C'était plus fort que moi, je ne pouvais rester sérieux en complimentant mes propres mains. Enfin, toujours est-il que je réussi à vite retrouver un air plus neutre, quoi que tout de même positif en définitive.

« Alors, t'en dis quoi ? »

Lorsque Judy mentionna qu'elle savait valoir mieux que cela et que c'était ça le principal, je ne pouvais qu'acquiescer. Sur ce point, j'étais tout à fait d'accord. Après je trouvais ça un peu étonnant comme façon de considérer les gens. Peut-être était-ce simplement différent de ce que j'avais moi-même l'habitude de penser. Et du coup, est-ce que l'on s'était déjà fait une remarque similaire à mon propos ? Voilà bien des questions pour le petit matin. Décidant donc de chasser toutes ces préoccupations, je me concentrai plutôt sur le positif, sur une bonne façon d'améliorer les choses. C'est comme ça que je lui avais suggéré d'user des compliments que nous nous étions échangés pour nous présenter dans l'avenir. L'idée semblait plaire et, pour ne pas mentir, j'étais satisfait de moi.

Ceci dit, je ne m'étais pas préparé à la suite, guère habitué à ce que l'on se comporte comme ça avec moi. J'étais le mec sympa auquel on venait parler quand on avait besoin d'aide pour les cours et ça s'arrêtait généralement à ça. Mais Judy, par gentillesse ou par imprudence, avait décidé de se rapprocher de moi. Assez pour déposer un baiser contre ma joue sans prévenir. Je restai immobile, le nez accaparé par son odeur de pêche et par le parfum, plus subtil, de sa peau et de tout ce qui se trouvait en dessous. Une légère tension s'installa dans ma mâchoire alors que mon subconscient calculait la facilité avec laquelle je pourrais mordre la Poufsouffle pour goûter son sang et le laisser emplir ma bouche. Reprends toi, Ethan.

« De rien, c'était sympa de te parler. »

Dis-je après avoir raclé ma gorge, détournant vivement le regard en essayant de me concentrer sur autre chose. Heureusement, ma tasse n'était pas encore vide et je pus me permettre de prendre une autre longue gorgée de sang animal. Moins tentant, mais c'était toujours mieux que l'alternative au bout du compte. Je remarquai d'ailleurs vaguement que le film semblait s'être terminé entre temps, les crédits défilant sur un fond de musique joyeuse.

« Je suppose que c'est le signal du départ. Enfin, s'il n'y a rien d'autre que tu voulais me dire ? »