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« Ma très chère Belladone, qu'allons-nous donc faire de cette enfant ? » Le regard vide, la jeune enfant baissa la tête, ses petites mains liées entre elles, dans un silence morbide.
« Je ne sais pas Argus. Je ne sais pas. Je ne comprends pas. » Et c'est parce qu'en réalité il n'y avait rien de plus à comprendre. Il avait lamentablement accompli leur devoir de sorcier, en donnant naissance à une enfant cracmolle, tandis que son propre jumeau n'avait rien d'aussi handicapant dans ses veines.
« Il doit forcément y avoir une raison, c'est impossible, elle doit réessayer. » En boucle. Voilà ce que la matriarche de la famille répéta en boucle à une enfant de onze ans incapable de tenir une baguette entre ses mains sans pleurer jusqu'à en vomir. Elle n'y arrivait pas. C'était au dessus de ses forces. Comme si la magie elle-même rejetait tout responsabilité dans cette histoire. Comme si dès le départ elle reniait l'enfant aux cheveux ébène. Handicape navrant dans une famille connue pour ses méfaits envers tout ce qui n'est pas du monde magique. Handicape mortel lorsqu'on attendait beaucoup de cette progéniture qui, finalement, ne donnera rien de plus que des bâtards sur un tableau de famille presque parfait.
« Je suis désol... » Calliope n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle fut giflée avec une force rare par Argus, le paternel de la famille Lovell.
« Infamie. » Les yeux rouge, elle n'osa pas lever le bout de son nez, et pourtant, l'enfant releva sa tête pour plonger son regard dans celui d'Eros. Son frère jumeau qui, de l'autre bout de la pièce, assistait impuissant à l'horreur que subissait sa soeur car différente. Car incompétente.
« Du calme Argus, il y a forcément un autre moyen. » Le regard dénué de toute empathie, elle n'osa même plus regarder en face sa propre chair, sur les genoux à même le sol.
« Je ne veux malheureusement pas y croire Belladone. Ni même concevoir que cette chose soit de mon sang. » Mordant sa lèvre inférieure, la jeune cracmolle se redressa, toujours plus droite face aux membres de sa famille. Qu'avait-elle fait ? C'était-ils posaient la question, rien qu'une seule seconde, de savoir si elle n'était pas elle-même blessée par ce résultat plus que tragique ? C'était-ils demandaient rien qu'un instant si Calliope pouvait encore se regarder dans un miroir sans avoir envie de se vomir au visage ? Non. Puisqu'elle n'est rien d'autre qu'une tâche sur un tableau doré.
« Montez dans vos chambres. Et, Eros, s'il te plaît. » Le patriarche marqua une courte pause, pointant du doigt la seconde née.
« Seul. » Comme si être cracmolle était une maladie contagieuse. Comme si côtoyer sa propre soeur, sa propre chair ferait de son premier fils un non mage. La famille Lovell vivait là des heures bien difficile. Et pourtant, la jeune enfant n'éprouvait aucune rancœur envers ses détraqueurs. Justifiant sans aucune difficulté les gestes et mots douloureux de ses géniteurs envers elle. Montant les escaliers, les deux jumeaux ne s’adressèrent pas l'ombre d'un regard. Eros parti dans sa chambre, laissant la porte de cette dernière ouverte à sa soeur. Alors que cette dernière resta postée sur la dernière des marches, écoutant la suite de la discussion. Comme pour essayer de comprendre ce qu'elle avait fait de mal, ce qui la rendait si différente, mais surtout savoir ce qui pouvait ne pas tourner rond chez elle.
« Elle reste notre première et unique fille à cet instant Argus. Je... » Serrant le tissus de sa robe le long de ses doigts fins vernis, elle redressa la tête vers son mari.
« Nous trouverons un moyen, je te le promet. Mais ne la laisse pas tomber, ce n'est qu'une enfant qui ne comprends pas encore ce qu'on lui reproche. » Ce qu'on lui reproche. C'était là tout le problème. Pourquoi le lui reprocher ? Pourquoi lui cracher tout ce venin mortel au visage, sachant que la pauvre chose n'y est strictement pour rien ? Qu'aucun de leur enfant aurait naître cracmol, ou bien tous l'être sans exception. Calliope n'avait pas demandée à être différente. Calliope n'avait pas demandée à devenir la honte des Lovell.
« La question n'est pas. Pas l'ombre d'un cracmol depuis des décennies, et voilà que ma propre fille. Mon sang. Ma première enfant l'est ? Non Belladone. Je refuse d'y croire. Pas nous, pas maintenant. Pas la prunelle de mes yeux. » Silencieuse en haut des marches, la jeune cracmolle ne perda pas l'ombre d'un mots de ses deux parents. Ils ne pouvaient réellement lui en vouloir. Elle était tout ce qu'ils avaient espéraient depuis si longtemps, ils avaient placés en elle bien trop d'espoir pour que tout soit si rapidement efface par un manque de lumière. Lux Calliope Lovell pourra faire de la magie. Quoiqu'il en coûte. Peut importe les moyens, les prix et les sacrifices pour qu'elle soit normal. Elle sera sorcière.
« Nous trouverons un moyen, je te le promet. » Serrant dans ses bras sa bien aimée, Argus jeta un coup d’œil furtif sur les marches à peine dévoilées pour y entrevoir des petits curieux. Un silence. Il en avait déjà bien trop dit, et elle avait déjà bien trop souffert. Il savait au plus profond de lui qu'elle allait devenir son quotidien.
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« Calliope, sort de ta cachette. Je sais que tu es là. » Poussant les portes en bois d'un placard un peu trop bien caché, la jeune femme pointa le bout de son nez dans une chambre assez grande pour hébergée quatre enfants de plus.
« Comment as-tu su ? » Se posant doucement sur son lit, face à son frère, elle esquissa un léger sourire en guise de salutation, lui ouvrant ses bras. Il se rapprocha sans se faire attendre de celle-ci, venant l'enlacer au plus près de lui.
« Quand tu quittes ta chambre tu prends toujours le temps de tirer le rideau devant ta cachette, tu ne fais pas assez attention aux petits détails. » Fronçant les sourcils elle lui tira la langue avant de lui tourner le dos, d'un air boudeur.
« Compliqué pour moi de fermer le rideau de l'intérieur en même temps, Eros. » Calioppe quitta les bras de son jumeau pour venir regarder par la fenêtre la pluie battante.
« Ils sont partis ? » Tournant légèrement son visage vers son frère, elle esquissa un sourire sentant se dernier juste derrière elle, son menton presque au dessus de sa tête.
« Nous sommes seuls, si c'est ce que tu attendais comme réponse. » Se retournant doucement contre lui, la jeune femme passa ses mains dans son dos avant de plonger sa tête au creux de son torse, cherchant une chaleur humaine des plus réconfortantes.
« Je les entendu parler, une fois de plus de ça. » Ca. C'était une chose incapable à prononcer pour elle. Son handicape. Tabou totale pour une jeune fille se voulant sorcière comme le reste de la famille.
« Maman pense avoir trouver quelqu'un pouvant soigner ça, ou essayait du moins. Il paraît que c'est douloureux. Que ça risque même de ne pas fonctionner. Mais qu'ils veulent essayer. Pour moi. » Il senti dans le fond de sa voix une haine, celle qui n'est pas prononçable car trop profonde. Comme si elle baignait elle-même dans ses veines, se propageant dans chaque partie de son coeur, comme une gangrène impossible à guérir. Eros se pencha un instant sur elle pour venir la saisir entre ses bras musclés, la portant jusqu'à son lit. Sa sœur n'était pas blessée. Oh non. Une blessure de ce genre serait inimaginable. Non. Calliope est brisée dans sa totalité. Un manque de confiance en sois plus que flagrant. Une estime de sa personne qui frôle l’inexistence. Voilà ce qu'était la jeune Lovell à son adolescence, et ce depuis sa plus tendre enfance.
« Tu ne devrais pas écouter la conversation de nos pare.. » Se laissant porter comme il avait l'habitude de le faire, elle ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase, et continua à sa place.
« C'est de moi que l'ont parle ici Eros. Non pas d'une réunion comme ils ont l'habitude d'en faire. On parle de moi. De ca. De ca! » L'aîné des jumeaux plaqua contre sa bouche ses lèvres, profitant d'un moment de pause pour déposer délicatement sa sœur sur le lit, venant se blottir contre elle.
« Je sais bien Calliope ... » Le regard humide, et ses iris rougeâtre, elle leva les yeux au ciel laissant sa tête retombée en arrière. La relation des jumeaux étaient des plus complexes. Quelque chose d'inexplicable et surtout d’incompréhensible pour quelqu'un qui ne connais pas ses deux enfants depuis le début de leur histoire. Eros et Calliope n'ont pas eu besoin d'être de vrais jumeaux pour ressentir ce que l'autre ressent à l’instante. Non. Leurs cœurs et leurs cerveaux sont reliés l'un à l'autre. Comme s'ils formaient une même entité. Partageant instantanément ce que l'autre perçois.
« Eros ... ? » Venant embrasser doucement la joue de sa sœur, se rapprochant dangereusement des commissures de ses lèvres, il leva les yeux vers elle, son nez frôlant le siens.
« Non il est hors de question que je te laisse. Même avec ça. » Passant délicatement son doigt sur la larme venant perler sur sa joue, il embrasse avec un amour rare la jeune femme qu'était Calliope. Plongeant l'un et l'autre leur iris dans celles de leurs moitiés, ils lièrent leur voix en une seule et unique entité.
« Je t'aime. » / / /
« Une Lovell cracmolle ? Quelle plaie. » Calliope ne baissa pas les yeux, une posture dès plus droite face à des sous-êtres. Il pouvait la définir comme une cracmolle ou se souvenir d'elle avec pour seul mot celui-ci, ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Bien qu'en réalité la jeune femme les imaginait mourir dans un bain de boa constrictor, son visage n'en disait rien. On lui avait appris à ne pas hausser le ton, à ne jamais montrer de faiblesse. Rester droite et sans histoire car être cracmolle était déjà une assez bonne insulte à sa famille, il ne fallait pas entacher d'avantage le tableau familial.
« J'ai entendu dire que ses parents avaient essayés d'en finir avec elle. » Soupirant longuement, assise à quelques pas d'eux Calliope leva simplement les yeux au ciel en guise de réponse. Bien entendu qu'elle les entendait, c'était toujours ce même cinéma avec eux. Des élèves qui se pensent supérieur car ils peuvent tenir une baguette entre les mains, comme si c'était la seule chose qui pouvait qualifier un sorcier : avoir une baguette. Continuant de rédiger son cours de potion, la jeune femme laissa ne se laissa pas distraire par des dires infondés et des plus ridicule.
« Laisse tomber la honte de la famille, être aussi connu, et avoir ce genre de spécimen. Je pense que j'aurais avorter. » Un maigre sourire se dessina sur son visage alors qu'elle continua d'écrire. Évidemment que ses parents avaient songé à l'abandonner, à la vendre même pour des expériences sur les non mage. Mais on ne peut avorter d'un enfant qu'on ne sait pas encore cracmol.
Idiotes.« Par contre tu as vu son frère jumeau ? Eros c'est ça ? J'ai entendu dire qu'elle et lui se retrouvent souvent dans les toilettes entre deux cours … t'imagine un peu la gueule du truc ? Après tout faut bien qu'elle sache faire quelque chose, si ce n'est pas de la magie ! » Calliope laissa doucement tomber sa plume sur son bureau avant de se retourner d'un air dépité vers les catins du fond de classe. Son coude droit sur le dossier de sa chaise, et un sourire sur le coin des lèvres, la jeune femme laissa tomber sa tête sur le côté avant de commenter.
« Vous voulez savoir ? C'est exact. Comme vous savez si bien dire, je « suce » mon frère, un souci ? Il ne me semblait pas t'entendre parler lorsque tu avais celle de ton père entre les lèvres ma puce. Et tu feras attention, il t'en reste sur le coin des lèvres. » Calliope se releva de sa chaise, prenant ses affaires avec elle pour marcher jusqu'à leur hauteur.
« Ne soyez pas jalouse qu'il ne veuille pas toucher à une mèche de vos cheveux de plouc, c'est la vie. » Haussant les épaules la jeune cracmolle les salua d'un geste de la tête avant de continuer sa route.
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Pour faire un résumé dès plus clair, voici l'histoire d'une jeune fille brisée par des attentes qu'on attendait d'elle, et qui ne verront sans doute jamais le jour. A peine née qu'on voyait au dessus de sa tête une couronne de milles et unes fleurs, une jeune femme à la tête d'une grande famille de sorciers depuis des décennies. Tout ce magnifique dessin réduit à néant par un handicap de taille : la fille Lovell est une cracmole. Une non mage par on ne sait quel mystère. La seule de la famille. Maladie dès plus grave dans une famille ou la magie est l'essence même de la vie, ou les non mage ont rarement, voir quasiment jamais de place. Si ce n'est au côté des elfes de maison. La voilà esclave d'une mère qui essaye par des moyens peu conventionnels de redonner à sa fille un côté magique, et à un père qui suis l'histoire du coin de l’œil, déçu mais qui ne bronche pas. Calliope est brisée, en des morceaux plus fins et coupant les uns des autres. Ne lui en voulait pas d'être aigrie et parfois désagréable. Elle ne vous en veut pas, et ne vous en voudra sans doute jamais. Parce que la seule personne qu'elle ne peut plus regarder dans un miroir sans avoir des hauts le cœur, des nausées et des palpitations, car la haine est trop grande, car elle est rongée de l'intérieur : c'est seulement elle.