C'est quoi ce film de merde ? [Pv Blue]

Un sifflement très discret qui se transformait peu à peu en mélodie répétitive s’échappait de tes lèvres tandis que tu gambadais dans les couloirs du sixième étage. L’ennui ne voulait plus te quitter après des heures passées entre des masses de bouquins et de révisions. Mais le besoin d’un break s’était fait ressentir alors tu avais fini par quitter la bibliothèque, avec tous ses livres, ses prises de tête et son silence qui pouvait rapidement devenir frustrant après quelques heures.  Jefferson. Tu étais censée retrouver Jefferson pour regarder un film au cinéma. Et c’était une envie incontrôlable d’embêter le gars qui cherchait à se faire respecter par tous les moyens possibles qui avait pris le dessus lorsque le choix du film s’imposa. Le seul titre du film suffit à te faire grincer des dents: il s’agissait sans aucun doute de romance. Mais tu voulais voir la tête sa tête lorsqu’il passerait plus d’une heure trente face à ce genre de film, ce serait remarquable.

Il s’était fait attendre avec un retard de quelques minutes mais tu étais trop occupée à te demander le nombre de scène de cul qu’il pouvait bien y avoir dans un film de ce genre pour te préoccuper de son absence. Deux scènes max. Trois tout au plus. Ca risquait d’être très très long. Les battements de cils s’accélérèrent lorsque tu vis une main apparaître dans ton champ de vision comme un retour brutal à la réalité. Les iris croisèrent les siennes et c’est avec un amusement mal contenu que tu lui annonçais le film que vous alliez regarder. La surprise qui étira ses traits fut suffisante pour te donner envie de te foutre de sa gueule en lui disant que c’était une blague mais non, il fallait que t’ailles jusqu’au bout comme d’habitude.

» Non pas du tout ça va très bien, merci. On y va du coup?

Un lumineux sourire était apparut sur les lèvres. Le manque t’appétit t’empêcha de te payer quoi que ce soit, la seule idée de te taper 1h30 d’un film pourri te prouvait tout envie de nourriture. La salle déserte fut rapidement occupée lorsque tu t’installais confortablement, occupant à toi seule trois sièges et aussi au calme que chez ta mère. Aucun respect. Lorsqu’un siège fut laissé entre vous, tu te contentais de lever les yeux au ciel ; comme si tu allais tenter quoi que ce soit avec Jefferson dans une salle de cinéma. Une longue inspiration qui voulait installer un semblant de patience fut prise lorsque le début du film commença, et tu priais intérieurement pour que ce soit au moins un peu moins nul que ce que tu prévoyais. Mais c’était une torture. C’était vraie une torture. Tu baillais environs quatre fois par minutes et levais les yeux cinq fois par quart d’heure devant un film qui ne correspondait pas du tout à l’idée que tu te faisais d’un amour inconditionnel.

La salle fut quittée au moment même où le générique de fin apparût sur l’écran. Marwin avait fini par s’endormir et tu avais pouffé de rire comme une enfant face à son manque total d’intérêt. Un manque d’intérêt qu’il te confirma une fois à l’extérieur lorsqu’il te donna son très constructif avis sur le film.

» Très raffiné de ta part comme remarque! T’aurais préféré quoi, un truc avec des aliens dégueulasses tuent tout le monde?

Très peu pour toi. Mais tu te doutais bien que les romances slash drames n’étaient pas du tout les favoris de ton pote. Raison pour laquelle tu voulais l’embêter à ce sujet.

» J’ai voulu redonner une chance à ce genre de film mais en réalité je déteste ça autant que tu sembles kiffer les scènes de baise.  Après c’est vrai que je ne peux pas t’en vouloir, c’était la seule partie d’intéressante. Un putain de navet ce truc. Tu as bien dormi à l’intérieur au moins?  

Le dos s’adossa contre le mur le plus proche. Les muscles craquèrent quelques secondes après s’être libérés d’un siège installé face à un écran qui avait passé une heure trente d’une abomination. Les bras s’étaient croisées sur la poitrine après avoir tiré de la poche un sachet de bonbons acidulés qui t’arrachèrent la langue dès que tu en mis un en bouche. Une déception, ce film. Tu avais facilement capté son haussement d’épaules et tu avais imité son geste avec un sourire amusé : ce type semblait sortir d’une autre planète. Sa question te fit avaler de travers et quelques secondes furent accordées pour reprendre ta respiration avant de lui accorder la réponse qu’il attendait.

» Ah non carrément pas, je déteste ce genre de films, ils te font croire à un parfait amour qui n’existe pas. Ils nous lobotomisent le cerveau en vrai.

Des zombies à fleurs. Ils se frôlaient toujours la main, s’embrassaient, murmuraient des mots d’amour, se pavanaient, se montraient au grand jour avec des sourires joyeux. C’était peut-être quelque chose que tu ne vivrais jamais mais,  c’était quand même chou. Pas au point que tu apprécies un film à l’eau de rose mais assez pour que tu admettes la beauté de ce sentiment que peu de personnes privilégiées pouvaient ressentir et partager. Le sommeil n’était en revanche malheureusement pas venu t’aider à t’échapper de cette salle de cinéma contrairement à Marwin qui avait dormi comme un bébé.

» Non j’ai regardé jusqu’à la fin malheureusement, mais en général je suis plus du style thrillers psychologiques ou action. Et toi tu préfères quoi?

Le sachet de bonbon fut tendu dans sa direction dans une invitation silencieuse d’en prendre un. Fait gaffe, ça pique. L’un d’entre eux fut jeté dans les airs avant d’atterrir dans ta bouche et une lueur de satisfaction traversa les iris avant que tu n'adresses un nouveau sourire narquois à Marwin.

» Ca t’a pas donné envie de te mettre en couple au moins, rassure moi? Ce serait la carotte sur le couscous.