Les bars, l’alcool jusqu’à en vomir, la fête, les rapprochements physiques non désirés ce n’est pas ton truc, Miles. Oh, un petit verre de saké de temps en temps, tu ne dis pas non, mais tu n’es pas fan des différents excès. Sauf ceux qui concernent l’art. Mais sniffer de la peinture ce n’est pas forcément bon pour la santé.
Toutefois, il t’arrive de sortir de ta zone de confort. La solitude, ça fait du bien, ça t’empêche d’avoir des problèmes et des quiproquos avec les gens. Mais parfois, ça devient juste pesant et tu envies les gens que tu vois tous les jours passer dans les couloirs, en couple ou en groupe d’amis. Parce que ça fait bien longtemps que tu ne sais plus ce que c’est d’avoir des amis. D’être simplement entouré et apprécié. D’avoir des gens qui pensent à toi, qui te sourient.
Et aujourd’hui est l’un de ces jours où tu te laisses un peu aller. Tu as pris ta canne, ton courage et ton porte-feuille et tu t’es rendu à Pré-au-Lard pour pénétrer dans le lieu interdit. Immédiatement, tu as dégluti en pensant que tous les regards étaient sur toi – ce qui n’était bien sûr pas le cas mais on n’efface pas des années de manque de confiance en soi en une petite seconde ou même en un verre d’alcool. Cette paranoïa finira par avoir ta peau.
Ton regard se jette tout autour de toi et tu te mordilles la lèvre. La porte se referme derrière toi et tu as l’impression d’être soudain dans une cage. Prisonnier. Mais hors de question de sortir en courant – si seulement tu pouvais – tu es là, tu y restes. Pour une fois, tu dois être courageux.
Telle une mécanique bien huilée mais sans âme, tu t’approches des petits tabourets et attends, la boule au ventre, ton tour. Il arrive bien trop tôt alors que tu n’as pas encore arrêté ton choix sur une boisson en particulier, et tu paniques. Tu dis un mot au hasard et finis avec une bieraubeurre. Bon, on verra bien.
Tu paies – en laissant un petit pourboire tout de même – et t’éloignes comme un rusé délinquant vers une table vide. Tu pries pour qu’une fois installé, ta gueule d’ange te permette de rencontrer du monde – tu sais d’expérience que ça se passe rarement ainsi, les gens sont dans leur bulle, ne regardent pas autour d’eux – et que tu puisses enfin ouvrir la bouche pour autre chose qu’une commande monocorde.
Elle n’est plus très loin. Ton fessier sera bientôt sur le siège. Soulagement.
Mais tu n’es pas assez attentif. Et tu ne vois pas la personne juste devant toi, qui te barre la route, en face. Le choc est inévitable. La bieraubeurre se renverse sur la chemise de l’inconnu alors que tu chancelles en arrière, prêt à tomber. Ta canne, maniée à la quasi perfection, te sauve pour cette fois. Le verre se fracasse sur le sol. Tes prunelles se posent sur l’inconnu. Tu paniques.
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