Kean était là, le regard doux, le visage lisse, comme une poupée de chiffon oubliée. Amael voulut tendre le bras, l'attraper, le serrer contre lui, lui hurler à quel point il lui manquait, à quel point il se sentait vide sans lui. Mais tout son corps semblait englué dans un magma sombre qui le recouvrait peu à peu. Des larmes brûlantes se mirent à dévaler ses joues. Il hurla, incapable de prononcer de véritables mots, à s'en déchirer la gorge. Trop triste pour réfléchir, trop abattu pour pensé. Enfermé dans un marais noir qui l'éloignait de son frère. L'image de Kean se troubla soudain. Un voile d'eau la recouvrit et la poupée de chiffon devint cadavre décharné flottant entres deux eaux crasseuses.
Amael émergea du sommeil en sursaut, les joues déjà humides de larmes. La respiration sifflante et erratique, il écarta les rideaux de son baldaquin et sortit. Son corps tremblait encore. Cela faisait un long moment que les cauchemars ne l'avaient pas réveillé. Jilano, dérangé par le bruit, s'agita dans sa cage. Il colla son museau aux barreaux. Amael se leva et le libéra, l'animal se faufila aussitôt dans son cou et s'y blottit. Sa chaleur calma le cœur encore affolé du jeune homme. Il enfila rapidement un sweat par dessus son pyjama et sortit du dortoir. Il avait besoin de sortir, changer d'air, respirer.
Ses pieds nus frôlaient silencieusement le sol froid des couloirs. Il se glissa jusqu'à l'extérieur. Son regard balaya la grande cour. Il sentit les larmes affluer de nouveau. Pas des larmes de panique, juste de lassitude. Tu luttes Amael, depuis si longtemps. Laisse toi aller.
Jilano frotta son nez sur la joue se son maitre qui le prit dans ses bras pour le caresser tendrement. Il se sentait bien là. Personne ne viendrait l'emmerder, le pointer du doigt ...
- Hey, t'as quoi à pleurnicher comme une fillette?
Amael bondit comme traversé par un courant électrique. Il déglutit difficilement. Devant lui se dressait Markus Machin, un élève de Gryffondor âgé d'un an de plus que lui. Il le foudroya du regard, serrant Jilano dans ses bras. Il essuya ses yeux d'un revers de manche.
- Rien que te regarde connard ! siffla-t-il, honteux et en colère.
Il ne voulait pas qu'on le surprenne, pas qu'on sache. En revanche, ce n'était peut être pas une bonne idée d'insulter un mec qui le dépassait très largement et qui n'avait pas l'air d'un tendre. Mais Amael réfléchissait rarement avant d'agir. Dommage.