Le soulagement te prend la gorge et se manifeste derrière un soupir qui vint à mourir - les doigts délicats s'échappent de la porte au moment où tes pas s'envolent vers ta valise. Personne dans le dortoir, tous au banquet de ce soir - évidemment tu en avais profité, mais très vite l'envie de t'éclipser s'était faite sentir désirée.
Le soulagement s'était manifesté de bien des façons ce soir - par des retrouvailles de personnes dont tu désespérais la présence, par ces habitudes que tu as de te retrouver à cette table, discuter, manger, comme si de rien était et puis par ce château qui t'a manqué ; tandis qu'on cachait tant bien que mal les événements du bal dernier.
Un coup d’œil, à peine, sur le lit d'un de tes nouveaux colocataires - Jonas - et ton visage se peint d'une expression presque dédaigneuse, avant de te concentrer sur les autres couches où demeuraient les valises attitrées. L'une dénuée de présence et l'autre pourtant déjà partiellement installée - quelques regards curieux pour avoir des indices sur l'autre garçon qui dormirait sous le même toit que toi et étrangement, Ezéchiel, tu as cette terrible impression d'avoir déjà vu un espace arrangée de cette façon là.
Tes épaules s'abaissent avant que tu t'animes pour ouvrir la tienne, tout en réfléchissant à qui et comment. Tu commences alors à ranger les habits dans l'armoire, disposer tes affaires comme bon te semble, des produits de toilettes jusqu'aux gadgets - puis tu te figes.
Tu te figes avant de te redresser, reposant tes orbes de lumière sur ce lit que tu reconnais un peu trop bien - parce qu'il est le
sien. Tu as déjà partagé ce lit avec son possesseur, une fois, deux fois, des dizaines de fois et pendant plusieurs mois - l'émotion qui te prend te semble indéchiffrable ; en premier lieu, quelque chose qui s'apparente à nouveau à du soulagement, comme si le savoir là, était quelque chose de rassurant ; tu n'étais pas tout seul au milieu de gens que tu ne connaissais pas et que tu n'aimais pas. Puis quelque chose d'autre, comme de l'appréhension, parce que, parce que entre vous, c'est un peu compliqué tout en étant très simple.
Avec lui, tu étais quelqu'un d'autre, Ezéchiel - au début, tu n'as pas très bien compris pourquoi et comment, avant de saisir que tout cela n'était qu'un appel du corps. Il était un peu ta porte de sortie, ta facilité, pour ne pas t'attarder sur ce qu'impliquait une véritable relation quand toi, tu étais mentionné. Puis, puis vous avez échangé, appris à vous connaître au détour des draps, sur l'oreiller et pendant vos ébats - et c'est amusant de constater que malgré le fait que vous n'êtes absolument pas sur la même longueur d'onde, qu'il te frustre et t'énerve parfois, tu avais appris à l'apprécier.
Or, aujourd'hui, les choses sont un peu différentes depuis la dernière fois - tu n'avais plus envie de te complaire dans cette facilité, tu ne voulais plus t'échapper derrière des obsessions futiles et dérisoires, tu voulais t'impliquer dans ta petite existence et prendre en main ce retour comme un nouveau départ.
Tu prenais conscience des battements de ton cœur.
Et pour le moment, ton attention était focalisée sur ce prénom qui porte modestement trois lettres, sans plus. Mirage, peut-être, envie passagère, sûrement, curiosité dangereuse, très certainement - mais tu lui devais un minimum de considération.
quelle folie
quelle déraison
l'inconscience
ou plutôt l'espérance
espérer est pourtant rédhibitoire
pas vrai ?
Un bruit.
Et se brise sur le sol, glissant de tes jolis doigts, le polaroïd que tu comptais placer dans le décor de ton intimité - tu pivotes sur toi-même, en direction de la porte, ta baguette capricieuse entre les doigts, un sort préparé du bout des lèvres.
–
Oh... c'est toi... et la main se dépose sur ton palpitant, comme pour en calmer le rythme lancinant.
-- ne lui fait pas des frayeurs comme ça !