(end) what was missing ☀︎ (jayzechiel)

La rentrée des classes avait eu un goût plus amer aujourd’hui –et c’était loin d’être à cause du regret des vacances d’été, et à raison, celles-ci n’avaient pas été des plus agréables. Le procès de Magnus Vandom avait peut-être été la meilleure nouvelle qu’il ait reçu concernant le monde magique, et même de ça, il n’avait pas pu s’en réjouir autant qu’il l’aurait voulu, persuadé qu’il ne s’agissait là que d’une forme de damage control du ministère pour tenter de garder la face.
La vérité, c’était que Jay avait encore du mal à se remettre des événements qui avaient suivi le gala de fin d’année. L’impuissance de sa jeunesse naïve face à un gouvernement corrompu avait voilé d’un trouble sombre son habituel optimisme et cela se voyait plus qu’il ne le souhaitait ; il l’avait vu dans le regard inquiet de ses proches, dans la façon dont sa mère s’était montrée encore plus protectrice et attentionnée que d’ordinaire avec lui.
Si tu ne veux pas y retourner, rien ne t’y oblige tu sais ?

Il avait hésité, il se devait de l’avouer.
Mais son sens du devoir et de l’amitié étaient peut-être encore trop grands –ridiculement grands– pour qu’il se permette de fuir Poudlard et les défis qui l’y attendaient sûrement.
Et puis il fallait voir le bon côté des choses, il savait y faire d’habitude : ses amis l’y attendraient aussi.


Le discours de rentrée n’était pas beaucoup plus différent que celui des années précédentes, si ce n’était les deux aurors et leurs excuses –la pilule avait vraiment du mal à passer pour lui– ainsi que leur nouvelle invention. Jay n’y prêta pas vraiment attention, l’esprit parasité par les pensées incessantes qu’amenaient constamment les coups de blues et les mauvais moments. Il n’attendait que son repas, que le bruit envahisse la grande salle pour le distraire enfin de ces bourdons dans sa tête qui ne le laissaient jamais en paix.
Et puis,
comme une apparition miraculeuse,
un visage familier lui apparu à travers la salle au dessus du poulet rôti qui se matérialisa sous son nez sans qu’il n’y prête aucun intérêt ; là, attablé chez les Serpentard.
Un putain de revenant qui ne pouvait pas mieux tomber.

« Jay tu vas manger ton morceau de poulet ou pas ? s’exclama une de ses camarades en le ramenant à la réalité.
— Hein euh, oui bas les pattes ! fit-il en éloignant son assiette de la fourchette qui cherchait déjà à lui piquer son dîner. »


Le repas pris fin, chaque élève était désormais tenu de rejoindre sa salle commune respective et il fallait que Jay réagisse vite s’il voulait rattraper son apparition et échanger un mots avec avant la fin de la journée. Il reconnu sa silhouette de dos dans le couloir et sans réfléchir, ni se dire qu’il  allait sembler un peu désespéré, il accéléra le pas pour le rejoindre.

« Ezechiel, attends ! »

Sa main s’agrippa à la manche de sa robe, machinalement.

« Jay… »

Il n’avait pas eu le temps de répondre quoique ce soit, d’esquisser le moindre geste ni même de profiter tout simplement de la vue de ce visage qui l’avait hanté sans qu’il n’en comprenne bien le comment du pourquoi –à peine son propre nom avait-il résonné à ses oreilles qu’il s’était senti happé dans une étreinte soudaine à laquelle il ne s’attendait pas.
Hébété, aucun son de sorti de sa gorge et pendant un instant, Jay ne su où poser ses mains, comme si l’emplacement qu’il allait choisir risquait de trahir les sentiments confus qui s’agitaient  en lui.

Ezechiel lui avait manqué, indubitablement. Il s’était inquiété de son absence soudaine après les vacances d’hiver, lui avait laissé une dizaine de messages sur son téléphone et avait fini par se faire à l’idée que le jeune homme avait repris la scolarisation à domicile et n’avait pas eu le courage de leur avouer à tous. À vrai dire, Jay s’était préparé à se montrer en colère, exiger non pas des excuses pour ce silence de mort ô combien terrifiant, mais au moins des explications, qu’il comprenne pourquoi tout s’était arrêté comme ça –qu’est-ce qui c’était arrêté au juste, il n’en n’était pas bien certain, mais il était sûr du fait qu’il aurait voulu que ça continue.
Il se sentait bête d’un coup, avec Ezechiel dans les bras, ses mains s’étant enfin posées dans son dos, encore incertaines mais sincères, tandis que les badauds qui passaient par là les regardaient avec un sourire narquois au coin des lèvres. Il avait prévu tout un scénario dans sa tête en lui courant après, et voilà que plus rien ne lui venait à l’esprit tant la réaction du Serpentard l’avait surpris.

« Putain, tu m'as tellement manqué ! »

Merde, merde, merde, ça n’avait pas mis bien longtemps avant que la machine ne commence à s’emballer ; ses joues s’étaient teintes de rouge et dans sa poitrine, ça cognait plus fort qu’à l’accoutumée.
Jay n’avait jamais vraiment su si Ezechiel lui plaisait vraiment où si les frissons qu’il avait déjà ressenti en se tenant un peu trop proche de lui par le passé lui étaient dû au sang de vélane dans ses veines. C’était plus facile de croire la seconde option, mais force lui avait été de constater que même en son absence, il n’avait eu de cesse d’occuper un petit coin de son esprit.

« Toi aussi tu m’as manqué, il parvint à articuler une fois que sa voix se décida à lui obéir de nouveau. On n’est pas obligés d’en parler maintenant mais j’vais pas te lâcher pour savoir ce qu’il s’est passé, t’es prévenu ! Il ajouta dans un ricanement qui visait plus à lui permettre de retrouver contenance plutôt qu’à détendre une atmosphère de toute évidence loin d’être suffocante. »

L’étreinte prit fin et quand Jay se recula d’un pas pour regarder son ami dans les yeux, la vision qui s’offrit à lui le déstabilisa si bien qu’il en perdit le sourire un instant, presque hypnotisé par la brillance immaculée d’Ezechiel.
Merde, merde, merde.
Jay se sentait déjà si bête d’avoir cru pouvoir nier l’évidence aussi longtemps.

Il ouvrit la bouche, voulu dire quelque chose mais sa voix lui faussa compagnie une seconde fois et il se racla la gorge avec un air dépité de lui même avant de se ressaisir, tentant d’assumer ses joues brûlantes, et tout le reste.

« Comment tu vas ? »

Dis-moi que loin de tout ce bordel qui s’est déchaîné durant ton absence, au moins tu t'en es sorti indemne.

« Maintenant, ça va. »

Malgré le fait que Jay avait remarqué que l’intensité de l’éclat d’Ezéchiel s’était sensiblement diminué, et pourtant cette simple remarque lui provoqua le même effet. Un sourire un peu gêné qu’il ne parvenait pas à réprimer fendit son visage d’une oreille à l’autre et ses joues semblèrent de pas perdre un seul degré.

Jay était parfaitement décontenancé de se voir aussi réceptifs aux charmes du jeune homme ; il pensait pourtant s’y être habitué avant qu’il ne donne plus signe de vie. Mais malgré tout, il y avait quelque chose de terriblement agréable à ressentir ces choses qui lui permettait d’oublier ne serait-ce qu’un instant les horreurs qui n’avaient de cesse de le tourmenter en arrière pensée.
Au creux des vagues noires dans lequel il avait l’impression de nager depuis l’arrivée du Corbeau, Ezéchiel lui était apparu comme un phare pour lui rappeler le chemin pour ne pas se perdre.

« Je te dirai tout, c'est promis. Je suis vraiment désolé, tu sais… –il baissa les yeux et Jay cilla, un peu inquiet– mon absence a fait beaucoup de mal autour de moi. J'ai vu vos messages et je te jure que si j'avais eu l'occasion, j'aurai répondu ! »

Jay n’avait pas besoin de l’entendre ; sa culpabilité se voyait dans son attitude changeante, dans ses épaules qui d’un coup s’affaissèrent et dans ses yeux fuyants.

« Je m’en doute bien, tu sais, fit-il d’un ton plus doux, un léger au sourire aux lèvres comme pour le rassurer. »

Bien sur que le manque d’informations à son sujet l’avait affecté –de la même manière qu’il se serait inquiété s’il avait été question de Judy, Jordan, ou Cole. Mais Jay était parfois trop compréhensif pour son propre bien, et surtout il était patient. Il voulait bien attendre le temps qu’il faudra pour que le Serpentard lui raconte les épreuves qu’il avait pu traverser –et peut-être lui raconterait-il les siennes, s’il voulait bien l’écouter.

« Ma mère a pété un câble et m'a séquestré au manoir. Je pouvais rien faire et j'ai dû… trouver un moyen pour revenir ici. Je te raconterai quand on sera juste tout les deux. C'est une promesse Sache juste que je vais bien. Vraiment. Et que je m'excuse encore. »

Étrangement, ce qu’il venait de lui dire résonna plus que raison aux oreilles de Jay qui revoyait encore sa propre mère les yeux pleins d’une inquiétude qu’elle peinait à dissimuler en voyant son fils disparaître derrière le mur entre la station neuf et dix de la gare. Un souffle tremblant s’accrocha au bord de ses lèvres un instant.

« T’as pas besoin de t’excuser si t'y étais pour rien, fit-il après un instant de silence, le temps de mettre de l’ordre dans ses pensées. Si tu vas bien c’est l’essentiel… »

Un ricanement un peu cynique –Jay il avait toujours eu un sarcasme doux aux lèvres, mais le cynisme, c’était nouveau chez lui– lui échappa.

« Et puis honnêtement avec tout ce qu’il s’est passé je crois que ma mère crevait d’envie de pas me laisser rentrer elle aussi… »

Meera ne l’aurait jamais forcé à rester s’il ne le voulait pas car c’était une femme trop douce et avide de liberté pour enfermer les autres contre leur gré –mais elle était amère par son impuissance moldue et terrifiée, comme toute mère étouffée d’amour pour sa progéniture qui vole trop tôt de ses propres ailes dans un monde brutal et sans pitié.

Jay avait été susceptible aux changements d’humeur mineurs de tout l’été –et ça n’avait pas l’air de s’arranger. L’ombre qui venait de s’installer dans son regard s’en délogea sitôt qu’il croisa à nouveau le regard d’Ezéchiel dont l’apparente joie le faisait rayonner même sans qu’il brille de tout son éclat, et un nouveau sourire se dessina sur ses lippes.

« Ah bah oui, ils ont du te faire redoubler j’imagine ! Trop bien ! Enfin, d’être dans la même classe haha ! »

Il prit un air un peu théâtral et faussement vantard pour balayer dans un coin de son esprit les restes de malaise qui s’y accrochaient.

« Tu vas voir, j’ai vachement progressé depuis l’année dernière, c’est moi qui vais te filer des cours maintenant ! »

Une épaule inconnue le bouscula légèrement et il réalisa seulement maintenant qu’ils se trouvaient au milieu du couloir et que ce n’était probablement pas le meilleur endroit pour taper la discute.

« Tu retournais à ta salle commune ? La mienne est au sous-sol aussi on peut y aller ensemble ? »

Il ne voulait pas vraiment s’en aller.

Il y avait définitivement quelque chose de changé entre eux ; c’était infime, peut-être que de l’extérieur ça ne se voyait même pas, mais Jay pouvait le ressentir jusque dans ses tripes. Auparavant, c’était comme un jeu, suffisamment subtil pour qu’il parvienne à se convaincre lui-même qu’il agissait ainsi avec tout le monde, que c’était dans sa façon habituelle de communiquer avec ses proches que de se montrer aussi ouvert, tactile et intéressé.
Mais il y avait des regards ce soirs qu’il ne se souvenait pas avoir vu avant et qu’il n’arrivait pas à ignorer –et il ne savait même duquel des deux cela venait.
C’était étourdissant –et un peu grisant, il avait assez grandit pour l’admettre en un an.

« C'est ce qu'on verra quand tes notes seront incompréhensibles parce que tu seras trop déconcentré à me regarder.
— Quoi ?! Un ricanement narquois siffla entre ses dents, c’est dans tes rêves ça, attends juste que je me ré-habitue à t’avoir qui joue les vers luisants à côté de moi et on verra qui regarde qui ! »

Il ne faisait sûrement pas le poids face à Ezéchiel dans ce domaine –mais il ne voulait peut-être pas encore l’admettre en face de lui pour le moment.

« Et bien sûr, on peut y aller ! C'est à croire limite que je passe plus de temps dans votre maison que dans la mienne… »

Jay esquissa un sourire amusé mais une pensée insidieuse lui gâcha un peu sa joie sur la fin –avec qui pouvait-il bien passer tant de temps dans sa propre salle commune ? Il lui semblait qu’un des amis proches d’Ezechiel était effectivement Poufsouffle mais pour une raison qu’il ignorait et ne parvenait pas à rationaliser, ça l’agaçait.

Allons Jay,
On ne va pas commencer à être
j a l o u x
maintenant, non ?
Ce serait abusé.

La sensation de la main du jeune homme attrapant le bout de ses doigts subitement le tira bien vite de ses pensées confuses ceci dit, si bien que Jay mis une seconde ou deux à comprendre ce qui lui arrivait avant de laisser un rire tinter au fond de sa gorge et presser un peu le pas pour rattraper l’avance de son ami –il ne retira pas sa main de là où elle était, ça ne lui effleura même pas l’esprit.

« …il serait peut-être temps de me laisser un place dans votre lit, tu ne crois pas ?
— Heureusement que tu l’as dit au pluriel sinon j’aurais pu me faire des idées, il répondit railleur et narquois, ne se laissant pas démonter malgré l’œillade en coin qui l’avait peut-être un peu bousculé en dedans. »

Le rire d’Ezechiel résonna dans le couloir –contagieux, épidémique, Jay se trouva à rire avec lui en un battement de cils ; et dieu que c’était bon cette insouciance qu’il avait oublié d’éprouver ces derniers temps.

« T’as pu retrouver un peu tes marques depuis qu’on est arrivés ? C’est qu’il s’en était passé des choses depuis son départ, Jay ne saurait par où commencer. »

Lui même ne savait pas trop où il en était
–à bien des égards.

« Non. »

C’était tranchant, direct, et en décalage avec le sourire éblouissant qui lui collait au visage –un peu déstabilisant, il fallait l’admettre, mais il n’avait cessé de déstabiliser Jay depuis leurs retrouvailles après tout.

Ce dernier l’écouta attentivement tandis qu’il lui faisait part de sa confusion totale vis-à-vis de Poudlard, de ce que ses murs et ses gens étaient devenus pendant son absence, et toute cette incompréhension faisait écho dans le cœur de Jay.
Il avait beau avoir été présent lui aussi, il ne saisissait toujours pas comment les choses en étaient arrivées là. Pourquoi des camarades de classe s’étaient ralliés au Corbeau, pourquoi Judy s’était retrouvée mêlée à tout ça, pourquoi c’était allé si loin que le ministère de la magie leur était tombé sur la tête le soir du Gala –et dans tout ce brouillon sans forme, Jay s’était senti si impuissant, si petit, que son optimisme légendaire en avait pâtit.
Il avait été là depuis le début, mais lui non-plus ne reconnaissait pas l’endroit qu’il avait souvent appelé sa seconde maison.
Ezéchiel s’immobilisa, et son regard sur lui le perturba –il fit l'effort de ne rien laisser paraître cette fois.

« En fait… je me rend compte à quel point c'est fatiguant de faire comme si de rien était.
— À qui le dis-tu… »

Il s’était promis de faire de son mieux pour cacher la noirceur nouvelle de son cœur à ses proches –principalement Judy et Sam, parce qu’il les savait d’une force parfois fragile qui nécessitait de temps en temps sa lumière pour leur rappeler leur éclat, et il craignait de les emporter avec lui s’il ne faisait pas l’effort de prendre sur lui. Même avec sa mère, avec qui il n’avait jamais eu honte de tout partager, il ne s’était pas complètement ouvert quant aux démons qui le hantaient.
Et c’était épuisant, terriblement épuisant.
Il comprenait totalement.

« Et je me doute que tu n'as pas envie d'écouter ce genre de choses en ce moment, je devrai mieux te changer les idées. Même moi, j'ai changé… et… je sais que tout le monde à dû te prendre la tête avec ça mais -… »

Il marqua une pause, et Jay, pendu à ses lèvres, retint son souffle l’espace d’une seconde.

« … je me suis vraiment inquiété pour toi… »

Ah, revoilà le palpitant qui s’agite contre sa cage d’os et de chaire.

« Et puis peut-être que c'est ce que je veux, que tu te fasses des idées.
— Ah d’accord, le changement de ton s’était fait si soudain que Jay mis un instant avant d’éclater dans un rire clair et chaleureux, on en est là, je vois ! »

Il devait avouer que cet espèce d’entre-deux dans lequel ils semblaient flotter ne lui déplaisait pas –peut-être même qu’il se découvrait un goût pour ce genre de jeu qu’il n’avait pas eu jusque là.

« J’espère bien que tu t’es inquiété pour moi, je l’aurais un peu mal pris sinon. »

Il en aurait souffert –dans son égo comme dans son cœur– si l’affection et l’inquiétude qui en découlait qu’il nourrissait pour Ezéchiel s’était avérée moins réciproque qu’il ne le pensais.

« C’est vrai qu’en ce moment, moins j’ai à y penser mieux je me porte. Mais ça ne m’embête pas d’en parler avec toi. »

Peut-être que parce qu’il était justement à dix milles lieues de ce qui était arrivé dernièrement, c’était plus facile de lui en parler, ça lui permettait de prendre du recul et dire ce qu’il avait sur le cœur sans craindre de rappeler certaines images à ses autres amis traumatisés.
Ou peut-être que c’était tout simplement parce qu’il se sentait à l’aise avec Ezéchiel.
Allez savoir.

« J’ai du mal à me souvenir de tout ce qui s’est passé pendant ton absence, c’est comme j’avais tout vécu à la troisième personne. Un sourire un peu triste se dessina au coin de ses lèvres. J’ai l’impression d’avoir du mal à retrouver ma place ici alors que je l’avais jamais remise en question auparavant, c’est assez bizarre. »

Déjà le couloir peu avenant du sous-sol s’étendait devant eux, et dans la pénombre, Jay craignait toujours de voir se détacher de l’obscurité la silhouette terrifiante de l’homme au masque dont la vue le hantait depuis le soir du gala.

Il y eu un silence étrange qui s’installa entre eux –Jay n’aurait su dire combien de temps cela avait duré. Même les pas des quelques Poufsouffles et Serpentards qui retournaient à leur salles communes respectives qui résonnait contre les murs ne semblaient pas suffisant pour briser cet instant, comme s’ils avaient été mis sur pause, juste tout les deux.

C’était curieux ; pendant une seconde, Jay songea avoir peut-être prononcé le mot de trop, celui qu’il aurait mieux fait de garder pour lui –mais connaissant Ezéchiel et sa franchise désarmante, il lui semblait inhabituel de sa part de d’offusquer de ce qui n’était rien de plus rien de moins que l’honnêteté de son cœur. Le Serpentard s’arrêta, une fois encore, et tandis qu’il sentait ses doigts se défaire des siens, Jay se tourna vers lui avec une maigre lueur d’inquiétude au fond des yeux.

Mais au lieu de voir une quelconque once de regret ou de ressentiment dans les yeux d’Ezéchiel, ce fut à une mélancholie douce et étrange qui résonnait un peu trop en lui qui lui fit face.
Et puis il y avait sa main, qui s’échoua en une caresse troublante sur sa joue.
C’était tendre, agréable –son estomac semblait se tordre en une centaines de papillons et une chaleur réconfortante se répandit dans tout son corps.

T’es déjà foutu mon vieux, il songea, soufflant par ses narines un soupir de dépit amusé par sa propre faiblesse devant la spontanéité d’Ezéchiel.

« Alors... on est deux. »

Un frisson qui n’était pas désagréable lui traversa l’échine.

« Peut-être qu'on peut s'aider, cette année. »

Un sourire un peu triste mais qui –peut-être pour la première fois depuis le début de l’été– renfermait plein d’espoir s’esquissa sur ses lèvres, et Jay se perdit dans les ambres envoutantes du jeune homme, l’espace d’une seconde ou deux si bien qu’il en oublia ses remarques désinvoltes et ses sarcasmes à l’envolée.

« Ça serait bien, ouais. »

Il réalisa tout à coup la situation ; c’était la deuxième fois en peu de temps qu’Ezéchiel parvenait à lui faire perdre conscience de ce qui l’entourait et de ce qu’il faisait rien qu’en se comportant comme il l’avait toujours fait –ou presque. Soudainement conscient de l’endroit à l’intimité des plus rudimentaire et du passage régulier des autres élèves, de nouvelles rougeurs s’installèrent sur ses pommettes et un sourire un peu gêné étira le coin de ses lèvres. D’un pas en arrière, il se défit doucement du contact de sa main –il lui sembla avoir un peu plus froid tout à coup– et se racla la gorge pour reprendre contenance.

« Sur ce, je vais pas te retenir plus longtemps, tu dois être fatigué avec cette rentrée, haha ! »

Sans se détourner de lui, il avançait à reculons en direction des tonneaux de vinaigre qui dissimulaient l’entrée de la salle commune de sa maison.

« On se voit bientôt en cours, du coup. »

Sa voix était chaude et pleine de douceur, trahissant toute la joie qu’il éprouvait de pouvoir à nouveau lui dire

« À demain ! »

Ne pars plus.