(premier mouvement) lancinant. c'est le départ tout en déchirement après qu'on ait réduit les attaches en charpie les portes du château franchies vêtu de lambeaux poisseux. entre piano et pianissimo uniquement car ces douleurs là on ne les recrache pas ça se garde tout en dedans. berlioz en aura dit "c'est l'un de ces poèmes que le langage humain ne saurait qualifier".
(deuxième mouvement) lancé subitement à la fin du premier comme un soupir soulagé lorsque le cœur se remet à battre. des semaines qui passent et au milieu certaines chansons enchantent figaro (des ritournelles qu'on ne joue au piano étrangement à la guitare, plutôt). des fleurs entre deux abîmes redonnent le goût d'aimer sans filer des hauts-le-cœur.
alors pourquoi pourquoi pourquoi cent fois encore et toujours ils s'en vont tous pourquoi la colère reste, elle l'amante infâme de figaro.
lorsque tu passes les portes de l'auditorium (kenneth) figaro en est au troisième mouvement
presto agitato
pour cogner en musique il faut battre les notes dans des nuances sforzando ; ainsi si les mélodies avaient des os ce serait le bruit que feraient les cartilages que la fureur tord rageusement jusqu'à les rompre avec passion hurlement des octaves brisés à l'agonie.
le troisième mouvement c'est le plus violent de la sonate à la lune c'est le morceau que figaro préfère depuis toujours. il y revient sans cesse a des urgences de le jouer parfois ce chaos en quatre temps. dérobe le trousseau de clé le soir après les entraînements sur le terrain dehors il s'isole ici dedans tire la porte juste et s'installe sur le tabouret toutes les touches d'ivoire sous les yeux si parfaitement alignée il n'a plus qu'à y glisser du désordre (ça, plutôt que donner des coups).
peut-être que ce soir c'est exécuté un peu trop fort peut-être que cette fois figaro se sent vraiment en tord
ça résonne tellement ça couvre tes pas tes regards ta présence toute entière alors que pourtant pourtant il s'est surpris à la chercher au détour des couloirs depuis que la rumeur court à propos de ton retour - il s'était dit ces derniers jours qu'il serait temps de se croiser pour parler de prosodie (paraîtrait qu'il existe chez vous deux ce goût commun pour la musique).
et il reporte encore la collision repousse le moment où il osera enfin dire rien que bonsoir jusqu'à la dernière note.
la sonate à la lune sur le bout des doigts pourtant ce morceau comme lui et toi au moment où il fait silence porte en son cœur une part d'improvisation.
deux yeux bleu f(roi)d quittent le clavier blanc immaculé pour se plonger dans les yeux sombres du garçon de l'autre coté de l'instrument il n'y a plus que ça qui vous sépare kenneth contrairement aux touches du piano a des teintes noires sur noires.
— ... tu t'es perdu ?
hautain malgré lui.
si c'est pour me dire de faire moins de bruit sois tranquille j'ai terminé j'allais partir.
comme pour couper court aux arpèges que tu déclenches quand tu l'approches, figaro claque le couvercle sous la doucine pour faire taire tous les accords fuit aussitôt tes œillades tandis qu'il rassemble ses partitions froissées sur le pupitre.
car il n'est pas sûr que tout ça soit bien joli à voir.