Qui es tu ?

Doucement. Ne la brusquez pas trop. Elle est timide vous voyez. Sans raison je crois. Juste parce que c'est dans sa nature. Et parce qu'elle a onze ans. Elle a peur. Comme beaucoup d'enfants. Certains jouent les gros bras, les durs, les résistants, mais ils ont peur quand même. Elle n'essaye pas de faire semblant, pourquoi le ferait-elle ?

Tout le monde s'en rendrait vite compte. Elle préfère dispenser son énergie à d'autres choses : sourire, lire, s'asseoir quelque part et regarder les nuages, s'entraîner, regarder quelqu'un, manger, dormir, lire encore, chantonner, essayer d'être sympathique, s'attrister parfois, être heureuse beaucoup. La vie est épuisante et elle n'a jamais essayé de faire comme si ce n'était pas le cas, comme si tout lui était facile. Pourtant beaucoup de choses lui sont faciles, elle est plutôt doué, et elle comprends vite.

Mais parfois les tâches les plus simples lui semblent hors de portée. Apprendre un sortilège ce n'est rien,mais le formuler ou agiter sa baguette, cela deviens un défi, une légère pénurie de motricité dès son enfance. mais elle n'aime pas se laisser abattre. Elle aime répéter beaucoup, souvent. Parfois elle s'énerve, elle se décourage, elle pleure,elle crie. Elle a souvent tout simplement peur d'échouer et de décevoir les autres, ou de se décevoir elle même.

Elle regarde les gens avec un demi sourire qui veut sans doute dire "je ne te connais pas encore, mais peut être voudras tu qu'on se connaisse ?". Avant tout, Elina est une enfant bordée de rêves et
d'envies, et le principal d'entre eux : rester libre.

Il y a des histoires longues parce qu'il y a des ennuis et des ennemis partout. Il y a des histoires dramatiques et qui font pleurer, des histoires joyeuses qui font rire, des parents qui battent leurs enfants, des grands frères qui assassinent leur famille pour l'appât du pouvoir, des gens qui s'en foutent, et des gens qui ne s'en foutent pas du tout, le temps qui passe et les rêves qui s'effritent,
les coeurs qui s'attirent et se repoussent et des tas et des tas de mots à écrire.

Et puis il y a les histoires simples. Celles qui finissent très probablement comme elles ont commencé :
sans artifice. Des histoires qui ne se définissent non pas par l'extravagance des sentiments qu'elles véhiculent mais par leur simple existence. Car s'il n'y a pas d'histoires simples, comment croire à celles qui ne le sont pas ? Elina est probablement une de celles qui participent sans le vouloir à ce fragile équilibre. Sa grand mère était une moldue, et sans doute d'autre de ses parents aussi, mais sa mère et son père étaient sorciers. Ils lui ont transmis le goût de la magie et du savoir, celui de toujours chercher, et de ne jamais abandonner. Ils l'ont aimés. Ils ne sont pas morts. Ils l'aiment encore. Il n'y a pas que des histoires tristes.

Elina a vécus toute sa courte existence à Londres, dans une maison de taille respectable, avec son père qui était médicomage et sa mère fabricante de balais. Tous les deux très compétents, ils gagnaient largement assez d'argent pour subvenir à tous leurs besoins, et même parfois aux rares caprices de leur fille unique. Ni frère ni soeur cependant pour égayer cette vie où les parents travaillent, et où l'école n'est pas toujours satisfaisante, alors Elina se réfugia très vite dans les livres.
Des livres qu'elle apprécia au goutte à goutte ou qu'elle dévora en une nuit, des livres qui lui donnèrent envie d'être une princesse à sauver et un chevalier tueur de dragons, voir même un dragon parfois, des livres qui lui firent regretter de vivre dans une époque où la technologie avait détruit cette ambition. heureusement il restait la magie, une chance de faire comme si elle pouvait vivre de grandes aventures. Elle fut particulièrement déçue d'apprendre que l'école de magie dont on lui avait tant parlé avait cédé à l'attrait de la modernité, une redoutable mode qui se répandait un peu partout là où la simplicité lui donnait l'impression d'être libre, entière responsable de ses actes et de ses erreurs, dépendante de nul autre que d'elle même. Mais elle restait une enfant, et ses rêves d'envol devraient attendre.