La montée de ces escaliers fut extrêmement laborieuse, et plus longue qu'il ne l'imaginait. Il n'avait jamais réalisé que les escaliers étaient aussi froids et durs, si bien que la perspective de s'installer sur son lit ou un canapé lui était de plus en plus attirante à chaque marche grimpée. De léger rires passaient la barrière de ses lèvres lorsqu'il jetait un coup d’œil à fenry, montant les escaliers à quatre pattes. C'était sûr, ils avaient des esprits du même acabit, et une classe sans pareille — et tout cela se dévoilait dans toute sa splendeur une fois qu'ils avaient bu assez de verres.
Une fois leur but atteint, la jeune femme étalée sur le sol crasseux comme une baleine échouée, il profita de ces quelques instants pour glisser une clope entre ses lèvres et l'allumer, juste avant qu'elle le prenne par le bras et le relève, lui intimant silencieusement de prononcer le mot de passe. Il prit quelques taffes, le temps que ses neurones se connectent, et lâcha le mot de passe à la grosse dame, remerciant silencieusement toute existence supérieure de son absence de commentaire strident.
Avec son aide, il sautilla jusqu'à un des si confortables canapés, et s'y laissa tomber comme une masse, main avec la clope dans le vide, la jambe abîmée reposant sur un autre accoudoir.
« Putain, ça fait du bien d'avoir le cul posé sur un truc ... pas dur. » scrutant la salle de long en large, il aperçut son familier près du feu, et claqua sèchement dans ses mains pour les réveiller. Le son brusque lui rappela son mal de crâne, ses traits se tordirent en une grimace momentanée. L'animal le rejoint prestement, et d'un signe, il lui fit comprendre d'aller réveiller leto. Puis il se redressa et tourna vers Fen, cherchant ses mots quelques instants avant de déclarer : « Il va aller réveiller leto, mais tu peux aller dans notre chambre si tu veux dormir ici et que t'as besoin de quelque chose. c'est la deuxième à gauche. » Et il se remit à fumer, l'esprit toujours embrumé et euphorique.

Un écho de rire s'échappa de sa gorge lorsque fenry manqua de se rétamer en loupant la dernière marche. Il était bien content d'avoir une excuse pour ne pas se déplacer. marcher, même comme un bébé, semblait maintenant bien au-dessus de ses capacités. Il rattrapa gauchement la couverture de sa main libre, la glissant maladroitement sur ses jambes. « Merci. Et j'te dois plus qu'une seule bière au beurre j'pense. » fit-il tandis qu'il observait Leto récupérer les dernières couvertures pour les déposer près de son corbeau, devant l'âtre. Ce dernier déblatéra durant quelques minutes, empruntant la clope de faust entre deux tirades, simplement coupé par un « Carlos, ta gueule. » Le gecko mit fin à ses croassement et retourna près du feu à côté du corbeau.  Tandis que son comparse finissait son pseudo-discours, il haussa un sourcil avec un air amusé à ses dernières phrases. Tentant vaguement de rassembler ses esprits et re-connecter ses neurones, il tâcha de lui répondre avec une locution plus que douteuse, et une voix rendue grave par l'alcool et les ricanements incessants. « On t'a envoyé des messages, il y avait une soirée à pré-au-lard. » Un vague geste vers sa jambe relevée. « Et j'ai fait le con. Fen m'a aidé à rentrer. » Il se gratta machinalement la joue, puis son visage s'éclaira lorsqu'il rajouta : « Et on a trouvé la technique parfaite pour monter les escaliers. sinon il doit être ... Trois ou quatre heure, j'crois ? » L'air de rien, il lâcha un énorme rot qui résonna bruyamment dans la salle. « Et au moins lucie ne s'est pas encore foutue dans les bains des préfets. j'ai peur qu'on tombe sur des ... choses étranges en y allant un jour. » Il se réinstalla confortablement dans le canapé, tirant un peu la couverture en poussant un soupir soulagé, estimant avoir fini son résumé. « T'as dormi toute la soirée au fait ?   »

Un vague hochement de tête en réponse à fenry, avec l'étrange sentiment qu'il allait finir à mendier dans la rue à l'issue de cette future soirée. puis il se fit un sourire d'enfant fier de sa connerie à leto. Oui. Encore. Et l'expression de son acolyte ne le perturbait pas le moins du monde. Il fronça toutefois le nez lorsque celui-ci commença à s'occuper de sa jambe sans délicatesse tout en répondant à une phrase de la verte qui n'était pas parvenue à ses tympans, mais il avait vu pire venant de Mephisto. Vraiment pire. Alors il se tut et observa simplement sa jambe déjà largement tuméfiée, haussant un sourcil à cette vue. « C'est plus impressionnant que ce que je croiv.. croyais.  » Les nerfs et la conscience anesthésiés, il n'avait pas saisi la gravité de sa blessure. Il ne l'écoutait que d'une oreille, saisissant tout juste la moitié des informations, et était à peine capable de les enregistrer; y réagir était plus que compliqué. « Uh. à quatre pattes, peut-être. » Il était intimement convaincu que si leto était lui aussi rentré à quatre pattes, ça serait significatif de son lien hors du commun avec Fen. La dernière tirade de son acolyte le fit fixer sa jambe valide quelques secondes, comme si celle-ci allait le trahir et se casser toute seule. Puis il dirigea le regard vers la rose, yeux plissés à cause de la lumière du feu qui l'éblouissait, et fit le commentaire le plus pertinent qui lui venait en tête : « Tu sais, si t'es vraiment une poupée et que tu restes près du feu, tu vas fondre. » Il devait forcer sur sa voix pour s'assurer d'être entendu de la jeune femme, sa gorge commençant à le tirailler et sa voix à faiblir, et s'était penché en avant dans l'espoir que ses paroles seraient plus audibles. « Et je vomirais pas, il m'en faut plus que ça. » Il se redressa au retour du brun, attrapa le tissu immaculé et le glissa entre ses dents, contractant la mâchoire aussitôt. L'alcool aidant, il ne laissa échapper qu'un sourd grognement tout en grimaçant lorsque le sort agit, ressoudant les os. Il resta ainsi quelques minutes afin d'être sûr que le sort avait agi correctement, puis recracha le vêtement sur ses jambes et se releva, le laissant tomber au sol. Le monde lui sembla extrêmement mobile durant quelques secondes, et il s'approcha d'un pas erratique de Leto qui avait terminé d'installer le lit improvisé. « Ça a l'air confortable. » Attrapant de justesse la clope qu'on lui avait lancée, il l'alluma d'un rapide incendio puis poussa un soupir quand une idée lui revint en tête. « Par contre fen, si tu vomis, c'toi qui me devras une soirée sans frais. » fit-il en la désignant avec une clope loin d'être stable. se tournant vers son acolyte, il lâcha : « T'as vraiment manqué quelque chose. » Il tenta de bouger légèrement et, le monde s'agitant de nouveau, se décida à se rasseoir par terre. « Un mec a attrapé un chat pour essuyer avec la bière qu'il avait renversée sur la table. Le chat s'est énervé et lui a griffé tout le bras. L'mec a tiré une de ces têtes, on aurait dit une poule de chicken run.  » Il se remit à rire en se remémorant la scène, l'éclat dissonant de son ricanement se réverbérant dans la salle, puis s’étouffant peu à peu dans sa gorge. Il jeta un coup d’œil à fenry, lui faisant un grand geste de la main pour s'assurer qu'elle survivait, puis posa son attention sur leto de nouveau. « C'était cool avec raff du coup ? »

La fumée s'inhale, s'exhale ; des effluves toujours plus rance dans le corps, la salle, l'esprit. Il scrute les traits de son acolyte, perçoit les hantises qui s'attardent ; l'esprit enrayé, grinçant. Souvenir et énième avertissement, ils ne s'en débarrasseront pas comme ça. Pas de tout ça. Fugitif instant où le cœur se serre, et il laisse l'alcool reprendre position de son crâne endolori. Pas ce soir. Pas encore. Alors il attend, que les paroles tâchent le silence ; il attend, que l'acolyte chasse ses idées noires.
Puis il le laisse rattraper, lié les conversations et commentaires des deux êtres alcoolisés, sourcils froncés ; la vague impression de manquer un peu trop de choses – il ne saisit pas la raison des expressions de Fenry. C'est inhabituel, de ne pas ressentir aussi, et il est incapable de dire s'il l'apprécie ou non. Sans doute avaient-ils vraiment abusé sur la boisson cette fois-là. Mais la tirade de Leto lui avait rappelé quelques circonstances, et il ne pouvait le laisser passer. « En parlant de ça .. Un téléphone c'est portable. Le principe c'est de toujours l'avoir, pour être joignable. C'est très pratique, tu sais.   » À chaque mot prononcé,  sa voix semblait un peu plus proche de se briser. Grimaçant légèrement à la douleur qui commençait à l'encombrer de partout, il décida de s'épargner la complexe tâche de parler, et se concentra sur la cigarette presque consumée, tout en pesant le pour et le contre avec difficulté : est-ce qu'il s'en grillait une autre ? Les paroles en fond sonore, il hocha précautionneusement la tête à l'explication de Leto concernant Raff, puis l'une des phrases lui remémora quelques évènements qu'il aurait préféré évité. Notamment le nombre de crash tests avant de maîtriser ce sortilège pour réparer les os brisés.« Crois-moi, il ne vaut mieux pas voir ça.  » lâcha-t-il, incapable lui-même de savoir à quoi il faisait référence – ses souvenirs ou l'idée de ce sort exécuté en étant bourré. Son attention se reporta sur le duo et la vision qu'il eut lui fit légèrement écarquiller les yeux. Oh. Il ne l'avait pas vu venir, ça. Alors qu'il hésitait sur la conduite à tenir – il pouvait s'éloigner un peu, il se rappela quelque chose. Pour qu’une trace de ce que vous aurez oublié demain soit toujours là. avait dit Leto. Un sourire ornant ses lèvres, il se saisit de l'objet et, posant son coude sur son genou pour que l'image ne soit pas trop floue, il prit un rapide cliché de la scène. Son rôle joué, il se laissa tomber une fois de plus, miraculeusement sans un bruit, et ses pupilles se fixèrent sur le plafond. Effectivement, ce n'était plus une chandelle qu'il tenait, «  C'est carrément un putain de lustre. » qu'il marmonna. Ça ne le dérangeait pas tant que ça, mis à part qu'il avait l'impression qu'il devrait aller dormir avec les familiers pour les laisser en toute intimité.

Le simulacre de parole de Fenry lui arracha un rire, âcre et âpre au creux de sa gorge. Ses paupières menaçaient de tomber, de l'attirer dans l'obscurité réconfortante de la narcose. Mais il luttait, chassait le sommeil de battements de cils vifs et décidés, offrant un vague sourire à la Serpentarde qui s'écroulait, de nouveau enlisée dans un rire et dans les couvertures, sur Leto. L'acolyte était lui aussi empreint de sa torpeur, obnubilé par la présence féminine . Et vint une impression fugitive, d'être spectateur, d'assister à quelque chose d'important ; où peu était dit mais tout était vie ; de trouver une perle après un milieu d'huîtres ouvertes, de jours vécus. C'était la première fois que l'acolyte était ainsi, aussi enivré d'une présence, délivré d'un manque qui le rongeait, durant d'infinies secondes ; et cela l'agita quelque peu, titillant son empathie anesthésiée. Cela frétillait et il tenta de le laisser s'embraser afin de le comprendre, mais tout fut terminé lorsque celui dont il tentait de saisir les sentiments l'apostropha – et son regard prit vie tandis qu'il rejoignit celui de l'autre, qui quittait son cocon réconfortant, désirable, désiré. Un sourire étira ses lèvres, amusé et accompagné d'un haussement d'épaules. « Je suis pas assez objectif pour pouvoir te répondre. » Il fronça les sourcils, incertain de l'utilisation de ce mot. « Enfin, pas assez... je sais pas. »  Il poussa un grognement éreinté, la voix s'éteignant au fond de sa gorge. La bataille contre le sommeil était de plus en plus ardue, mais il n'avait aucune envie de perdre, alors il s'étira tout en se redressant, s'imprégnant de la sensation de ses muscles étendus. « Le bouton OFF, c'est probablement lui donner à boire. »  fit-il avec un sourire moqueur, une invitation à peine déguisée. Ironie qu'il ne soit en rien concerné. « Et j'suis pas en état de me souvenir d'autres anecdotes. »  Les arcanes de son crâne semblaient êtres interdites jusqu'à lui-même, une masse brouillée et bruyante en guise de sensations, élucubration. S'assoupir semblait être à la fois la solution et la pire des situations ; décuver était plus approprié.  Il se leva tant bien que mal, hésitant sur la conduite à tenir. Aucune conversation ne venait le troubler, et il se prit à lâcher des éclats de rire comme Fenry, son regard rencontrant le sien, contaminé par l'euphorie factice.