Rhys - Bring me to life

Rhys avait onze ans. Première année à Poudlard. Ses camarades, peu importe leurs origines, s'émerveillaient devant le château et sa magie, l'océan de possibilités qui s'ouvrait à eux maintenant qu'ils étaient entrés de plein pied dans le monde sorcier.

Rhys, pourtant né-moldu et nouvel arrivant dans cet univers étrange, était le plus impassible de tous. Un regard perçant, observateur, mais qui ne semblait refléter aucun sentiment, aucune émotion, comme s'il s'était posé sur la vision la plus banale de ce monde. Ni les fantômes ni le choixpeau ni la magie n'avaient su le faire réagir. Un véritable robot, imperméable à tout ce qui l'entourait. Ou, tout du moins, c'était ce que les autres pensaient.

En son for intérieur, Rhys était intrigué. Curieux. Perplexe. Des émotions qu'il aurait probablement dû ressentir de façon plus intense, mais qui étaient néanmoins présentes, existantes. Elles restaient là, enfermées dans son coeur, dissimulées derrière un masque de neutralité, la placidité la plus totale. Ils étaient nombreux à se demander, en particulier les adultes, ce qui pouvait bien amener un si jeune enfant à être aussi... détaché.

La réponse ne leur parvint que des semaines plus tard, lors d'un événement en cours de potions. Le jeune garçon était en duo avec un de ses camarades de classe, un maladroit qui avait renversé sur le bras de Rhys leur fiole de potions. Rhys pouvait clairement sentir le liquide lui brûler la peau, pénétrer sa chair, mais il n'avait pas dit mot, à peine un froncement de sourcils. C'était son binôme qui avait signalé l'incident, permettant au professeur de remarquer les dégâts et l'incroyable inexpressivité de son élève, qui devait souffrir le martyre mais n'en disait mot.

C'était l'incident qui avait tout déclenché, la goutte qui avait fait déborder le vase, le petit morceau de puzzle qui leur manquait pour poser les bonnes questions à Rhys, qui répondit comme si tout cela était parfaitement naturel, totalement normal.

Le petit garçon avait parlé de son père, militaire, et de son éducation ô combien rigide. Des heures qu'il avait passé à pleurer et à demander son attention, pour seulement la recevoir lorsqu'il se calmait et exprimait sa demande d'une voix posée, calme, placide. D'un manque d'affection presque total de ses deux parents, dont les câlins sans chaleur ne se manifestaient que lorsqu'il était parfaitement calme.

Il avait évoqué le placard où on l'enfermait lorsqu'il commettait une erreur ou une maladresse, d'où il n'était autorisé à sortir que lorsqu'il cessait de résister et de crier pour qu'on l'aide. Du haut de ses onze ans, il ne comprenait pas ce qui poussait ses parents à agir de la sorte. Il ne saisissait pas le fait que son père reproduisait en partie l'éducation qui lui avait été donnée, que sa mère n'osait pas protester, que ses parents espéraient le rendre résistants face à des émotions jugées "futiles", des "faiblesses" que Rhys ne pouvait pas s'autoriser s'il voulait suivre les traces de son père.

On ne lui avait jamais demandé ce que lui souhaitait. A dire vrai, il n'aurait pas su le dire non plus. Quand il avait appris que l'éducation de ses parents était considérée comme de la maltraitance et qu'il serait confié à sa tante maternelle, il n'avait pas protesté, à peine réagi. Ce qu'il ressentait ? Difficile à dire. Rhys avait tant assimilé qu'il devait tout dissimuler qu'il était bien incapable de décrypter ce qui pouvait se passer au sein de son coeur, de son âme.

Suivi par un psychomage, élevé avec amour et attention par une tante qui regrettait amèrement de ne pas avoir été présente pour son neveu jusqu'alors, Rhys s'ouvrit lentement au monde qui l'entourait. Il commença peu à peu à questionner ce qui l'entourait, à nourrir de la curiosité à propos de sujets quelconques. Son premier véritable désir fut celui d'être en mesure de s'exprimer aussi librement que ses camarades. Sourire comme eux. Rire comme eux. Crier comme eux. Pleurer comme eux.

Mais on ne détruit pas des années d'abus psychologique en un simple claquement de doigts. C'est une lutte constante, permanente, des batailles perdues et d'autres remportées, tour à tour, dans un cycle infini. D'enfant inexpressif, Rhys devint un adolescent placide, toujours bien peu expressif par rapport à ses camarades, mais déjà en mesure d'affirmer certains de ses goûts, de ses désirs, de ses craintes.

Il aimait étudier et la tarte aux pommes de sa tante. Il n'aimait pas spécialement les sucreries, sauf les dragées surprises. Il ne voulait pas suivre les traces de son père et devenir militaire à son tour. Il avait peur de rester toujours le même, un coeur de robot dans un corps humain, inexpressif, inintéressant, oubliable.

Petit à petit, Rhys s'affirme, se détache de l'influence parentale, se découvre. Quoi de mieux pour cela qu'un environnement comme Poudlard, empli de gens si différents, si vivants ? Un environnement dans lequel il doit apprendre à se faire sa place, peu importe le temps que cela prendra...