You learn a lot from how people spend their vacation | ft. Elenore

En cet après-midi ensoleillé, j'avais choisi d'aller m'asseoir à la grande cour, installée sur l'un de ces petits murets de pierre séparant le couloir de l'extérieur. Ces grandes fenêtres vides, là où plusieurs avaient pris l'habitude de s'installer, dont moi. Néanmoins, je me démarquais du lot d'une toute autre façon. Les examens terminés, j'étais bien évidemment la seule encore plongée dans mes livres, muée par une inquiétude semi-justifiée. En effet, bien que les examens soient derrière nous, les résultats, eux, n'avaient pas encore été rendus. Ainsi, j'étais là, penchée sur mes livres, tentant de me remémorer les questions ainsi que mes réponses à celles-ci pour me corriger de mémoire. Également, je m'étais munie d'un carnet où je notais mes notes approximatives, espérant pouvoir les calculer aussi exactement que possible.

Concentrée, je me mordis la lèvre inférieure, grattant ma tête du bout de mon crayon. Impossible de me souvenir de la répartition des points de mon examen théorique d'alchimie. À quoi bon me souvenir des questions et des réponses pour me corriger après coup si je n'arrivais même pas à savoir combien valait chaque question ? Poussant un soupir exaspéré, je refermai violemment mes livres, faisant au passage sursauter des premières années qui passaient derrière moi. Perdue dans mes pensées, j'entrepris de me mordiller l'ongle du pouce, mon regard d'azur égaré dans l'horizon. Bien sûr, j'étais certaine de ma performance. Enfin, plus ou moins. Disons que ma réussite était assurée, mais qu'il m'aurait fait plus que plaisir de jouir d'une note assez élevée pour en faire l'étalage. Sans connaître mes résultats, il était pour le coup impensable de chercher à étudier le programme de l'année suivante en avance, bien que je ne devrais pas non plus prendre de retard sur mon horaire personnel. Il serait bientôt temps de commencer à chercher un élève en première année de DEMA de médicomagie pour lui demander quel avait été le programme à l'étude cette année. Mmh, à qui demander cela ? Tel était bien mon plus grand problème. Enfin, mon second plus grand problème, après le stress des résultats de fin d'année.

Maintenant inconfortable après ces longues heures passées assise sur place, je me décidai à rentrer. Organisée jusqu'à en faire un vice, je souhaitais commencer tôt à ranger mes effets pour les vacances d'été et, qui sait, faire un brin de ménage dans le dortoir. Elfes de maison ou pas, je n'avais jamais apprécié que l'on touche à mes effets, préférant prendre le temps de donner un coup de baguette magique pour tout récurer moi-même. C'est ainsi que je fis passer mes jambes par-dessus le muret, pour faire de nouveau face au couloir, et que je rassemblai mes effets avant de me lever. Comme toujours, je n'avais que mon objectif en tête, laissant mes préoccupations prendre l'ascendant sur ma conscience de mon environnement. Forcément, ce qui devait arriver arriva. Malgré toutes ces années à Poudlard, il m'arrivait donc encore de foncer dans d'autres élèves sans le faire exprès.

« Oh... Pardon... J'aurais du faire plus attention. »

Je me mordis la lèvre inférieure. Disons que ça, ce n'était pas prévu au programme. Je devais vraiment apprendre à être plus attentive à mon environnement, sans quoi cela pourrait devenir un problème à terme. Enfin, un peu plus de concentration sur le moment présent, justement. J'avais foncé dans une autre élève, blonde également, qui était occupée à lire en marchant. Comme quoi ce n'était peut-être pas entièrement ma faute, finalement. Sans compter que la jeune fille reprit presque exactement mes mots, me faisant hausser un sourcil. C'était à se demander qui de nous deux était vraiment celle qui faisait le moins attention. Néanmoins, elle tenta aussi de désamorcer la situation d'une "blague" à laquelle je murmurai une réponse en détournant les yeux, esquissant un sourire malicieux. Disons simplement que j'avais un humour particulier, bien à moi et un peu sombre, et qu'il ne me semblait pas nécessaire de le prononcer à haute voix.

« D'habitude je n'essaie pas, je réussi. »

Pas que j'ai déjà tenté de tuer quelqu'un, ce serait un peu contre-productif pour une future médicomage, mais la réponse m'était venue du tac au tac. Je secouai légèrement la tête pour chasser mon air amusé, préférant plutôt me concentrer sur la situation en cours. Dans un cas comme dans l'autre, j'avais commis un sacrilège : un livre avait été abîmé. Devant ce triste spectacle, je fronçai les sourcils, n'écoutant qu'à demi les plaintes de l'autre blonde. Enfin, non, je ne les écoutai pas du tout. Qu'en avais-je à faire, après tout. Sans plus attendre, je posai les genoux au sol pour récupérer le volume, le regardant d'un oeil critique et jaugeant le carnage. Délicatement, j'en chassai la terre, mais ça ne suffirait pas. Certaines pages s'étaient déchirés sous le choc, il faudrait une intervention magique pour arranger tout ça. Je me relevai donc, l'ouvrage entre les mains, esquissant un sourire qui se voulait rassurant.

« Je peux m'en occuper, suis moi. »

Je poursuivis ma route dans le couloir bordant la grande cour, à la recherche d'une salle de classe inoccupée. Le règlement intérieur mentionnait que l'on ne pouvait faire de magie en dehors des salles de classe et des endroits prévus à cet effet, mais ne mentionnait rien sur la nécessité d'être en cours ou en présence d'un professeur. Je déposai donc le livre sur une table vide et sorti ma baguette, passant rapidement en revue les sorts qui pourraient m'être utiles.

« Tergeo. »

Un premier coup de baguette et le livre était débarrassé de la terre et de la poussière. Bon début, mais ce n'était pas encore tout à fait ça.

« Reparo. »

Cette fois, les pages déchirées retrouvèrent leur gloire passée, ne faisant de cette mésaventure qu'un souvenir désagréable, un moment déjà prêt à être oublié. Mon ouvrage accomplit, c'est avec un petit sourire fier de ma performance que je me retournai vers la Poufsouffle, lui rendant au passage son livre, comme neuf.

« Plus de peur que de mal. »

Si j'avais réparé l'objet avec brio, j'avais sous-estimé un autre aspect de cette interaction avec la blonde inconnue : soit les présentations. Cet oubli était un peu ridicule d'ailleurs, cette étape aurait normalement dû couler de source. Sans doute avais-je passé trop de temps dans les livres, ces dernières semaines. Qui sait, peut-être que de discuter un peu me ferait du bien, pour une fois. Enfin, l'espoir est toujours permis, même dans un esprit légèrement cynique. Et puis je n'avais rien à perdre, si ce n'est que je pouvais du même coup procrastiner et remettre mon ménage à plus tard. Dans l'immédiat, autant répondre à la dénommée Elenore.

« Emily Wayne, septième année. Je vais commencer un DEMA en médicomagie à la rentrée prochaine. »

Information cruciale et importante, ne serait-ce que pour satisfaire mon orgueil plus ou moins bien placé. Mais bon, si l'on veut mon avis, entre un médicomage qui est fier de son métier et un qui l'avoue à mi-voix, je préfère encore le mec un peu arrogant qui en a chié pour être le meilleur de sa classe et pavaner avec ses résultats. Ouais, c'est le genre de réflexion qui me rend heureuse d'être moi, mais qu'importe. Une proposition avait suivit, me prenant légèrement de court. Se caler et causer un peu ? Avec moi ? Ma surprise me conduit à agrandir les yeux, la questionnant de mes iris d'azur. Non, elle ne semblait pas prête de reconsidérer sa suggestion. En même temps l'inverse aurait été sans doute étonnant, de la part d'une Poufsouffle. Je détournai donc le regard, ma main droite allant toucher mon bras opposé derrière mon dos en une mimique qui trahissait une certaine gêne malgré mon visage se voulant impassible. J'étais la plus vieille des deux et je trouvais quand même le moyen d'être timide, à ma façon.

« Si tu veux... Je n'ai rien d'important de prévu. »

Je ne pu m'empêcher d'esquisser un très léger sourire de satisfaction, lorsqu'Elenore mentionna que ce genre d'études devait être compliqué. Que dire de plus, je ne pouvais m'empêcher d'être plus touchée par les compliments de mon esprit que par tout autres types de compliments. Comme quoi je n'avais définitivement pas volé ma place chez les Serdaigle. Mais qu'importe, maintenant que j'avais accepté, la Poufsouffle s'était installée sans hésiter sur l'une des tables. Désireuse de ne pas passer pour la fille complètement coincée que j'étais, j'allai prendre place sur une autre table, non pas sans réfléchir aux gens qui s'étaient déjà assis là pour travailler et qui le feraient de nouveau, dans un futur plus ou moins rapproché. Je me retins de ne pas grimacer à cette pensée, me concentrant à nouveau sur Elenore qui, curieuse, m'interrogeait davantage sur ma future profession. Je replaçai une mèche de cheveux derrière mon oreille, un peu nerveuse. Devrais-je répondre ? Ça ne la concernait pas vraiment techniquement... Je n'avais pas trop envie de passer pour une fille gentille et molle et simplement altruiste. Je n'étais pas ça, moi. J'étais intelligente, douée, compétente, organisée et sérieuse. Et pourtant...

« J'irai probablement y travailler, pour gagner en expérience. Néanmoins... Je crois qu'il serait trop facile de me contenter de ça. De nombreux individus  n'ont pas accès à des soins adaptés ou suffisants pour leur condition, même dans le monde magique. »

Et même en dehors, comme certains moldus imbéciles qui savent que le monde magique existe, mais qui préfèrent quand même se contenter de la médecine moldue. Il faut vraiment être con. Je déglutis avant de porter mon regard bleu clair sur la craie virevoltant au niveau du tableau en esquissant le portrait des directeurs. Malgré moi, je ne pus m'empêcher d'être un peu envieuse. Mon intelligence ne faisait pas de moi une bonne artiste et j'étais incapable de dessiner autre chose qu'un bonhomme allumette. Son dessin, par contre, était pas mal réussi, au point où j'esquissai un sourire démesuré, cachant celui-ci de la main comme pour m'empêcher de céder à l'hilarité.

« Ils sont parfaits. Tu dessines beaucoup ? Une idée du domaine dans lequel tu veux étudier ? »

Elenore m'avoua qu'elle n'était, habituellement, pas très douée en dessin non plus. Au contraire, la seule raison pour laquelle elle se débrouillait, c'était car elle dessinait via de la magie. Bon point, j'aurais sans doute du y penser. Peut-être pourrais-je moi-même apprendre de cette façon ? Enfin, à voir. Mon sens de l'esthétisme n'était pas non plus au top. Tout ça pour dire que la conversation s'était poursuivie et que la Poufsouffle me dit que j'avais bien de la chance de savoir ce que je voulais faire. J'aurais bien voulu la corriger, lui dire qu'il était plutôt question de choisir sa voie, mais sans tout à fait savoir si c'est la seule ou même la meilleure. Il fallait y aller avec ses forces et ses faiblesses, surtout, et commencer à voir quelles options prendre pour avoir accès au DEMA choisit. Elle pourrait même consulter un enseignant ou un autre membre du personnel pour l'aider à jauger ses options et... je réfléchissais beaucoup trop, preuve étant que je sursautai lorsqu'Elenore parla de nouveau. La blonde était déjà passée à autre chose pendant que je décortiquais la situation.

La voilà qui clamait son ennui haut et fort, ce qui me fit esquisser une moue. Continuant sur sa lancée, elle souhaita qu'un événement particulier se produise, quelque chose qui changerait complètement la donne. Pas le genre de truc qui se passe dans une école, donc. Provoquer un peu d'amusement dans une journée monotone ? Ma première réponse aurait été la lecture, mais je me doutais fort bien que ça ne ferait que l'ennuyer encore plus. En ces simples paroles échangées avec elle, il avait été facile de remarquer à quel point nous étions différentes au niveau du tempérament. Pour ne rien arranger, la voilà qui désirait se fier sur moi pour trouver une activité à faire. Devrais-je faire des pieds et des mains pour l'occuper ? Non, en fait. Je ne la connaissais même pas alors pourquoi me donnerais-je tout ce mal ? Allons, Emily, parce que même toi tu as besoin d'amis. Non ? Mh. À voir. Pour l'instant, autant être honnête.

« Je ne sais pas trop, quand je m'ennuie je lis un livre, je joue avec mon chat ou je vais me promener. Parfois je discute avec les tableaux, je vais prendre un thé dans la grande salle et je lis le journal. Je suis plutôt emmerdante, je l'avoue. »

C'était probablement pour ça, entre autres choses, que la majorité des gens préféraient encore m'éviter. J'avais l'air froide, monotone et ennuyeuse. Enfin, presque la majorité. Il y avait toujours des gens comme Tobio ou Ruben pour venir me tenir compagnie, un geste que j'appréciais à chaque fois, quand bien même mon attitude ne le montrait pas toujours.

J'esquissai un sourire attendrit à la mention du chat d'Elenore, simplement parce que j'étais incapable de résister à ces grosses patates poilues. C'est bien pour cela que mon propre félin, Pudding, me menait par le bout du nez en quasi permanence. Comment résister à ces grands yeux, à ces petites oreilles, à ce poil tellement doux et tellement éparpillé sur mes vêtements ? D'accord, dit comme ça, le portrait global était tout de suite plus nuancé. Mais qu'importe. Elenore s'était montrée enthousiaste à l'idée de discuter avec les tableaux, ce qui, à mon sens, était plutôt surprenant. C'était bien la première chose à laquelle j'avais pensé en arrivant à Poudlard : est-ce que ces tableaux peuvent être source de savoir supplémentaire ? Comme quoi les gens ont des priorités et des réflexions différentes. Suite à cela, l'autre blonde avait décidé de se mettre à me dessiner et j'avais donc recalé ma frange bien comme il faut derrière mon oreille, espérant ne pas être trop moche.

« Ça ne me dérange pas du tout. »

Ça me rendait simplement un peu nerveuse, mais rien de trop grave. Le dessin pourrait toujours être effacé plus tard, il n'y avait pas là de quoi s'en faire. Plus à l'aise que moi au niveau des interactions sociales, ce qui n'était pas du tout surprenant en vérité, la Poufsouffle me fit une offre que je ne pouvais pas refuser. Même, j'avais légèrement relevé la tête, mes yeux d'azur emplis d'étoiles.

« Un aprem de lecture ? Je pourrais nous faire du thé. On pourrait manger des petits biscuits ou des fruits. On pourrait peut-être même trouver d'autres gens intéressés et comparer nos lectures. Enfin... je veux dire... ouais on pourrait faire ça. »

Avais-je conclu, un peu gênée d'avoir exprimé autant d'enthousiasme pour une activité. Après bon, si je n'étais pas emballée par de la lecture, rien ne le pourrait.