Why does that hurt? || Silas Entwhistle

Le sang te rend dingue. Il coule et s'écoule, encore et toujours de tes mains, malgré la pression effectuée sur tes narines. Tu en sens l'horrible goût dans ta bouche, tu le sens tâcher ton col, le coller à ton cou, visqueux, puéril, poisseux. Tu es au bord de l'évanouissement, de la chute dans l'abîme du tout repos, mais tu sais que si tu tombes là, tu ne pourras plus te relever.
Alors tu te précipites, vers la salle de bain des préfets en l'occurrence, seul endroit où tu pourras trouver une serviette et de l'eau qui pourra te purifier de ce liquide écarlate qui tâche tes poignets, qui s'immisce entre tes phalanges. Mais la course est difficile, la perte de sang te renvoie dans l'inconscient, dans le flou, dans l'indistinct, où le sol se mouvoie, comme un serpent ayant avalé sa queue, prouvant que l'univers a une fin, juste pas celle que l'on croit.
Et ta crainte augmente lorsque tu sens tes jambes faiblir, et tu ne comprends pas, Venus, tu ne comprends pas ce qui t'arrive, toi qui a toujours été en bonne santé, qui n'a jamais failli un seul instant. Finalement le mur devient trop proche, tu t'effondres contre sa fraîcheur, le sol t'accueillant avec sa dureté de la pierre. Ta tête se renverse en arrière alors que tu essaies encore, désespérément, d'arrêter le flot, une petite voix dans ta tête se demandant si tu pourrais en mourir.
Mais des pas résonnent, explosent dans tes tympans, un peu plus rapides à ta vue, et tu n'arrives à distinguer qu'un pan de bleu, une mèche de lumière, et tu ne sais même plus si tu rêves, si tu hallucines, si ta raison t'a abandonnée ou si l'ouroboros malsain t'avait envoyé un sauveur, ému par ton déclin, empli de pitié pour ta chute.
Et tu ne cherches pas, tu acceptes, tu tends ta main ensanglantée, mais aucun murmure ne s'échappe de tes lèvres, tu es trop fatiguée, tu voudrais juste dormir. Oui, dormir, s'enfoncer dans les limbes, fermer les yeux et rêver...

Flottement. Tu te sentis flotter, comme dans un rêve, et les lumières passaient lascivement derrière tes paupières closes. Pourtant il y avait autre chose, une saveur perçait le sel du sang, atteignant tes narines, une saveur sucrée et douce qui t'enivrait et semblait te dominer. Tu secouas la tête vivement, malgré la douleur, et ce sont les pas résonnant dans les escaliers qui te ramenèrent à la réalité, car tu ne flottais ni ne volais pas, seulement tu étais portée par des bras bienveillants, qui, jugeant par la clarté des cheveux que tu apercevais, semblaient être ceux de Silas, le semi-vélane que tu avais déjà rencontré par le passé.
Soudain, la lumière changea comme dans un kaleidoscope, t'aveuglant de nouveau, et la douceur d'un drap, d'un lit moelleux comme le sein d'une mère que tu n'as jamais eu t'enveloppa. Bien rapidement ton visage connut la fraîcheur d'un tissus humide nettoyant certainement l'écarlate couvrant ton menton et tes lèvres, alors que tu essaies de parler, maintenant que ça va un peu mieux, que tu as l'impression que le monde a cessé de danser autour de toi.

Silas.. Je ne suis pas tombée, non... Je...

Tu comprends pas, mais c'est si abrutissant, si infantile de le dire, de l'avouer, de faire cette confession insipide. Car tu ne sais rien, Venus, d'où ce liquide aux saveurs salées ne vient, pourquoi il recouvre tes mains, pourquoi tâche-t-il les draps. Tu ne comprends pas et tu as peur, elle te saisit à la gorge, froide et brûlante à la fois, une peur sourde mais la plus simple qui existe, la peur de mourir qui paralyse, qui déchiquète les muscles et les organes, qui arrache des larmes de douleur plus que des larmes de tristesse. Et ta main attrape celle de Silas alors que le sanglot s'échappe, fort, violent, et tu te remontes, malgré la tête qui tourne, pour te blottir contre son épaule si confortable, car pour une fois son charme est bon, apaisant, son apparence fallacieuse te charme et te trompe, te persuadant que tout va bien, que tout ira mieux.
Et quelques minutes s'écoulent dans le sablier qui ne pardonne pas un grain perdu, les larmes mêlées au sang ont cessé de tremper ton visage et tu te recules un peu, tu secoues ta tête. Tu es à l'infirmerie, où tant de drames se sont déroulés, tu ne veux pas être ici, tu ne veux pas...

Partons de là je t'en prie. Je vais mieux mais.. Pas ici, je t'en supplie.

Et tes yeux se tournent vers lui, et tu aurais peut-être dû me laisser seule, mais tu n'oses le dire car il est si bon et doux avec toi que tu n'oses pas. C'est Silas après tout, il t'a aidée, et tu ne peux lui en vouloir.