Tiny friends with big hearts - Alaine

Snežana trépignait de joie. Si elle était une grande habituée du salon de thé de Madame Poulopot, et qu'elle mourait presque littéralement de bonheur à chaque fois qu'elle découvrait les services a thé de la sévère propriétaire des lieux, elle y allait habituellement seule pour y rester des heures à griffonner ses différents projets de statues et trouver un peu de calme dans le seul lieu qui était réellement à son image. Elle aimait plus que tout cette ambiance toute rose, et l'endroit était rapidement devenu son repaire, et un passage obligatoire après Honeydukes lors de toute sortie à Pré-au-Lard. Elle avait bien tenté une fois d'aller aux Trois Balais, mais le sourire de la propriétaire n'avait pas réussi a rendre agréable sa première entrée, sous le nez d'un groupe d'élèves de sixième année, qui avait jugé bon de l'invectiver sur sa grande taille et sur le nombre de tabourets dont elle aurait besoin pour s'asseoir, et elle avait fui l'endroit aussi rapidement qu'elle y était venue.

Mais cette fois-ci, c'était différent. Alaine allait venir la rejoindre, et elle pourrait lui faire découvrir la carte des thés absolument fabuleuse, et elle pourrait lui offrir le petit paquet fuchsia qui trônait sur le dessus de son sac à mains. D'un geste calme, elle défroissa de sa grande main sa jupe, et sortit son téléphone pour regarder l'heure. Alaine n'était toujours pas là.
Le coeur de Sneg se serra, brutalement. Et si elle ne venait pas? Et si elle avait eu un empêchement? Et si, soudainement, son amie ne voulait plus la voir? Et si...?
Et si  la demi-géante avait une demi-heure d'avance? Devant l'écran de son téléphone, elle soupira de soulagement et se laissa retomber dans le petit canapé qu'elle avait choisi pour s'installer. Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, et, dans sa précipitation, elle n'avait pas regardé l'heure. Tout allait bien, tout était rose, et elle était idiote de se stresser pour des choses du genre. Elle faisait une confiance aveugle à son amie, et c'était très bien ainsi.

Elle sortit, pour patienter, son carnet de croquis, qui était en réalité un cahier grande taille, et une plume énorme de la même couleur qu'elle, et elle se mit a réfléchir sur son prochain projet: cela lui prendrait bien une demi-heure, et elle serait bien contente d'avoir avancé une fois le soir venu. Bien sur, elle aurait pu prendre la décision de réviser d'autres trucs, mais étudier seule la rebutait au plus haut point, et si elle était capable de relire ses notes, en comprendre toute la profondeur en si peu de temps relevait du miracle. A la place, elle traça un début de silhouette, la raya la seconde d'après, commanda un thé, le but, se leva pour aller aux toilettes, regarda l'heure, recommanda un thé, bacla un genre de totem qu'elle raya à son tour, et fixa ses idées sur un genre d'immense colonne hexadécagoïdale, bien qu'elle fut royalement incapable de comprendre le terme, séparé sur la hauteur en seize autres parties, chacune des faces pouvant être ornées d'un motif différent. Il suffirait ensuite de trouver la bonne combinaison parmi les 10078751602022313874633200 combinaisons possibles (elle avait utilisé une calculatrice) pour trouver le bon code, et cela fournirait certainement un excellent garde pour un passage secret, en plus d'être esthétique. Elle envisagea un instant de rajouter un sortilège différent pour faire tourner chacun des cadrans, mais se ravisa rapidement: elle n'était pas certaine de maîtriser suffisamment bien 256 sorts (la calculatrice avait fait son grand retour) pour enchanter, même théoriquement, sa création.

Le front en sueur, elle observa fièrement sa trouvaille, et regarda une dernière fois son téléphone. L'heure approchait.

Un grand sourire aux lèvres, elle attendit son amie.

La petite clochette de la porte du salon de thé de madame Poulaupot fit relever le grand visage de Snej vers celle-ci, le regard interrogateur, et se détendit quelque peu en voyant la silhouette familière de la jeune demi-gobeline qui s'avançait vers elle. Alaine était arrivée, et rien que la vision de la toute petite demoiselle emmitouflée avec soin dans son manteau d'hiver emplit son coeur de joie.

Elle aimait profondément Alaine, qu'elle considérait pratiquement comme un membre de sa famille, bien qu'elle avait ce je-ne-sais-quoi qui faisait qu'elle ne l'était pas tout à fait. Peut-être était-ce le fait que Snežana avait choisi soigneusement son contact, au contraire d'un membre de la famille, et qu'elle ne l'avait jamais regretté. Comme elle était belle, avec ses longs cheveux qui tiraient sur le lavande, habillée si soigneusement et son sourire tellement bienveillant. Et comme la géante était contente de la compter parmi ses proches. Sa bouille toute ronde fendue d'une expression éminemment sympathique, elle tenta de se lever avant de se souvenir de la hauteur sous plafond, et resta à mi-chemin entre la position assise et la position debout, dans l'inconfort le plus total.

"Alaine! Je suis très contente que tu soies là."

Elle se décida finalement à se rasseoir, alors que le reste de la salle regardait d'un air perplexe ce duo mal assorti. La jeune femme eut un petit rire en entendant la réflexion de son amie, et prit le temps de réfléchir à une réponse construite.

"Tu es en avance, ne t'inquiète pas. Je suis arrivée plus tôt , j'avais peur d'être en retard. Tu connais les..."

Elle baissa le ton, en regardant autour d'elle l'espace d'un instant.

"Tu connais les géants: quand on est pas occupés à se battre, il faut qu'on gère nos déplacements. Des grandes carcasses comme ça, faut prévoir à l'avance, et ça fait souvent des erreurs de calendrier."

Snežana pouffa à sa propre blague, et observa, l'oeil réjoui, les crèmes canari qui venaient d'être posées sur la table.

"C'est trop sympa de ta part! J'adore les crèmes canari. Je comprends toujours pas comment ça marche, mais c'est trop fort, et c'est trop bon!"

Elle esquissa une moue gourmande, mais attendit poliment avant de se jeter comme la petite vérole sur le bas clergé sur les pâtisseries, en faisant tournoyer une petite cuillère entre ses doigts.
Madame Poulaupot vint, grande dame sèche, un peu guindée, qui jurait formidablement avec l'entièreté de la décoration de son salon, pour prendre la commande. Snežana se saisit prestement de la carte et la planta sous le nez d'Alaine, pointant du doigt un nom obscur.

"Si tu aimes tout ce qui est floral, celui-ci est top. Il y a de la mauve dedans, si mes souvenirs sont bons? Et c'est trop top."

Elle fit glisser son doigt le long de la carte pour en pointer du doigt un second.

"Sinon, celui-ci est plus sucré, et il est excellent aussi."

Elle lui aurait bien vendu l'intégralité de la carte, de toutes manières. Elle passa commande de son coté, et après avoir entendu tout ce qu'elle voulait savoir, la propriétaire s'en fut.
Snežana laissa glisser sa main dans son sac, et effleura le papier d'emballage. Le cadeau. Il était temps de l'offrir.

"Tiens... J'ai fait un petit quelque chose pour toi. Enfin, c'est pas grand chose, mais j'espère que ça te plaira. J'ai essayé de bien suivre tous mes cours pour y arriver, et c'est pour te remercier de m'aider tout le temps avec mes devoirs, parce que sans toi, j'y arriverais jamais."

Elle déposa le fameux paquet sur la table, et le déposa devant son amie, les joues toutes roses. Elle y avait mis du coeur, dans cette petite statuette, et l'enchantement lui avait posé beaucoup de problèmes, sans compter la délicatesse de l'ouvrage qui lui avait couté une petite fortune en forfait de Pineapple, étant donné qu'elle avait longuement téléphoné à Vassili pour respecter le beau morceau de pierre qu'elle avait acheté pour l'occasion.

Mais elle était satisfaite de son ouvrage, et l'ange qui déployait ses grandes ailes de marbre qui trônait dans la boite était bien le moins qu'elle aurait pu faire pour sa meilleure amie.

Fuschia, à présent, elle attendit nerveusement l'avis d'Alaine sur sa création.