Elle tombe la neige, silencieusement [Pv Bertram]

Mes pas rapides et discrets résonnent à peine dans les couloirs vides. Le château endormi, je n’y crois pas, c’est plutôt le château en plein désarroi. La détresse et l’inquiétude transpirent des murs. Dans les moments de détresse les gens se rassemblent. Mais là tout de suite, je ne parviens pas à penser au kidnapping. Comme un disque rayé les mêmes pensées tournent en boucle dans ma tête, au rythme de mes pas, au rythme de mon battement de coeur. Ce sentiment d’urgence, cette envie de courir loin...de fuir.

Je ne sais pas ce qui ne va pas chez moi. Mais j’en ai une vague idée, une esquisse de réponse qui me déchire par des sentiments contraires.

Beckett...

Je souffle en arrivant devant la statue qui garde l’entrée de ma salle commune.

Que suis-je ?

Une question.

J’entre discrètement dans la salle commune. A cette heure, bien après le couvre-feu je ne m’attends pas à voir beaucoup de monde. D’après mon téléphone personne ne s’est formalisé de mon absence. S’agissait-il d’une marque de confiance ou récoltais-je simplement ce que j’avais semé ? Etais-je devenu invisible, figurant sans visage dans le récit de personnage principal de leur vie ? Si je disparaissais un jour - le remarqueraient-ils ?

Ces pensées sont stoppées nette par la présence de quelqu’un. Mince. M’avait-elle vu ? En tout cas je ne pourrais pas me rendre dans le dortoir aussi discrètement que je le souhaitais...impossible de ne pas être vu. Gêné d’être pris dans la main dans le sac, je range une mèche tombante derrière mon oreille. Je devais essayer de ne pas attirer sa suspicion. J’arbore donc mon sourire hypocrite et convenu, celui de tous les jours et je m’approche de la silhouette blonde.

C’est Alcyone Deschamps qui lit paisiblement un livre. Je m’approche, me penchant pas derrière sur le dossier du fauteuil qui se trouve en face du sien. Nonchalant, comme si de rien n’était. D’un ton doux, un murmure pour ne pas briser ce silence, je lui demande :

Hey Alcyone...tu n’arrives pas à dormir ?

Ma camarade relève les yeux vers moi. Des cheveux blonds rayonnant, des yeux d’un bleu profond. Son charme de semi-vélane m’affecte à un certain point. Mais pas celui de la regarder en bavant après avoir perdu un demi-cerveau.

Moi non plus.

La blonde lève la tête et me sourit. Elle ne semble rien suspecter à propos de ma présence, ouf, alerte évitée. Ma camarade aussi a le sommeil troublé par les événements de ce soir. Mais pas autant que moi . Je me sens mieux, c’est indéniable mais…dans ma tête ça se bouscule. Un éventuel départ ? Avec lui. Une opération de secours et puis, ces mots encore, comme une promesse. J’observe ma camarade en battant des paupières un instant. S’était-elle perdue dans son ouvrage de potions ? C’était ce dont tout le monde parlait. Désarçonné par sa question, je reste néanmoins suffisamment poli dans ma réponse

Et bien tu sais qu’ils ont retrouvé Dave et Andy aussi, la sœur d’Edwyn. On n’a encore aucunes nouvelles des autres…Age, Bin Khalil, Rosebury, Strauss, …et bien d’autres.

Dans ce tas de noms disparus, certains que je connaissais mal ne s’étaient pas imprimés dans ma mémoire. De plus, en comparaison, les serdaigles étaient relativement épargnés. Mon regard glisse vers la fenêtre d’où tombent des flocons cotonneux avant de gagner la médaille de l’understatement

C’est inquiétant.

Mes sourcils se  fronçent alors que je me repose la question à voix basse.

Qui pourraient bien faire ça et pourquoi ?

Une réponse qui m’échappait. Je ne trouverai pas le coupable ce soir…mais qui sait peut-être demain. Ce mélange d’épuisement et d’effervescence n’a rien de bon sur ma capacité à raisonner.