[défi poufsouffle] juno (avec finn) ✽ jeune bourgeon

Un pas en avant, trois pas en arrière. Elle se mord les lèvres. Et les doigts. Elle mordille tout ce qui lui passe sous la main, elle mordille le bout de sa baguette. Puis elle s'en rend compte et la range dans sa chaussette. Comme toujours. Qui aurait l'idée de mordiller une arme ? Elle occupe ses doigts d'un fil de laine avec lequel elle joue inlassablement. Son regard est figé dans le temps, dans l'espace et son pied tapote vite le sol. Elle est assise là, sur ce banc du troisième étage, tétanisée par la peur.

Aujourd'hui elle a décidé, elle a choisi, elle prend les choses en main. Aujourd'hui elle fait un pas en avant, non, elle fait le grand saut. Et pour toujours. Aujourd'hui elle va sûrement tout foutre en l'air, c'est ce qui lui fait le plus peur, elle ne veut rien changer. Mais tout va changer. C'est obligé. Mais elle n'a pas le choix, c'est maintenant.

Maintenant.

Coup de pression, elle se lève mécaniquement, son bout de laine glissant toujours entre ses doigts. Un bout de laine bleue. Comme ses yeux. Elle avance un peu. La grâce et la délicatesse qui l'accompagnent si souvent se sont transformées en une fantomatique présence qui la fait glisser sur le sol, tout doucement. "Je voudrais te dire quelque chose." Non. "J'ai quelque chose à te dire." Non, certainement pas. "Il faut qu'on parle." Et puis quoi encore ? "Je veux des enfants." Ah ouais, carrément, non mais ça ne tourne pas rond là-dedans ? C'est même pas vrai en plus ! Elle se retourne vers un mur et hésite à y écraser sa tête, quitte à terminer tel un des fantômes de l'école, à rôder dans les couloirs cherchant son âme sœur. Brrr. Sort trop terrible, elle secoue la tête et continue son chemin jusqu'aux escaliers. Elle se trompe de chemin et redescend. Oups. Elle s'arrête en face d'un tableau et regarde droit dans les yeux ce valeureux chevalier qui lui rend un regard intrigué. Si elle s'y refuse à ce point, pourquoi a-t-elle décidé de le faire aujourd'hui ?

La peur lui prend l'estomac, ça lui fait mal. Elle en a envie, non ? Et si... Il ne la rejetait pas ? Non, non, il ne faut pas se donner de faux espoirs, il faut juste qu'il comprenne. Il doit savoir ce qu'elle pense, maintenant. Rien ne pourra y changer, mais elle doit partager ce qu'elle ressent. Elle ne doit pas le garder pour elle, non, c'est égoïste. Il faut le montrer, le dire, le crier ? Elle laisse un léger sourire à l'intention du chevalier et tourne les talons.

Juno, pauvre Juno, tu es perdue. Elle est remontée tout en haut, jusqu'au dernier étage, jusqu'à cet endroit où elle sait pouvoir le trouver.

Là c'est maintenant, c'est le moment, vas y, vas y !

Le courage qu'elle se donne. La force qu'elle puise là où elle n'en a pas.

Elle franchit une porte fenêtre et ses yeux rencontrent le soleil. Habituée à la lumière sombre intérieur, elle est oublie, un vent frais vient caresser ses cheveux, mais tout son corps reste bouillant. Elle chauffe de l'intérieur, et tant pis si elle a décidé aujourd'hui de porter une longue jupe plissée faite de voiles d'un jaune très clair et un dos nu blanc, le froid ne l'aura pas. Ce printemps qui approche est déjà dans ses jambes et dans son cœur, mais surtout sur ses joues rougissantes. Elle s'avance sur le balcon et cache d'une main son front pour pouvoir apercevoir l'objet de sa visite, retrouver l'idée de ses fantasmes.

"Tiens, salut Jun!"

Elle fait volte-face. Elle regardait du mauvais côté. Regarder le soleil n'était pas la bonne idée, lui tourner le dos, oui. Ses yeux pétillent rien qu'à voir ce visage qu'elle trouve si fascinant, il lui plait toujours de pouvoir admi-

"FINN !"

Surprise, stupéfaction, peur. "Tu viens me tenir un peu compagnie?" Juno tend un bras en avant, n'avance que d'un pas, elle bug. "Mais descend de là, enfin ! C'est dangereux ! On est au sommet du château !" Sa main alors tendue se porte à sa bouche. Elle a eu peur. Elle est sur les nerfs, là, maintenant, tout de suite, elle est hypersensible. Et elle s'en veut déjà d'avoir paniqué si rapidement. C'est Finn, il fait des choses comme ça même si aucune baguette ne peut le sauver, il se le permet, il tente des choses, ça va, ce n'est pas un drame, tout va bien. Pour l'instant. La timidité l'emporte sur toutes ces émotions et elle mordille le bout de son index, toute gênée qu'elle est. Son autre main sert fort le bout de laine. Ca commence bien. "Oh, excuse moi, je ne voulais pas t'effrayer, c'est juste que je- enfin tu vois." Sa main descend le long de son cou pour reposer au dessus de sa poitrine. Elle se protège. Elle se rapproche du bel homme, vient se tenir debout à sa gauche. Elle ne le regarde que du coin de l’œil, et son cerveau tourne à fond, elle a chaud, elle est juste... Bizarre.

Elle se penche un peu, au dessus du vide, et respire une grande bouffée d'air. Le vide, oui, c'est assez représentatif de ce qui se déplace dans son corps au moment présent.

Et toutes, toutes, toues les émotions qui traversent Juno à ce moment précis sont une torture, de gros coups de vents qui se mitraillent les uns les autres. Il s'inquiète pour elle, wouhou ! Il s'inquiète pour elle comme un "pote", ohhh... Il est proche, wouhouh ! Mr Phillips aussi pourrait être assis là comme ça, ohh... Elle lui lâche un faux sourire, de ceux qui ne durent pas longtemps et qui traduisent un peu trop l'état de gêne et de stress intense par lequel passe le lanceur, elle a l'air de quoi, là comme ça ? "Mais non, mais non c'est pas grave, rien d'important." Hey mais Juno, tu ne serais pas en train de changer d'avis sur tes bonnes résolutions tout de même ? Elle sent un mouvement du côté de Finn, il approche une main doucement, dans son dos. Et en fait non. Bon ben si, elle change ses résolutions. Est-ce que taper fort sur la rambarde de fer avec sa tête ça fait oublier des choses ? Ou Oubliette ! Elle pourrait s'Oublietter de Finn ! Quoi que ce serait un peu dangereux de le faire soi-même, peut-être demander à Rémus de le faire pour elle. Purée Finn, tu ne l'aides pas du tout.

Elle forme un nid avec ses bras, et se penchant encore plus en avant, y pose sa tête, regardant elle aussi la forêt. "On peut parler si t'en as besoin." Finn, je t'aime ! Je t'aime, Finn ! Je t'aime, je t'aime, je t'aime, allez dis le !! Au lieu de ça, elle hausse les épaules, la peureuse, la lâche. Elle qui pensait que ce serait plus simple, mais décidément tout ce qu'elle voit lui donne envie de s'enfuir en balais plutôt que de prononcer ne serait-ce que trois mots. Alors elle détourne son chemin. "Elle a quoi ta main ?"

Elle est un peu surprise, à vrai dire elle ne s'attendais pas à ce qu'il lui réponde, elle imaginait qu'il allait détourner la discussion, mais c'est une part plus sombre de lui-même qu'il lui montre, une part qui lui plait un peu moins, car elle ne la trouve pas bonne pour lui, nocive. Mais c'est une part qui, quelque part aussi, la séduit. Comme tous ces petits détails qu'elle observe toujours. Ses yeux deviennent plus triste et de ses lèvres s'échappent un "Oh, Finn...", plein de tristesse et d'un autre sentiment, difficile à indiquer par un mot. Ce n'est pas de la pitié, c'est plus fort que de la simple compassion, c'est un partage. Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle le dit souvent, ce petit "ooh", ce petit sans sens qui évoque sa tristesse, et qu'elle n'est sûrement pas au bout de ses soucis.

Enfin, il revient sur le sol, elle n'aura pas beaucoup bougé, pas beaucoup osé. Elle se relève un peu pour pouvoir l'observer. Ses gestes, la façon dont il se tient contre la barrière, son regard... Il y a chez lui beaucoup de choses qui l'ont touchée. Sa gestuelle très détachée, qui lui semble parfois je-m'en-foutiste, et ce côté brute, sculpté qui résulte de son corps, cette énergie dure, frontale, brutale, ses agissements impulsifs, tout ce qui ne lui ressemble pas, qui n'a rien à voir avec elle, et cette façade si dure pour un homme dont les mots lui semblent si tendres... Il lui semble ténébreux, parfois, rongé par des forces intérieures dont elle ignore tout simplement la possible existence, elle voit en lui tant de choses qu'elle ose à peine imaginer, évoquer, frôler. Et ça lui plait, quelque part. Il la surprend. Elle se surprend à perdre son regard le long de ses mains abîmées, sur son torse, sa mâchoire qui lui donne envie de- ses oreilles ses joues son front sa bouche son nez ses yeux ses cheveux sa bouche ses yeux sa bouche ses yeux ses yeux MERDE.

"Mais on s'en fiche de mes mains, non? Toi je vois bien que ça va pas fort." Juno sursaute, elle était perdue pour de bon cette fois. Et il recommence. Purée. Elle n'en a toujours pas le courage. Elle se mord l'intérieur de la bouche, et elle sent un de ses doigts trembloter. Mal à l'aise. Son regard défi celui de Finn, mais ses yeux semblent coupables. Elle n'a rien fait, mais ça lui fait peur. "Qu'est-ce qui vous tracasse, Mademoiselle Disney?" Encore plus peur, elle recule d'un millimètre. "Aller dis-moi Jun, j'aime pas te voir tristoune comme ça." Il se penche. Vers elle. Comment résister ? A sa voix, son regard, à ses mots ? La Juno qu'on connait tous n'est plus, tout son être est en alerte maximale. Elle n'en peut plus. Alors elle prend sa main, se dégage de la proximité qu'il a apporté, mais se rapproche. Elle tient la main de Finn entre les siennes et baisse la tête. Elle souffle sur cette main abîmée, elle n'aime pas voir ça. Elle se penche encore, ne veut en aucun cas relever la tête, et soulevant sa jupe au niveau de son mollet droit, découvre la cachette et le harnais de sa baguette. Un petit coup et elle murmure "Vulnera Sanentur." et regarde la main qui se répare d'elle même, doucement.

Elle ne le lâche pas, sa tête est toujours penchée en avant si bien qu'il ne peut voir que sa chevelure, mais elle respire fort, son cœur palpite, sa voix tremble alors qu'elle dit doucement, peut-être pas assez fort : "Je suis amoureuse de toi."