Potions lessons ft Mae

Etant donné l’absence de menace sous-jacente, j’en concluais que Mae me faisait confiance pour conserver ses secrets. Je n’avais pas la moindre intention de les divulguer - sa confiance et son amitié avaient plus de valeur que n’importe quelle satisfaction à révéler des secrets. Satisfaction que Fenry Williams connaissait bien en revanche, et donc je m’étonnais que des sous-entendus ne bourdonnent pas dans les couloirs ou encore sur le stupéshit. Ah oui, les serpentards sont censés être solidaires entre eux, non ? La communauté d’un nid de vipère….  

Quoi qu’il en soit, Mae se trompait. Fenry ne savait pas tout sur tout le monde - c’était impossible. Et même, elle serait capable de lire leurs pensées du moments, mais pour remonter plus profondément...c’était plus compliqué. Et je faisais de mon mieux pour lui faire barrage, quoi qu’il arrive.

En effet, qui voudrait ça ?

Elle sourit, en apparence sereine alors qu’elle m’explique les raisons, ses craintes. Etre l’objet de l’attention de tout le monde, de rumeurs néfastes et nauséabondes. Mae veut être paraître irréprochable. Elle s’est battu pour ça toutes ces années et elle a réussi. Qui voudrait voir ses efforts s’effondrer comme un château de carte après ça ?

La préfète joue l’innocente concernant ses notes. Je reconnais trop bien son manège, c’est le mien aussi. Maintenant que j’ai abordé le sujet mes choix sont réduits : jouer à l’innocent à mon tour ou bien continuer sur ma lancée. Peut-être qu’à force de côtoyer Beckett, j’ose me montrer un peu plus téméraire. De plus, c’est donnant-donnant. Si je ne révèle pas les secrets de la préfète, elle tiendra probablement sa langue à mon sujet aussi.

Celles qui ne sont pas censées être là.

Le ton de ma voix est nonchalant, comme si ce n’était pas une surprise. Mon regard se pose sur elle sans la fixer. Le but n’est pas qu’elle se sente menacée. Je croise doucement les bras avant que les pupilles ne glissent sur la potion.

A moins que tu ne sois encore en avance sur le programme...

Je lui offrais cette porte de sortie, cette excuse . Ces formules, ces notes, elles n’étaient pas à leur place. Magie occulte, magie noire...si elle se sentait attirée par ce genre de chose, je comprenais pourquoi elle se garderait bien de me le dire. La seule raison pour laquelle nous étudions l’occultisme- c’était pour combattre cette magie. Elle n’avait aucune raison de me faire confiance là- dessus. Je décroise les bras et fait mine de vérifier le contenu d’une fiole.

Elles avaient l’air intéressantes par contre, peut-être que tu pourrais me les montrer plus en détail ?

Ici et maintenant. Ou une autre fois. Je lui adresse un demi-sourire candide.

Et puis je n’ai pas compris. Très peu pour elle, se servir de ses pouvoirs pour obtenir ce qu’elle voulait. Comment ça, ses valeurs l’en empêche ? Je la regarde avec des yeux ronds puis je me plonge dans une intense réflexion.

Ca, je ne comprends pas.

Qui avait besoin de stupides valeurs ? Une serpentard en plus...c’était forcément un mensonge. Peut-être qu’elle avait déjà fait tout ça. Peut-être qu’elle voulait me faire croire qu’elle n’en serait pas capable.
Si seulement j’avais ce don, cette capacité. Changer de visage, me modeler comme je le voulais. Porter un masque en tout occasion...Je serais en sécurité, je serai capable de faire tout ce que je désirais sans craindre des répercussions. Le don de Mae, c’était un cadeau, une liberté. Pourquoi ne pas l’utiliser ?

Tu pourrais prende une apparence inédite - n’entacher la réputation de personne et aller faire tout ce que tu veux. Aller t’amuser, danser comme une folle, draguer le premier beau gosse qui passe et t’envoyer en l’air...Tu pourrais faire tout ce que tu veux sans être jugée par les autres et ta famille. Echapper aux regards des autres. Etre vraiment toi-même, paradoxalement en étant quelqu’un d’autre.

Je la regarde avec une pointe de déception.

Pour moi, c’est du gâchis. Un mauvais usage de tes ressources.

Je soupire et secoue la tête. Vraiment dommage. Tout ce qu’elle pourrait faire. Tout ce que je pourrais faire avec un don pareil. Mener une double vie. L’impunité. La liberté.

Quand on y pense, c’était malin de sa part - non hypocrite - de se vexer au sujet de la réputation des Greengrass quand...elle s’avérait vraie dans son cas. Nous étions similaire, à nous défendre de nos secrets du mieux que nous le pouvions. Bluff et hypocrisie, tous les coups étaient permis. Je ne lui en voulais pas le moins du monde, au contraire, c’était la seule réaction intelligente à avoir. Et j’aurai été bien mal placé pour la juger avec autre chose qu’un rictus fier.

Ses doigts s’empare de son carnet pour l’ouvrir. En voilà un mouvement inattendu et téméraire. Mae n’avait pas peur - pourquoi aurait-elle peur de Bertram Godfrey ? Mon regard curieux glisse sur les pages qu’elle dévoile sans embarras. Les lettres élégantes et les symboles occultes se succèdent à un rythme rapide. Au moins elle ne cherche pas à le nier. Le carnet se referme et mon attention se reporte sur la préfète. Les paupières closes, le visage fermé...à quoi pense-t-elle ? Cela me rappelle parfois mon comportement. Mais chez moi, ce genre de geste exprime plutôt une forme de résignation : accepter quelque chose les yeux fermés . Je ne crois pas que ce soit son cas.

Il serait peut-être judicieux de la rassurer sur mes intentions. J’ose affronter son regard pour lui dire d’un ton calme, mais pas mielleux pour autant :

Ne t’inquiètes pas. Ca restera entre nous.  Je n’ai pas l’intention de contribuer  pas contribuer à...ces rumeurs qui t’ennuient et te frustrent.

La première moitié est bien vraie. La deuxième, un peu moins. Disons simplement que ce n’est pas vraiment la raison prioritaire pour laquelle je vais tenir ma langue. Mais parce que je la respecte. Encore plus maintenant . Malgré son sens de la logique affaibli au profit de l’éthique. Je hausse les sourcils. C’est peut-être parce qu’elle est jeune et encore idéaliste mais il n’y a rien de mal à ça. Du moins si elle n’avait pas menti en mentionnant ses désirs au début de notre conversation.

En quoi tu profites des autres si tu vas danser toute la nuit sous un autre visage ? Et qui est-ce que tu blesses si tu veux t’envoyer en l’air avec un inconnu que tu ne reverras jamais ? Tant que vous êtes sur la même longueur d’onde, au final il aura ce qu’il voit.  Tant qu’il n’y a pas de sentiments.

Je hausse les épaules.

Mais j’ai compris, ce n’est pas ton genre.

C’était sa façon de se justifier, c’était un peu faible. Maintenant les serpentards n’étaient pas réputés pour le sens de la logique. En ce qui me concerne, dans la plupart des cas, la fin justifie les moyens. Peut-être qu’elle craignait de voir dans quelles profondeurs elle pouvait plonger si elle s’autorisait ce genre d’écart. Ca je pouvais comprendre. Mais se justifier avec une logique bancale ? C’était juste une autre façon d’enfoncer sa tête dans le sable. Etait-ce bien nécessaire de se mentir à ce sujet au point où on en était ?

Je suis désolée que tu trouves face à quelqu'un qui n 'en vois pas encore d'intérêt.

J’esquisse un faible sourire. Je sais qu’elle n’est pas désolée du tout. C’est le même genre d’expression fausse que j’utilise. Vraiment, parfois c’est comme regarder dans un miroir déformé.

Et là, une autre manoeuvre d’échec à laquelle je ne m’attends pas. Elle pousse le carnet vers moi et m’invite à le lire. Je baisse les yeux vers le carnet et m’en empare avec lenteur, détaillant les pages qui m’intéressent en silence.

C’est très détaillé, je te félicite.

Un ton calme et nonchalant, comme si je consultais ses notes de potions. Elle sait que ça pourrait lui attirer des ennuis, pas besoin de lui préciser, ça sonnerait comme une menace. Ce n’est pas le but. Je fronce un peu le sourcils et je plisse les yeux en détaillant une formule que je ne connais pas. Peut-être que je l’apprendrais à l’avenir. Peut-être pas.

Fascinant….

Je referme le carnet d’une main avant de le tendre à sa propriétaire, non sans la fixer du regard.

Je comprends pourquoi tu serais intéressée par les livres de la réserve.Tu as de...l’expérience là-dedans ou bien c’est juste théorique ?

Evidemment que ça m’intéresse. Je n’avais pas besoin de le dire.

Alors que je pensais avoir conclu cet aspect de la conversation, que je croyais pouvoir repartir sur de bonnes bases, je me trompais. Je m’étais avancé dans des eaux plus traîtres que je le pensais mais j’avais l’arrogance de croire que j’étais capable de m’en sortir sans rien divulguer. Lorsqu’elle s’approche c’est pour mieux me troubler, sans équivoque. Elle ignore que je pourrais mentir à la perfection en la regardant droit dans les yeux que je sois à un mètre  ou cinq centimètres d’elle. Elle ignore que je pourrais maintenir ce masque et la tromper avec cet air innocent même si on venait de se rouler des patins. Du moins je le pensais. Il en faut plus pour me déstabiliser.

Néanmoins je recule. Parce que c’est ce que je suis censé être, éviter la confrontation, jouer sur deux tableaux entre le loup et l’agneau. Et là, elle cherchait à attraper le loup.

Déçu ? C’est un grand mot. Mais comme je te l’ai dit tout à l’air j’ai du mal à comprendre ce gâchis de ressources...avoir un problème que tu pourrais résoudre facilement mais ne pas le faire.

Je croyais pourtant avoir été clair sur le fond de ma pensée. Cherchait-elle les failles dans ma répétition ?

C’est un peu comme si un oiseau refusait de voler, tu comprends ?

Je lui adresse ensuite un sourire candide malgré la tension qui règne dans la salle. Je venais de lui dire sincèrement que son secret était bien gardé. Mais la vraie question était : avais-je bien évalué Mae Greengrass en terme de risques ? Je commençais à me dire que je l’avais franchement sous-estimée.

Détour de conversation pour en revenir sur le sujet principal : la magie noir. Le visage de Mae s’illumine discrètement.

Fascinant, tu trouves ?

L’atmosphère change alors un peu. Je relève les yeux vers elle pour hocher la tête.

Absolument.

J’imagine que ce n’est pas le genre de réaction qu’elle a l’habitude d’avoir sur le sujet. Magie noire, secret honteux des sorciers destinés à se cacher dans l’ombre pour la pratiquer, même les rituels les plus inoffensifs. Pour moi, mettre un croix dessus serait ignorer notre passé, s’arracher un membre. La magie noire méritait d’être réhabilitée du moins partiellement et peut-être même totalement pour certains sorciers qualifiés. Et Mae venait de m’avouer qu’elle avait pratiqué. Voilà qui était dangereux...pour elle. Elle l’avouait sans peur, en me fixant. Elle n’a pas peur de ce qui pourrait lui arriver si jamais ça sortait de cette pièce. Je reste silencieux un instant, évaluant les réponses possibles avant qu’elle ne me trouble avec une question :

Et bien, j’étudie la défense contre les forces du mal, certes mais aussi l’occultisme donc ça m’intéresse...mais en théorie.

Je n’allais pas lui avouer les soirées passées avec Age Solheim. Contrairement à elle je n’avais pas de famille de sang-pur pour me protéger d’un scandale et surtout de la prison.

Donc tu pratiques la magie noire même si tu sais à quel point c’est dangereux...et interdit.

Alors qu’elle affirmait ne pas vouloir utiliser son don pour des raisons éthiques. Quelle hypocrisie. Quelle menteuse. J’en aurai presque souris si seulement je n’étais pas en danger.

Pourquoi est-ce que tu me dis ça, Mae ?

En théorie c'était absolument idiot. Ou bien c'était un tour de force. Tout dépendait de ses motivations.

Mae acquiesce faiblement mais il semble que ma réponse la laisse sur sa faim. A quelle réponse s’attendait-elle ? Je croyais avoir été clair la première fois. Evidemment que si j’étais à sa place, c’est ce que je ferai. J’utiliserai mon don avec finesse, je le cacherai aussi et en effet j’aurai pu avoir le tournis avec toutes les possibilités que cela pouvait représenter. Celles de changer son visage, d’emprunter celui de quelqu’un d’autre, l’impunité avec un I majuscule.  Mais puisqu’elle m’avait fait comprendre qu’elle ne comptait pas s’en servir, je ne comptais pas lui donner la marche à suivre...même si quelque part, j’étais convaincu qu’elle mentait. Avoir un don aussi utile et ne jamais s’en servir ? Ce n’était qu’une question de temps. Peut-être qu’après cette conversation, elle commencerait à y réfléchir. A envisager le monde de possibilités devant elle. Peut-être que son point de vue sur son don changerait.

Qui sait ? Je venais peut-être de semer des idées - non, elles devaient être là depuis le début. En tout cas, les alimenter.

Elle tente vainement d’utiliser mon intérêt comme une arme contre moi. Mais je ne suis pas celui avec le cahier rempli d’incantations - je ne suis pas en danger. Au contraire, j’ai la meilleure des excuses pour expliquer mon intérêt : la branche que j’étudie. Essaie encore, Mae. You’ve got nothing on me

Mais il n’y a rien à gagner à se fixer comme des chiens de faïences, à camper sur ses positions en érigeant nos murailles, quand nous étions si similaires. Si curieux et pourtant si effrayés, réticents à passer le pas.  Son opinion sur la magie noire, je la partage. Mon regard glisse sur le chaudron, un peu rêveur avant d’hocher la tête, un sourire poli aux lèvres:

Je suis d’accord avec toi, c’est important d’être ouvert d’esprit.

Et je suis toujours avide d’apprendre.

Et si elle attendait un “mais” suivi d’une leçon sur l’éthique, Mae pouvait toujours attendre. Je m’arrêtais là, gardant encore un peu le mystère sur mes intentions. Plus pour longtemps.

Tu ne me fais pas confiance, Mae ?

Une phrase ponctuée d’innocence, évidemment qu’elle ne me faisait pas vraiment confiance. On pouvait sentir l’électricité entre nous, la préfète sur la défensive et moi qui ne lâchais rien. Mais si je voulais changer la situation et gagner une alliée au lieu de me faire une ennemie - c’était à mon tour de faire le premier pas. J’ajuste ma position inconfortable sur ma chaise et pose mes mains docilement sur la table. Une fois les mains en vue, c’est difficile de cacher quoi que ce soit. C’est plus difficile de mentir. Mon regard affronte le sien un instant alors que je scrute les inflexions de ses cils et de ses paupières :

Pourquoi est-ce que je ferai quoi que ce soit pour te nuire ?

Est-ce qu’elle me croit ? Non, elle a encore des réserves. C’est le moment de lui offrir un peu de vérité. J’efface ce sourire candide et poli que j’arbore habituellement pour prendre un ton plus sérieux :

Tu n’es pas obligée de me croire, mais je sais ce que ça fait d’avoir l’impression que le monde entier est contre nous. D’être scruté. De ne pas se permettre un seul faux pas

Un léger soupire s’échappe de mes lèvres. Certaines personnes pourrait me traiter de paranoïaque, j’ai juste l’impression d’être pragmatique.

Donc si tu ne fais toujours pas confiance, tu peux croire ça : pourquoi est-ce que je te dénoncerai si j’ai envie d’apprendre ? Ca serait contre-productif, n’est-ce pas ? Donc apprends-moi et tu pourras être sûre que je ne dirai jamais rien.

C’est le bon vieux plot twist, celui d’être pris tous les deux la main dans le sac.

La sorcière marquait un point. Mais était-ce vraiment une marque de confiance de révéler un secret à quelqu’un qui, s’il venait à le répéter ne serait jamais cru ? J’hoche vaguement la tête lorsqu’elle mentionne la paranoïa. Je sais que c’est, je vis avec. Peur, paranoïa...ça commence par la même lettre.

Moi aussi j’avais une réputation, un honneur à défendre. Pas autant qu’elle mais quand même. Sans compter la pression qui pesait sur mes épaules, l’importance du regard des autres et l’angoisse d’être découvert. L’angoisse qu’un jour tout le monde réalise qui je suis vraiment et se retourne contre moi. Une véritable terreur viscérale à l’idée d’être exclu, pointé du doigt, moqué et surtout abandonné.

Mes doigts se crispent à l’idée. Le regard de Mae s’envole sur la salle sombre avec une certaine mélancolie. De toute évidence Mae connaît ces idiots qui se plaisent à blesser juste pour le plaisir de leur faible existence. J’espère qu’elle ne pense pas que c’est mon genre. J’espère qu’elle me connaît tout de même mieux que ça. D’une voix douce je la rassure :

Un serdaigle ne fait rien sans raison.

Je ne m’amuse pas du malheur des autres...à moins qu’ils soient venus me nuire d’abord. Et qu’elle le sache je n’avais aucune raison de blesser une si belle alliée. Ca serait idiot. Je suis suffisamment intelligent pour être capable de discerner où se trouve mon intérêt.
Et dans son récit, je discerne un doute. Mais est-ce qu’elle écoute ? Moi je le fais et je me reconnais dans certains de ses termes. Mais je commence à être fatigué de me justifier. Je me contente donc de compléter et de la laisser tirer ses propres conclusions quant à ma sincérité.

...être paralysé à l’idée de faire le mauvais choix, de commettre une erreur qui pourrait me coûter cher.  

Mae se montre prudente et elle a raison de l’être. Je sais à quel point ça peut être difficile de laisser quiconque nous approcher. Pour elle, ça doit être la même chose. Se dévoiler, c’est être vulnérable. Et être vulnérable et bien...ce n’est pas une option. Elle ne me prend pas au sérieux, pense que c’est une blague. Comment pourrais-je la blâmer ? Moi aussi je suis surpris de ce sursaut de témérité. Qui ne tente rien n’a rien. Ma façade reste néanmoins intacte, mon regard candide mais néanmoins sérieux. Peut-être un peu déçu.

Et ensuite… quelque chose se produit, quelque chose de magique. Pendant un instant...elle suspend son jugement. Baisse un peu son bouclier. Et si j’étais vraiment son allié. Et si nous étions vraiment, contre toute attente, un peu similaires ? Je garde le silence, soutenant mon regard alors qu’elle mentionne la péril vers lequel je me dirige. Je ne suis pas crétin. Je sais tout ça. J’ai pesé le pour et le contre il y a longtemps.  Un faible sourire, presque triste, éclaire mon visage.

Je le sais, Mae. Toi aussi.

A moins qu’elle soit inquiète pour moi ? Non, il ne faut pas rêver. Et pourtant, voilà qu’elle fait miroiter la plus belle et inattendue des récompenses. Ca me laisse perplexe quelques secondes, comme un enfant à qui on annonce qu’il va recevoir un poney pour Noël. Je baisse les yeux le temps de me maîtriser avant de les relever. Plus sérieux et sincère.

Je...ça serait...ça serait avec plaisir.

Et soudainement quelque chose d’important me frappe.

Je ne m’attends pas à ce que tu le fasses pour rien...qu’est-ce que tu voudrais en échange ?.

J’ avais du mal à croire que c’était vrai - que son invitation tiendrait et que ce n’était pas qu’une cruelle plaisanterie. Découvrir les recoins de la demeure des Greengrass et pratiquer dans un sanctuaire...c’était Noël avant l’heure. Mais je ne devais pas me laisser aller dans l’enthousiasme - une telle proposition devait avoir un coût et je préférais connaître le prix avant de passer à la caisse. Son sourire qui s’étire ne présage rien de bon mais s’éteint lorsqu’elle mentionne que c’est le prix de mon silence. Voilà qui m’arrange - je n’aimerais pas lui devoir une dette. Avec ce sourire Mae se dévoile un peu. Moqueuse, espiègle ou bien tout simplement mauvaise ? A moins qu’elle ne m’ait attribué des intentions qui ne m’appartiennent pas. Mae avec l’esprit mal placé ? Ce n’est pas tout à fait impossible. Derrière nos apparences policées, il y a toujours un monstre qui rôde.

Mais c’est avec un sourire léger et candide que je lui réponds :

Non c’est bon - je voulais juste être sûr que c’était équitable.

Je gagnais toujours au change mais elle n’avait pas besoin de le savoir. Elle aurait pu demander ce qu’elle voulait mais désormais le contrat était scellé. Mon silence contre une séance au manoir des Greengrass. Pour l’instant, cela suffisait. Mais qui pouvait dire ce que le futur nous réservait ? Avec un peu de chance, d’autres marchés fructueux, après tout il faut cultiver ses contacts, comme ma mère me le répète souvent.

Je hoche la tête à sa suggestion.

Bien sûr, je comprends….on réglera ce genre de détails en temps voulu pour que ça passe sous le radar.  

Moi aussi j’accordais de la valeur au secret. Je pouvais mentir facilement et user de différents stratagèmes pour m’y rendre sans être vu.

Tu sais que tu peux compter sur ma discrétion.

Et doucement les ombres se retirent et les masques reviennent. Je l’ai vu regarder l’heure, je sais que la transaction est terminée - et la potion aussi. Est-ce que ça vaut la peine de continuer de s’attarder dans ce trou à rats ? Je commence à ranger mon manuel et le reste avec le même calme olympien qu’au début de la leçon. Mon regard affronte le sien une dernière fois pour m’assurer que nous nous sommes bien compris

J’imagine qu’on se reverra pour une autre session de potions...et régler les derniers détails.

Une fois mes affaires réunies, je me lève et j'hésite avant de me décider et de dire finalement

Je sais que c'est contre-intuitif mais...tu peux me faire confiance là-dessus. Je ne t'ai jamais déçu, non ?