we'll always be unfinished business • CASSIOPEE

Arizona avait encore réveillé son frère en pleine nuit, n’arrivant pas à dormir et souhaitant sa compagnie pour l’apaiser. Toujours inquiet pour elle et soucieux de faire au mieux, il l’avait, comme toujours, rejoint l’espace d’une heure. Mais il n’était pas comme elle, il n’était pas capable de passer des nuits entières sans fermer l’oeil puis aller en cours comme si de rien n’était le lendemain. Texas avait besoin d’au moins une heure ou deux de sommeil en plus.

Il descendit les escaliers de la tour d’astronomie puis fila en direction de son dortoir. Ce n’était pas la porte à côté. Le silence du château n’était brisé que par les bruits légers de ses pas. La nuit était le moment parfait pour se promener en toute tranquillité, sans être importuné par le chahut de deux-trois gamins qui courent et crient dans les couloirs. C’en devenait presque paisible.

Le rez de chaussée apparaissait enfin. Bien que la balade était agréable, Texas avait besoin de dormir, et il n’était pas mécontent d’être bientôt parvenu au bout de son chemin. Il allait s’enfoncer dans les méandres obscurs du sous-sol quand d’autres bruits de pas lui parvinrent ; pas les siens, évidemment. Merde, il ne tenait pas à se faire chopper maintenant par un prof ou pire, par le concierge. Le jeune homme se faufila rapidement dans un coin de pénombre, contre un mur. La personne approchait. Si elle l’avait entendu, il était coincé !

Elle arrêta de marcher. Texas attendit, une, deux, trois minutes… De très longues minutes où il ne se passa rien. L’intrus ne bougeait plus. Il hésita au moins deux minutes de plus sur la marche à suivre à partir de ce moment. Il était clair que quelqu’un attendait une personne, ou quelque chose… Longeant le mur, le plus silencieux possible, Texas essaya d’apercevoir qui se trouvait là.

Une demoiselle, les cheveux longs, clairs. Une silhouette familière. Il plissa les yeux. Elle se retourna brièvement. La lumière bleutée de la Lune, perçant une fenêtre, éclaira son visage, suffisamment pour qu’il puisse la reconnaître. Cassiopée Vega. Un rictus déforma son visage. La cachottière. Texas avait toujours su que cette fille gardait des secrets. C’était d’abord une impression quand il l’a vu, confiante et sûre d’elle, sans peur et sans reproches. Il ne la supportait pas beaucoup avec ses airs de “m’as-tu-vu”. Passant beaucoup de temps au rayon des livres de potions et plus particulièrement ceux sur les poisons, Cassiopée n’avait pas échappé à son oeil curieux. Il l’avait vu, planquer un livre dans son sac et disparaître rapidement. Il l’avait aussi aperçu sortir en douce du laboratoire de potions, avec une sacoche qui débordait presque. Le serpentard aurait pu la balancer. Mais il trouvait beaucoup plus intéressant et amusant de mener son enquête lui-même.

Au fur et à mesure des mois et des semaines, Texas finit par assembler différentes pièces du puzzle, de temps en temps. Il n’en faisait pas une obsession. Mais la rumeur sur un trafic d’amortentia, ses escapades dans le labo, ses emprunts douteux à la bibliothèque… Et maintenant, la voici en pleine nuit, en attente de quelque chose.

La peur de croiser un adulte évaporé, il enfila la capuche de son sweat et approcha silencieusement de Cassiopée, s’évertuant à rester cacher le plus longtemps possible. Arrivé à sa hauteur, derrière elle, il posa une main sur son épaule, esquissant un large sourire moqueur.

« Tiens, salut Cassiopée… Je peux savoir ce que tu fais ? » lança-t-il, ses grands yeux posés sur elle, d’un ton inquisiteur mais intéressé.

L’intéressée ne se retourna pas de suite, probablement en train de chercher hardiment un plan de secours, pour ne pas avoir à révéler ses cachotteries nocturnes. Texas s’avouait fier de lui ; depuis le temps qu’il savait que quelque chose clochait avec elle, il était persuadé de la prendre la main dans le sac. La blonde finit par s’approcher de lui à son tour, lui lançant une question surprenante, l’insolence ancrée à ses lèvres. « Je pourrais te poser la même question ma belle, mais on va pas se renvoyer la balle éternellement. » minauda-t-il. Lui n’avait rien à cacher.

Il haussa les épaules avec toute la désinvolture dont il était capable. « Tu vois Arizona ? Elle est chez serdaigle en septième année. » Connaissant Cassiopée, le jeune homme savait qu’il ne devait faire aucun faux pas, jouer franc-jeu et être irréprochable. Si ce n’était pas le cas, elle saurait très bien retourner la situation à son avantage. Même s’ils n’étaient pas proches (dieu merci), la serdaigle avait une réputation qui n’était plus à faire. « Ma soeur a quelques...problèmes avec le concept de “nuit” et de “sommeil”. Et elle a parfois besoin de parler, tu sais. » Il agita la main, comme si c’était évident que la blonde connaissait les petites confessions nocturnes des filles.

Texas baissa les yeux vers la petite sacoche à l’air bien remplie de la demoiselle. « Tu veux arriver la première en cours ? Y’a d’autres moyens que de se lever si tôt... » lança-t-il, l’air moqueur. La fatigue le rendait bien loquace.

Il leva les yeux au ciel. Des somnifères, bah voyons. C’était avec ce genre de remarques qu’il se rappelait pourquoi il évitait normalement de lui parler : il ne la supportait pas. Cependant, il semblerait que Cassiopée se révélait presque prête à baisser les armes, le félicitant ironiquement pour son humour. Toujours un sourire mutin accroché sur les lèvres, Texas enchaîna, histoire d’enfoncer le clou. Il aurait été idiot de s’arrêter en si bon chemin.  « On a tous une face cachée, n’est-ce pas ? Bon, sauf toi apparemment, tu es juste… agacée et agaçante. » Bien sûr, il ne pensait pas un mot de cette phrase, sarcastique du début à la fin ; si Cassiopée avait éveillé sa curiosité, ce n’était pas juste parce-qu’elle réussissait à ce que tout le monde l’entende lorsqu’elle traversait un couloir. Non, la serdaigle cachait des choses, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure…

A vrai dire, il avait mis du temps à capter que quelque chose de louche se tramait. Et il n’en avait pas fait de pub. Son savoir et sa pratique pouvaient se révéler utiles. Puis, la première chose que l’on apprend quand on cherche à garder ses alliés près de soi, c’est qu’il faut avoir de quoi les faire rester. Un secret, par exemple.

Enfin, l’intéressée laissa échapper quelques informations. Texas les recueillit avec beaucoup d’enthousiasme et très peu de crédulité. Qu’il était compliqué de révéler ses secrets. Ben qu’il ne soit pas dupe, attaquer de nouveau en en demandant plus tout de suite ne serait pas très judicieux. Il devait lui aussi lâcher un peu de leste. « Tu sais, je comprends. Je serais bien embêté moi aussi, si mon contact venait à arrêter son traf- son commerce. » Le jeune homme était incroyablement doué pour faire et créer des poisons en tout genre (ainsi que leurs antidotes, évidemment). Pas que cela soit explicitement interdit, mais il valait mieux garder ça pour soi.

Texas retira alors la capuche de son sweat, comme s’il choisissait de se dévoiler, malgré les risques. Il regardait son interlocutrice d’un air provocateur, une pointe de défi dans la voix. « Et est-ce qu’on peut fouiller dans les affaires d’une dame si on laisse la dame en question fouiner dans ses propres affaires ? » C’était clairement une invitation.

Un sourire étira ses lèvres. Cassiopée était une fille avec du répondant, ça lui plaisait. Il appréciait, à sa grande surprise, échanger des piques avec cette demoiselle, qui se révélait bien plus intéressante qu’il ne le pensait au début. Ce n’était pas juste une pimbêche bruyante qui se liait d’amitié avec les moldus et les cracmols. Non, Texas était dorénavant persuadé qu’il y avait autre chose, un secret sous la carapace, un secret qu’elle était presque prête à partager. En échange du sien.

Il grimaça à cette idée, pas vraiment friand des révélations sur sa personne. Mais en même temps, le jeune homme avait longtemps étudié le cas Cassiopée et c’était l’occasion rêvée de mettre un fin mot à cette histoire. « Ok. Deal. » Une de ses mains jouait nerveusement avec ses cheveux blonds. Par où commencer ? Par la fois où il avait malencontreusement rendu malade le rat de son camarade de chambre et qu’il s’en était servi comme sujet d’étude pour observer le poison détruire chaque parcelle de son être ? Ou de toutes les autres fois où ça avait été volontaire ? Ces traits d’ange, hein ? Elle n’allait pas être déçue. « T’es-tu déjà intéressée à la mort ? Au poison qui pénètre chaque veine, chaque cellule, pour la brûler de l’intérieur, la détruire et arracher la vie partout sur son passage ? » Il tendit la main vers la chevelure blonde de Cassiopée, pour jouer lascivement avec une mèche. « C’est ça, qui me passionne ; les toxines mortelles et destructrices. »

Les cheveux s’entortillent autour de son doigt - une légère emprise. Il s’était quelque peu mis à nu et une étrange assurance en découlait. Cassiopée ne semblait pas être une femme de parole mais la situation la forcerait sans doute à parler. Elle était coincée. Pas physiquement. Mais il était capable de la faire couleur, il en savait assez.

Texas rompt la distance respectueuse entre eux. Sa bouche s’approche de son oreille pour y glisser quelques mots, comme si le couloir était bondé, comme s’ils étaient en pleine journée. « Et toi, la rebelle, qu’est-ce que tu mijotes avec tous ces ingrédients volés ? » La réponse lui brûlait la langue, mais ce n’était pas de cette façon qu’on brossait une princesse dans le sens du poil. Elle devait se révéler elle-même.

Le sourire confiant s’efface quand son jugement est prononcé. « Je ne t’ai pas demandé ton avis sur la question, me semble-t-il. » En cette heure tardive, les nerfs étaient à vif, et Texas ne supportait que trop peu qu’on émette un avis contraire à ses pensées. Sa patience avait des limites et, à trop jouer sur la corde, Cassiopée s’en approchait dangereusement.

Mais le jeu était terminé, et il avait gagné. Il avait été forcé de sacrifier une parcelle de son jardin intime afin que la brave serdaigle cède son plus grand secret, cette nuit, au détour d’un couloir, sans plus de convenances.

Sa peau sur la sienne le brûlait, comme l’acide qui rongerait l’épiderme. La satisfaction éclaira son visage ; la comparaison mythologique lui plaisait beaucoup. « Il n’y a pas eu une histoire d’amour entre Hadès et Aphrodite ? » il chuchota narquoisement.

Puis il se tut, soucieux de l’histoire que la jolie blonde avait à lui raconter. Il ne connaissait que trop bien ce sentiment d’amour. Chaque mot prononcé par Cassiopée le touchait en plein coeur, lui rappelant cette tornade rousse qui le chamboulait à chaque fois qu’elle passait près de lui, quand ce doux parfum synthétique imprégnait son écharpe. L’amour, c’était Elle, même si elle l’ignorait. Il fronça les sourcils. Etait-ce vraiment sain ? Se nourrir de la détresse des autres n’était pas une activité pour les personnes équilibrées… Mais qui a dit que cette blondinette tenace l’était ?

Il observa la fiole avec beaucoup d’intérêts ; il jubilait. Son intuition avait vu juste, depuis le début. « Je le savais. » La demoiselle s’était encore éloignée mais Texas rompit une nouvelle fois cet espace. « Tu me ressembles beaucoup plus que tu ne le voudrais… Comment as-tu dit ? Je te trouve…soudainement intrigante ou au contraire, ultra repoussante… » lâcha-t-il avec moquerie.

A l’évocation de la relation apparemment charnelle des deux divinités, le visage de Texas exprima surtout du dégoût. Evidemment, ce serait mentir de nier la beauté folle de Cassiopée. Tout chez elle était attirant, de ses courbes féminines à son tempérament rebelle. Et il demeurait un adolescent aux hormones fonctionnelles. Mais le sexe, c’était dans son esprit une sorte de Saint Graal, quelque chose de pur qui ne se pratiquait qu’au sein d’un amour réciproque. Il n’était pas lié à la Serdaigle de cette façon et penser à ça le révulsait.

Et s’il était si confiant auparavant, Cassiopée choisit de couper court, le déstabilisant. Texas n’était qu’un garçon un peu paumé. Malgré sa conception de l’amour physique, une pichenette sur le nez de la part d’Aphrodite, et le voilà qu’il perdait ses mots. Il sentit la chaleur envahir ses joues et il préféra intérieurement mettre ça sur le compte de l’heure tardive.

Le serpentard recula d’un pas, acceptant finalement la distance que la blonde avait cherché à garder. Un rictus se forma sur son visage quand ses esprits furent retrouvés. « Je sais pas, j’pourrais glisser quelques gouttes d’une potion dans ton petit déjeuner si tu l’ouvres un peu trop sur mes activités. » Finalement, il lâcha un petit rire, se rendant compte qu’elle pourrait peut-être le prendre au sérieux. « Il ne t’arrivera rien, Vega. Quand tu trouves quelqu’un qui t’es semblable, tu as deux choix. Le détruire ou s’entre-aider. Et, si j’en crois ta maison, tu es sûrement bien trop maligne pour essayer de me nuire. » Il accompagna ses paroles d’un clin d’oeil.

Il entendit des pas dans le couloir, s’approchant rapidement. Merde, peut-être qu’ils avaient été aperçus par Misa et qu’Orphan approchait pour les rappeler à l’ordre. Il baissa la voix. « Je te propose un marché : je garde ton secret et tu me proposes quelque chose que tu penses équitable en retour. » De toute façon, il l’avait vu voler des ingrédients. Ce serait facile à prouver. Lui ne faisait rien de franchement illégal. « Je te laisse une semaine. » Il lui envoya un baiser, narquois, tout en s’éclipsant, l’invitant à faire de même.