Goodbye, my friend!
Feat CurtisNous étions fin juin. Les examens touchaient à leur fin, et à vrai dire, ils ne m’avaient pas inquiété plus que ça. Ils ne m’inquiétaient jamais trop. Bien sûr, j’avais conscience que l’un de mes pires défauts était une peur viscérale de l’échec, mais j’étais assez intelligent pour obtenir d’excellentes notes dans les matières qui me plaisaient et négliger celles qui me paraissaient superflues et ennuyeuses. Autant pouvais-je passer des heures à lire des encyclopédies d’herbologie ou de soins aux créatures magiques car je pouvais y voir une application directe, concrète et efficace, autant il ne me serait jamais venu à l’idée de déchiffrer des runes ou de lire dans les étoiles. Aucun sixième sens à déclarer ici ! j’avais fort l’impression que la divination était une belle loterie, et, disons-le franchement, une belle supercherie. Bref, je me taperais sans doute de belles bananes dans toutes ces matières là, mais finirait tout de même parmi les élèves les plus performants de ma classe. Comme tous les ans. Comme d’habitude. Après tout, l’école ne teste pas l’intelligence mais la capacité à s’adapter à un système et des normes. Très peu pour moi. Je voulais bien jouer le jeu de temps à autre pour parvenir à mes fins, et parce que j’étais assez malin pour savoir que c’était là l’une des principales méthodes pour atteindre mon objectif. Il faut parfois prétendre de suivre les règles pour mieux les briser, non ?
Aussi bête que cela sonne, dans le fond, ce que je préférais à Poudlard, c’était passer du temps avec mes potes, à faire les quatre cents coups, visiter Pré-au-lard, boire des limonades et eux des Bierraubeurres. Regarder les filles. Jouer les playboys. Faire des concours et des défis idiots. Visiter les couloirs la nuit, par exemple. Et c’était comme ça depuis cinq ans ! Au plus grand désarroi de nos professeurs, qui avaient une fâcheuse tendance à me reprocher mon caractère un poil irascible. Un poil. Doux euphémisme.
Je poussai un soupir, en comparaison, mon été s’annonçait bien fade ! Encore une chance que je n’ai pas à retourner au domaine que j’avais eu pour maison pendant des années. Le Palace des Neiges. Je pouffai. Ce nom, bon dieu ! On ne pouvait pas faire plus pompeux ! Pas de vacances au palace, donc, mais dans ma minuscule chambre de Camden. J’adorais ma chambre, bien entendu, même si un inconnu ne l’aurait sans doute pas trouvée à son goût. Les murs étaient peints en damier rouge et noir et ornés de poster de groupes de rock moldus. Anciens comme modernes. Le plancher de était chêne recouvert d’un tapis rond confortable représentant un dragon menaçant et coussin premium favori de Pâtacrepe, sur lequel il laissait d’épaisses touffes de poil. Dans un coin, il y avait un minuscule bureau où mes livres étaient éparpillés. Le soir, on entendant le brouhaha des conversations et les chants des populations qui s’engorgeaient en masse dans le minuscule pub au rez-de-chaussée. Une ambiance festive, joyeuse, une vie qui ne s’arrêtait jamais. Sans que ce ne soit morne, j’aimais cette vie mais elle était bien trop loin de la magie. Pas de magie ni d’escapades pendant deux mois ! La barbe !
J’avais toujours dit à mon meilleur pote Curtis qu’il devrait me rendre visite, on pourrait explorer Londres tous les deux, il y avait sûrement une multitude de conneries à faire et d’opportunités dans une ville aussi grande ! Mais, il y avait un problème : Curtis aimait l’argent. BEAUCOUP. BEAUCOUP TROP. Et le bar de mon oncle était pour le moins… modeste. Selon certains standards, on aurait même pu le qualifier de taudis. Ne nous méprenons pas, je suis moi aussi un gosse de riche. La seule différence, c’est que dans mon cas, ça ne transparait pas. Mon argent, personne ne le voit jamais, mon accent, je l’ai forgé pour qu’il ne montre que neutralité. Quant aux bonnes manières… Je suis ce genre de gars toujours les pieds sur le bureau, alors vous vous attendez à quoi ?
Il y avait aussi un autre problème : Curtis allait partir bientôt. Loin. Très loin. Et ça, c’était vraiment pas la joie. Je l’attendais justement en haut de l’horloge. J’avais encore des tas de choses à lui raconter, par exemple l’histoire de ce gars qui m’avait cassé le nez en cours. Il se moquerait de moi, sans doute, pour avoir agi comme une bleusaille, sans réfléchir aux conséquences ! Mais il était pareil, alors…
Nous avions décidé de nous rencontrer là-haut, car c’était plus tranquille et je ne risquais pas de recroiser ni cette fille, ni cet élève dont je voulais parler à mon ami. Je m’appuyai contre le mur, Pâtacrepe blotti à mes pieds, roupillant comme une souche.
J’entendis des pas approcher et m’exclamai :
« Salut le Prince ! Ça va bien ? »Au dortoir, on avait décidé d’affubler Curtis de ce sobriquet car il était le petit snob du groupe, et clairement le plus maniéré. Surtout en comparaison avec moi, en fait, puisque je jurai à peu près toutes les dix minutes, pour rien et sans ménagement. Je souris franchement, ce sourire narquois que j’affichais toujours.
« J’ai plein de choses à te raconter ! »