[T] Le fantôme de minuit | Amelia

Au cœur d'une neige éternelle, le feu commence à brûler. En haut de la montagne, l'oxygène libéré, au-delà d'un océan agité, la chaleur montante ; dans les entrailles du désir, un oasis d'humidité. Le monde se dérègle, l'incontrôlable tant redouté. Dans ses yeux de bonté, le désir d'une faim qui ne répond de rien, les sentiments dilués dans l'immensité de cette sauvagerie détestée.
Le monde ne veut pas, déteste ces créatures ; le monde redoute, et la limite de la morale brandit ces barrières aux couleurs de tes profonds regrets. Le destin joue de toi, me plaçant sur ta route ; le destin piétine ton large cœur, en appelant à ton malheur qui porte l'odeur de mon sang dévoilé.

C'est une douleur qui fait vivre, une souffrance que je mérite ; c'est une sensation unique, la vie qui me quitte, comme le contact intime avec le spectre d'une Mort que j'aime autant que je désire retarder.
Il y a encore trop de choses pour que le grand final ne se dévoile dès maintenant ; il reste tant de sentiments, l'éternité de l'évolution de notre l'humanité. Ma main se glisse dans tes cheveux avec une maternité nocive, la caresse condescendante pour un hybride docile.

Le sang coule, perd de sa teinte unique, de ce goût impossible, de l'amertume d'une défaite que j'ai forcé. Le sang se dilue dans un goût simple à présent que tes sentiments sont submergés par cet instinct animal.
Ma main empoigne tes cheveux pour écarter ton visage de mon avant-bras, libérant ton esprit des tourments. Le geste qui réveille, te ramenant à cette humanité bercée dans une culpabilité immense.

« C'est toi qui devrait avoir peur. Tu es une bonne personne, Bartolomeo, mais ta bonté ne survivra jamais à tout le mal que j'incarne. Cette première soirée en est la preuve. »

C'est l'histoire d'un charmant garçon et d'une petite fille dans une balade nocturne. Le pas lent, profitant de l'instant. Le pas léger, sans la moindre méfiance ; et la lune semblait aussi salvatrice qu'elle semble être devenue sarcastique. Pensais-tu te nourrir, dans un instant aussi reposant ? Pensais-tu laisser la nature que tu aimes être souillée de tes désirs écœurants ?
Ma main t'a lâché depuis de longs instants, te laissant profiter de la distance de l'odeur éparpillée. Le sang coule encore, les gouttes régulières marquant cet instant unique comme seule preuve d'une temporalité existante.

La demoiselle était bien embêtée par sa normalité de corps, mais le garçon avait l'instinct meurtrier du prédateur humain. Au fond, c'est peut-être l'inverse - et cette monstruosité d'esprit semble vouloir broyer les moindres efforts de normalité que son naturel n'a jamais cessé de clamer.
Il est bon, indéniablement ; et cette pureté le rend si délicieux, immaculé du péché, comme le jouet inestimable que l'on désire mystérieusement briser.

« À présent, éprouves-tu encore la moindre sympathie pour moi ? »

Il savoure ces secondes qui s'écoulent, savoure lentement le nectar qui glisse le long de sa gorge, il savoure avec appétit cette éternité réduite à néant, ces promesses brisées et son coeur qui bat bien trop vite pour qu'il ne puisse se contrôler. Il sent la veine sous ses crocs et sa main qui caressait doucement ses cheveux. Il ferme les yeux. Il a si mal, Bartolomeo. Pourtant il ne ressent plus aucune douleur, si ce n'est cette envie grandissante d'un plus qu'il aimerait s'offrir malgré la poigne plus dure qui l'arrache à ses rêves. Pourtant il voudrait vomir de ce dégoût pour lui-même qui refait surface, et de ces voix dans sa tête qui lui demandent de tout arrêter autant quelles lui murmurent de s'accrocher. De continuer. De croquer, croquer encore, de s'approprier puis de la dévorer, elle. Amelia. Amelia si douce, Amelia si belle et si horrible à la fois, Amelia qu'il ne regarde même pas s'éloigner. Il a si mal de s'être sentit si paisible après tout ce temps. Il a si mal d'avoir redécouvert le désir et le plaisir parce qu'il a tellement, tellement peur de ne pouvoir s'en débarrasser. Il ne voudrait pas être incapable de lutter, et pourtant.

Il fuit ses yeux, écoute ses dires, laissant ses mots broyer son coeur comme du vulgaire papier mâché. Elle a raison mais il ne veut pas y croire, il garde espoir malgré le noir, malgré la peur. Et le désespoir. Grandissant. Assommant. Assourdissant. Est-ce que tu la détestes, Libertà ?

▬ Oui, a-il murmuré sans jamais la regarder, je t'apprécie toujours, Amelia.
Je te déteste, Amelia.
Je veux te tuer.
Laisse-moi t'achever.

Par pitié.

Pourtant il n'avait pas bougé, laissant les secondes s'espacer sans le moindre mot. Au bout d'un temps il finit par se redresser, fouillant dans l'une de ses poches pour en sortir un mouchoir en tissu qu'il lui tend simplement. Et dans ses iris qu'il pose doucement sur elle, il y avait cette peur et cette envie de sang, cet amour et cette rancœur qu'il ne saurait dissimuler. Il y avait la honte et le pardon, le combat de sa nature profonde contre son esprit.

▬ Pose ça sur ta blessure avant d'aller à l'infirmerie. Ça pourrait s'infecter si tu ne la couvres pas.

Je pourrais te dévorer si tu ne t'en vas pas.

Il y a toujours ce sang au bord des lèvres qu'il n'a pas prit la peine d'essuyer, préférant se tourner dans le but de repartir. Il valait mieux qu'ils ne restent pas plus longtemps ensembles aujourd'hui.

Il valait mieux qu'il ne la recroise plus, à vrai dire.

CE RP EST TERMINÉ !