[EVENT #5] Groupe 11 — Sandy, Joshua, Tiha, Victor

Une voix te sortit de cette sorte de transe dans lequel tu étais plongé, sans trop que tu ne saches ce qu’elle criait, ni pourquoi ton précieux sommeil t’avait été arraché. Ton esprit toujours embrumé, tu tentes un mouvement, puis titubes, tremblant de froid et de peur, jusqu’à ce que tu te décides enfin d’ouvrir les yeux. Sûrement aurais-tu paniqué, si tu n’étais pas perdu entre deux mondes, luttant pour comprendre pourquoi tu te retrouvais si loin des draps douillets de ton lit et du réconfort de ton dortoir. Mais te voilà, totalement déboussolé, désorbité, au milieu de nul part. Ton instinct te dirige vers le peu de lumière de la lune qui tentait de s’immiscer par les minuscules fenêtres. Tu avances lentement, Victor, toujours abasourdi par ce qui était en train de se dérouler, dans l’incompréhension la plus totale. Ta vision s’éclaircit peu à peu et tu discernes enfin tes alentours, bien que tout semble si flou, si vague. Etranger à ton propre corps, le bois craque sous ton pas semi conscient, tandis que tu te surprends à piocher au hasard un livre d’une étagère. Un livre de magie noire... où est-ce qu’il y en avait, de ces livres ?

Tes pensés s'interrompent à mi-chemin. Voilà que Sandy, petite première année que tu avais rencontré à la rentrée, se rue vers toi, l'air tout aussi perdue que toi. Tu n'étais donc pas seul Victor. Tu les vois, maintenant, les silhouettes des deux autres élèves. Ils ne te disent rien mais ont sûrement à peu près ton âge, contrairement à la petite qui t'assaillais de paroles.

- Je- Je sais pas. Je sais pas ce qu'on fout ici. Mais on finira bien par le savoir, d'accord ? On trouvera bien un prof ou je ne sais qui. Bientôt t'auras plus froid, je te promets.

Ta main se glisse vers la poche de ton short noir aux motifs d'abeille, mais bien sûr, c'est vide. C'aurait été étrange de dormir avec une baguette, après tout. Il fait terriblement froid. Une porte claque. Tu frissonnes, frottant les manches de ton pull marron trop grand pour toi contre ton torse pour créer de la chaleur. Tu aurais tout donné pour que ce ne soit qu'un mauvais rêve, juste un souvenir confus au réveil mais tu étais bien là, Victor, présent, matériel, quoique tu semblais absent. T'es au beau milieu de la réserve, avec une gamine et deux parfaits inconnus, en pyjama, sans aucun souvenir, sans baguette ni téléphone. Tout va bien.

Les autres. Tu te retournes vers les deux inconnus, sans pour autant t'éloigner de Sandy en tirant une grimace aux mots violents de la fille dont tu ne connaissais rien. T'étais pas vraiment encore réveillé Victor et une telle agressivité ça n'aidait pas beaucoup à te mettre de bonne humeur.

- Quelqu'un sait ce qui se passe ou on va rester plantés là au milieu d'un endroit interdit de la biblio sans savoir comment est-ce qu'on a atterri là ???? Non parce que c'est pas que je vous aime pas mais je comprends pas trop là. J'ai pas de baguette ou de portable non plus. Mon nom c'est Victor... au passage.

Imaginer le contenu inhumain des livres autour de toi suffit à te donner la nausée. Ton regard cherche anxieusement la sortie lorsque tu remarques les racines enlacées autour des étagères et alors que tu fais un pas en avant pour confirmer que t'étais pas en train d'halluciner, ton cœur fit un bond. Tes pieds nus ont touché quelque chose. Tu te secoues vivement, un peu dégoûté et ramasse la fleur de lotus écrasée, la montrant au groupe d'un mouvement aussi écœuré que troublé.

- C'est normal... tu donnes un coup d'œil hésitant vers les étagères strangulées par les racines puis vers ta trouvaille, ... ça ?

Tu te sens un peu gêné, voyant le garçon de ton âge prêter un pull à Sandy, parce que c’était indéniablement la meilleure chose à faire face à une petite première année frigorifiée et ce n’était pas toi qui en avait eu l’idée. Enfin, tu n’allais tout de même pas te trimballer torse nu au milieu d’inconnus. Vraiment pas.

- J’aurai préféré faire votre connaissance autre part que dans une situation aussi glauque, mais enchanté quand même.

Chercher dans des bouquins ? Tu fronces les sourcils. C’était toujours mieux que de rester comme pétrifié sur place. Mais des livres, il y en avait des milliers ici et les feuilleter n’était pas vraiment une idée qui t’attirait. Soupir entre frustration et fatigue, tu te résignes nonchalamment à chercher aux alentours, sans vraiment que le cœur y soit. Ton optimisme habituel s’était retrouvé entassé sous ta fatigue, Victor.

Le mot « sortie » saisit ton attention. Si tu étais maintenant sorti de la somnolence, ton irritation montait en flèche. Tu n’avais rien à faire ici. Sandy et les autres non plus, d’ailleurs. Le caractère obscur de votre rencontre n’aidait pas. Alors, toi aussi, tu te diriges vivement vers la sortie, espérant naïvement qu’il suffisait de cela pour régler tout tes problèmes.

Alors que ta marche devenait plus assurée, que tu étais définitivement décidé à t’enfuir de cet enfer, ta vue se brouilla peu à peu comme si un nuage de fatigue venait embrumer ton esprit. Mais ce n’était pas ça. Tu étais toujours là, réveillé, relativement alerte, dans la réserve et c'était bien une épaisse couche de brume qui flottait autour de toi. Même la magie ne pourrait expliquer ce qu’il se passait et cette pensée te fit frémir un instant. La magie avait toujours été pour toi un refuge rassurant, quelque chose qui te laissait t’exprimer et que tu arrivais à comprendre. Pourtant, le sol jonché de lotus, ces racines, cette brume, tout cela ne pouvait pas être l’œuvre d’un autre sorcier, si ? Quel intérêt ?

Être perdu était une sensation terrifiante. Et là, tu étais d’autant plus perdu que tu n’avais aucune foutre idée de ce qu’il se passait et que tu ne savais pas où mettre le pied. La voix de Tiha semblait si proche et pourtant si lointaine. Elle s’effaçait sous la confusion qui régnait et toi, impuissant, tu tournais bêtement sur toi même dans un espoir idiot de la voir, de voir qui que ce soit.

- Tiha??!! T’es où ??

Tu cries, espérant que les autres t’entendent.

- Bougez pas! si on s’éloigne ce sera encore pire. Sandy, je crois que t’es plus proche de... je ne sais pas ton nom, désolé, mais en tout cas reste avec lui. On va s’en sortir, quoi qu’il se passe, ok?

Et tu le pensais vraiment.