true love // Adrian

Adrian avait découvert une belle surprise au pied de son lit, ce jour là. Un paquet de bretzels entamé, accompagné d’une note de son meilleur ami disant qu’il lui en avait laissé. Ils avaient l’air fait maisons et Atlas ne cuisinait pas. Peut-être était-ce un cadeau d’une admiratrice ? En tout cas, ils avaient l’air appétissants. Et ils sentaient très bon. Se laissant aller à un petit écart, Adrian avait boulotté le paquet entier avant même de s’en rendre compte.

Peut-être était-ce Arsene qui les avait préparé. Il se demandait si elle cuisinait. C’était drôle, mais maintenant qu’il y songeait, elle avait plutôt bien changé avec le temps. Il se souvenait encore de la petite peste qui venait les embêter à chaque fois qu’ils jouaient. Elle était devenue une belle jeune femme, pleine de grâce et d’élégance.

Étrangement, plus il pensait à elle et plus il la trouvait attirante. C’était la première fois qu’une fille lui plaisait autant depuis ce jour fatidique où Mae avait capturé son cœur. Il mourrait d’envie d’aller la voir, d’entendre le son de sa voix et peut-être plus encore si elle le permettait. Peut-être était-elle encore dans la salle commune à cette heure. Ça valait le coup d’aller voir. Un bref instant de sa présence suffirait à illuminer sa journée.  

Il se leva, prit le temps de se recoiffer, de remettre son uniforme en ordre, contempla son reflet dans le miroir et se lança à la poursuite de sa nouvelle âme-sœur.

Et elle était là, un livre entre les mains. La marque de sa brillance studieuse. Elle était la perle de leur maison, après tout.
Il s’avança doucement dans sa direction, cherchant une manière pour l’aborder sans que ça ne paraisse étrange. Merlin ce qu’elle était belle ! Arrivé à sa hauteur, il détourna le regard de la perfection qu’elle incarnait pour les poser sur l’ouvrage. Des loups-garous ?

Tu tentes de mieux connaître l’ennemi ?

Faire un effort pour paraître naturel. Ne pas passer pour un gros lourd comme ceux qui doivent sans cesse l’aborder. Il faut se montrer à la hauteur d’une sorcière aussi fantastique. Ne pas foncer et risquer de l’effrayer. C’était sérieux.

Les mots qui s’échappaient de ses lèvres sonnaient comme la plus douce des musiques à ses oreilles. Des lèvres qu’il mourrait d’envie de capturer, en cet instant. Comment avait-il pu rester aveugle si longtemps ? Elle était parfaite dans chaque aspect de son être. Et il se retenait à grand peine de laisser paraître le désir inexorable qui l’étreignait.

Oui, il avait chaud. Il enleva même son blazer et le posa sur un fauteuil proche, desserra sa cravate et déboutonna le premier des boutons de sa chemise. Puis, il vint s’installer sur l’un des accoudoirs du fauteuil d’Arsene et lui lança un regard suggestif.

Tu vois quelqu’un d’autre ici ?

La salle commune n’était pas vraiment vide, mais il ne voyait qu’elle. Elle était le pôle magnétique de tout son être et le reste n’existait qu’à la manière d’un décor, les autres personnes de simples figurants.

Il serait plutôt content, je pense. Que ce soit moi plutôt qu’un autre, non ?

En réalité, il y avait de bonnes chances pour qu’Atlas lui rie au nez s’il affirmait aimer sa sœur, mais il s’y ferait. Adrian se rapprocha doucement. Tourna la tête pour mieux accrocher le regard de celle qu’il aimait.

Puis, je ne veux que toi. Alors ce qui est convenable ou non...

Ça n’avait aucune importance.

Il n'était pas bien sûr de comprendre. Pourquoi lui parlait-elle de philtre d'amour et du fait qu'elle était méprisable ? Se considérait-elle indigne de lui ? C'était ridicule, enfin. S'il y en avait un qui n'était pas digne de l'autre, c'était lui. Mais qui aurait pu être digne d'Arsene ? Elle avait tant de qualités enchanteresses...

Tu as un drôle de sens de l'humour, tu sais ?

Car ce ne pouvait être que cela, une blague. Il n'y avait pas vraiment d'autre explication. Il l'aimait quand même malgré son sens de l'humour douteux, ce n'était pas bien grave.
Comme elle insistait, il se décida pourtant à jouer le jeu. Qu'avait-il à perdre ? De tels sentiments ne pouvaient être créés artificiellement. Autant lui concéder cela.

Si tu tiens tant que ça à tester la pureté de mes sentiments, pourquoi ne prépares-tu pas un antidote ? Je le boirai et nous serons fixés.

Il avait confiance en elle. Une certitude née de son affection. Elle était très douée et capable et ne risquait pas de l'empoisonner par mégarde. Ç'aurait été une fin bien trop cruelle à cette romance. Leur amour marquerait l'Histoire. Des siècles plus tard, on se réfèrerait encore à eux alors que Roméo et Juliette seraient tombés dans l'oubli.

Était-elle trop timide pour accepter son affection ? Était-il  trop directe dans sa manière de la lui offrir ? Peut-être que la raison de ses excuses farfelues se trouvait là ? Ou peut-être, tragédie entre toutes, qu’elle ne lui rendait pas son amour éperdu ? Cette possibilité le fit frissonner. Tout mais pas ça !

Une épiphanie ? Une personne aussi adorable ne tenterait pas de m’empoisonner.

N’était-elle pas merveilleuse ? Une incarnation de la beauté et de l’élégance ? Et loin d’être bête, avec ça. Ils pourraient faire tellement de choses ensemble, avoir le monde entier à leurs pieds.
Sa proposition lui fit hausser un sourcil, signe de sa perplexité.

Je suis prêt à écouter, mais n’y vois aucune promesse. Tu es loin d’être incapable de parvenir à tes fins.

C’était l’une des choses qu’il appréciait chez elle. Et puis, s’il voulait être son partenaire et non un simple sous-fifre, il devait poser dès le départ les limites. Amour et respect allaient de pair, non ?
Puis, à quoi bon s’enticher d’une fille aussi talentueuse si c’était pour tout faire à sa place ? En fait, il aurait aimé la voir en action.  

Il haussa les sourcils en l’entendant parler de sujet d’étude. Toute cette conversation avait un petit quelque chose d’étrange qui lui échappait. Son esprit semblait comme plongé dans le brouillard, rendant sa réflexion difficile. Et les mots d’Arsene qui s’enchaînaient n’étaient pas pour le réjouir. Tout cela avait comme un côté déjà vu. Une douleur familière… Mae.

Il se leva et alla s’installer dans le fauteuil en face d’elle, tentant de réfléchir, trouver un sens à tout cela. Une part de lui maudissait le sort qui s’acharnait à le faire aimer des personnes qui ne pouvaient lui rendre pleinement son amour… et dédaigner celles qui en semblaient capables. Il poussa un profond soupir.

Je ne sais pas, Arsene. Le fait que puisses ne pas m’aimer n’est pas une pensée agréable, loin de là.

Et quant au fait qu’elle puisse aimer quelqu’un d’autre et lui à la fois, cela lui échappait. Il avait entendu parler de certaines personnes qui s’accommodaient de ce genre de situation. Ce n’était pas son cas. Partager n’était pas dans sa nature. Il ne voyait l’amour que comme quelque chose d’exclusif.

Tu ne peux pas avoir le beurre et l’argent du beurre, tu sais ? Enfin, pas avec moi. Si tu nous aimes réellement, il faut que tu choisisses. J’aimerais que tu me choisisses moi, mais c’est ton bonheur que je recherche avant tout.

Une situation qui se répétait. Le visage de l’élue changeait, certains détails aussi. Mais, au final, même s’il devait en être amer, la voir heureuse comptait plus que le reste. Et il se retrouvait à faire des choix similaires. La peine le déchirait, mais son cœur savait que c'était la meilleure chose à faire.

Juste… ne nous fait pas attendre trop longtemps, ce serait cruel.

Il savait ce que c’était et ne souhaitait pas cela à son rival. Il aurait pu lutter avec acharnement, remuer ciel et terre pour elle. La décision ne lui appartenait pas. Comme avec Mae… Il l’aimait encore, c’était son fardeau à porter. L’aimait-il plus qu’Arsene ? Tout se mélangeait. Confusion.

Les mots d'Arsene... Mae... Il aimait les deux ? Non, Arsene ne faisait rien pour qu'il aime, n'avait jamais rien fait. Elle était une peste et il le savait. Pourquoi l'aurait-il aimée ? Elle était belle, certes, mais l'amour et le désir, ce n'était pas vraiment pareil.

Tu avais raison... Je crois ?

Il aimait encore Mae et c'était un problème qu'il s'échinait à régler, un problème si grave qu'il devait employer la magie. Comment aurait-il pu aimer Arsene, s'il aimait encore Mae ? L'amour était un sentiment exclusif. On ne pouvait pas aimer deux personnes à la fois, pas réellement. Sinon, ce n'était pas de l'amour, on se mentait juste à soi-même.
La dernière réplique de celle qu'il croyait aimer (?) le fit sourire.

On ne tombe pas malade pour ça.

Pauvre Arsene. Être incapable d'aimer devait être bien triste. Peut-être en était-elle capable. Il lui manquait juste la bonne personne.

J'espère que tu aimeras, un jour. Et seras aimée en retour. Mais pour nous, je crois que tu avais raison, ce doit être faux. Il y a quelque chose qui cloche.

Peut-être qu'en se passant un peu d'eau sur le visage, ce serait moins flou. Il avait besoin de certitudes.