Il y avait de ces journées ou tout allait bien autant dans le ciel que sur cette terre, des jours où pour ta personne il ne se passait rien, rien de bien mal, rien de trop méchant ni même de trop humiliant. Il y avait des jours ou tu t’ennuyais, et puis des jours où tout ça t’emmerdait. Jamais tu n’avais pu apprécier les prises de tête, sauf peut-être lorsque tu les initiais, parce que tout ce qui venait de toi te plaisait forcément, parce que tout se faisait selon tes envies, et que tes envies surpassaient allègrement celles des autres. Que tu étais égoïste. De croire que tu étais le seul à être capable d’agir de la sorte. Il y avait fallu des heures pour décompresser, laisser au coeur le temps d’évacuer la trop lourde vérité, la trop imposante douleur, cette si intense tristesse qui te bouffait à travers ; et puis des jours, quelques-un au moins, pour retrouver ton humanité, te décider à excuser, pardonner les erreurs puis faire table rase du passé.
Tu ne voulais pas le perdre, après tout.
Même après avoir tout gâché.
Il y avait de ces journées ou, parfois, tu ne voudrais faire que pleurer. Pleurer encore et encore pour laisser ces larmes salées assécher ton âme, les envoyer nettoyer les entailles à ton coeur, celles qui te brûlent si fort et puis les autres aussi. Celles un peu plus profondes, cachées du monde, les déchirures abyssales plus fourbes encore que tu ne saurais jamais l’être. L’humanité était une salope, et les sentiments quelle engrangeait, tu les aimais autant qu’ils te donnait envie de vomir. Il y a ce soupir qui s’échappe pour rejoindre le vide égayant tes rétines ; tu demeurais toujours incapable de verser la moindre larme et pourtant tu n’avais pas envie de te battre aujourd’hui. Tu voulais simplement rester là, être seul, pour respirer, écouter, converser avec toi-même sans avoir ce besoin constant d’ouvrir la bouche pour prononcer des mots -vides de sens, assurément.
Ce qui était bien avec lui c’est que tu n’en avais pas besoin,
Parce qu’il te comprenait,
Et qu’il restait là,
Même après avoir tout gâché.
L’esquisse qui s’adoucit, inconsciemment tu te sens bien, lui à côté, inconsciemment tu te sens libre, tu le sais ? Il avait cette faculté là, Elior, celle d’apaiser tes tourments, et puis de les créer aussi, un peu comme un ange que tu prenais plaisir à maltraiter. Tu n’avais pas parlé lorsque ton visage s’était tourné et que tes iris avaient rencontrés les siens.
J’suis désolé. Il était si pâle, est-ce qu’il mange bien au moins ? Il avait l’air un peu fatigué, pas mal embêté ; un peu comme toi mais là n’est pas la question. Il est désolé, et tu l’es aussi Kain. Désolé de voir ces marques salir sa peau, désolé de t’être emporté, désolé de l’avoir frappé, désolé de, peut-être, ne pas regretter. T’es désolé de ne pas savoir et de ne pas réussir à lui répondre parce que t’as pas envie. Toi aussi t’es désolé, mille fois désolé d’être toi, peut-être aussi d’exister, parfois, pour compenser toutes ces fois ou tu ne regrettais rien.
Les gestes sont lents et les mots bien simples, quoiqu’un peu brutaux. Tu espérais la douceur d’un pansement,tu espérais plutôt pouvoir trouver de quoi rétorquer quelque chose d’un peu tranchant pour vous permettre de repartir de l’avant. L’intention surprenante et l’aveu des ses excuses te prouvent à quel point tu es encore un enfant, Kain, t’es capable d’assumer toutes les misères du monde, sauf les plus importantes. T’es capable de blesser tout le monde sans protéger le plus important ; c’en est navrant.
Parce qu’Elior n’a pas été cool mais toi non plus,
Et est-ce que tu lui diras tout ça ?
Que tu le remerciais d’être là ?
Bien sûr que tu lui dirais, du moins c’était ce que tu pensais.
T’as toujours eu du mal à être honnête envers toi-même.
Alors pour excuser ta maladresse c’est une main qui se dépose tendrement dans ses cheveux, et ton regard qui se détourne un bref instant avant que tu ne les ébouriffes en silence.
C’est moi qui suis désolé. Pourquoi était-ce si compliqué à dire ? Il contemplaît le paysage désormais, sans trop savoir quoi faire, sans parvenir à dire, il contemplaît ce paysage depuis de longues secondes. Une minutes, peut-être plus, avant qu’un sourire à peine perceptible ne vienne étirer ses lèvres, avant que la tristesse et la dérision ne s’emparent de ses mots. Il avait réussi à parler, prêt à tout oublier.
–
T’as pas à l’être, prononcé calmement de sa voix éraillée par le silence, détourné parce qu’il s’en voulait finalement d’avoir trop craqué.
Pas à t’inquiéter.
Tout allait bien après tout,
même s’il faisait un peu froid.
Feat @Elior Price 
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